Larry le dingue, Mary la garce
Titre original: Dirty Mary Crazy Larry
Genre: Action , Road-movie
Année: 1974
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: John Hough
Casting:
Peter Fonda, Susan George, Adam Roarke, Vic Morrow, Roddy McDowall...
 

A l'heure où le genre "caisses poursuite" s'est gentiment éteint pour laisser place à d'infâmes produits bouillabesques et "m'as-tu vu" comme "60 secondes chrono", "Fast and Curious" (?!) ou "Autoroute racer" sans compter le "repreneur" de voitures d'occasions, le sieur Tarantino et son faiblard hommage au genre "Death Proof", il est doublement bon de se tourner à nouveau vers une époque où l'on savait encore tourner sans chichi et sans poudre aux yeux, de bons films d'action pleinement assumés ainsi qu'ancrés dans leur époque. On avait eu l'incontournable "Vanishing point", ainsi que des oeuvres sympathiques comme "La grande Casse" (I et II) tournée la même année (et dont le film de Dominic Sena cité ci-dessus, s'inspirait fortement). On n'oubliera pas non plus le très bon "Sugarland Express" de Spielberg qui entretient à mon sens quelques ressemblances avec le film de John Hough. Finalement l'un des derniers grands films du genre restera le sous-estimé "Convoi" de Sam Peckinpah" avant les vaines "Burt Reynoldseries" de l'ex cascadeur Hal Needman.

 

 

De quoi retourne t-il dans ce très culte Dirty Mary Crazy Larry ? Trois personnages nous sont rapidement présentés dans un préambule sec et nerveux qui pose les bases de tout le film à venir. Nous avons d'un côté Larry (Peter Fonda), conducteur de bolides invétéré et insouciant des dangers potentiels, de l'autre, son ami de toujours, mécanicien de son état, Deke (excellent Adam Roarke : "Frog", "Hell's Belles"). Les deux compères, à l'esprit au préalable assez "Peace and Love", décident de prendre en otages la femme et la fille d'un patron de supermarché (le grand Roddy Mc Dowall - toujours un plaisir pour moi que de le voir -), avant d'être rejoints par Mary (Susan George : Sonny and Jed) puis d'être furieusement pourchassés par la police du comté. Dès lors, le film sera une course-poursuite sans temps mort doublée d'une étude de caractères intéressante et surtout attachante.

Intéressante par la façon dont John Hough déleste son film de tout alibi ou autre motivation morale pour justifier les exactions de ses anti-héros qui n'ont finalement qu'un seul but : s'acheter une caisse afin de concourir dans le circuit professionnel. De fait, on ne peut pas dire qu'ils sont défendables. D'ailleurs, Larry aimerait bien se débarrasser de Mary qui ne joue la glu que pour se venger du machisme de celui-ci qui l'a laissée sans état d'âme particulier seule au lit après une nuit d'amour. Celle-ci ne semble là que pour attendre puis être témoin du moment où il se vautrera. Le romantisme prend ici un coup de pied au cul salvateur et la soif de vitesse prendra sans cesse le dessus. Les dialogues riches en sous-entendus rancuniers, vachards et ironiques fusent de parts et d'autres. Les deux protagonistes semblent n'être que deux grands enfants dont les enjeux réels semblent les dépasser. C'est bien, du reste, ce qui finit par les rendre attachants, car aucun des deux n'a le caractère aimable ni généreux. Si Larry est dingue, Mary l'est tout autant et Larry est aussi garce et égoïste que Mary.

 

 

Entre les deux, seul Deke fera tampon, car il sera le seul personnage conscient de leur situation, le seul personnage à la fois romantique et adulte. On pourra même y voir là une description microcosmique de la fin de l'ère hippie, avec un final brutal comme pas deux qui viendra appuyer le propos. Il n'y a plus de place pour ces grands enfants dans un monde de brutes dans lequel leurs poursuivants ne sont pas plus mâtures qu'eux, mais se trouvent à la bonne place, celle de la légalité.
Du côté de la loi, c'est donc à peine mieux et peut-être même pire, puisque l'incident n'aura comme conséquence que de réveiller un troupeau de ploucs assoupis qui verrons là l'occasion d'accomplir l'acte héroïque de leur vie, les tirant d'un ennui devenu presque chronique. C'est à coups de "Kiss my ass !" qu'ils se disputeront des bouts de l'aventure justicière. Avec ces gardiens de l'ordre pas plus évolués que nos deux lascars qui font le titre du film et portés très haut par un Vic Morrow en pleine forme, la course-poursuite devient très vite pour tout le monde un jeu de dupes en passant par un jeu classique du "chat et de la souris" où finalement, à l'instar, du "Convoi" de Peckinpah, l'un a besoin de l'autre pour exister.
En accomplissant cet acte irresponsable, Larry et Mary n'ont finalement fait que réveiller un besoin latent d'action et d'héroïsme. Le Shérif Everett Franklin en sera le parfait exemple et les traquera finalement en hélicoptère dans ce qu'on pourrait croire être alors l'unique but de sa vie. Il n'y a plus que ça qui compte, on rentre de plain-pied dans un jeu de rôle où les motivations des deux côtés se font floues pour ne plus paraître qu'accessoires, si ce n'est que l'ombre d'une fin tragique semble inéluctablement planer à l'horizon. Si la traque devait aller à son terme, tout le monde y perdrait, les flics retourneraient à leur ennui et ce serait la perte des illusions pour nos deux héros. Sans doute le terme d'une innocence si propre à l'enfance et ses rêves, celle-ci étant expurgée de toute culpabilité par une quasi-inconscience d'une réalité où les actes ont des conséquences graves et surtout palpables.

 

 

Ce qui est extrêmement réussi dans Larry le dingue, Mary la garce, en plus d'être touchant, c'est cette fin brutale du monde de l'enfance, que l'excellent John Hough parvient à mettre au second plan, épurant à sa manière les personnages pour mieux se concentrer sur l'action pure. Tout est formidablement filmé ici et les paysages arides contribuent à la nervosité de l'ensemble. Les scènes d'action sont de beaux morceaux de bravoure, du genre de ceux qu'on n'oublie pas, les dialogues sont souvent savoureux, les acteurs formidablement dirigés et, décidément, on se dit que ce John Hough, bien que sous-estimé, fut un cinéaste de grand talent. Après avoir offert un excellent Les Sévices de Dracula au sein de la Hammer, puis un must du film de maison hantée avec La maison des damnés ("The Legend of Hell House"), et avant un Incubus de très bonne mémoire, avec sa fin scotchante et brutale comme celle que l'on retrouve au sein de cette formidable et même incontournable série b.
C'est assurément un très bon spectacle que ce film à la fois léger puis grave, aéré et sans temps mort et, dans son ensemble, absolument palpitant en plus d'être une oeuvre à laquelle on peut s'attacher facilement.

 

 

 

Mallox
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