Lady Snowblood : Blizzard from the netherworld
Titre original: Shurayuki Hime
Genre: Drame , Chambara
Année: 1973
Pays d'origine: Japon
Réalisateur: Fujita Toshiya
Casting:
Meiko Kaji, Toshio Kurosawa, Masaaki Daimon, Miyoko Akaza, Takeo Chii, Noboru Nakaya...
 

Une injustice de base générera une tardive mais intransigeante vengeance. A la recherche d'un bouc émissaire, un groupe d'habitants assassine à tort un instituteur pour l'unique raison qu'il est vêtu de blanc. La raison ? Nous sommes au début de l'ère Meiji et l'empereur tente de révolutionner le système traditionnel des samouraïs, coupable selon lui d'empêcher la nation d'assoir sa puissance. Pour remédier à cette carence, il met en place un décret obligeant plusieurs contrées à rentrer dans les rangs. Seuls les plus riches, surnommés les "Blood taxed men" sont exemptés de cette obligation, ayant le droit pour se distinguer de s'habiller en blanc. L'instituteur fraîchement débarqué sera victime de son ignorance en la matière. Sa femme sera ensuite violée et sera asservie. Poussée dans le monde de la prostitution par l'un des coupables devenu souteneur, elle le tuera bientôt. Au sein de la prison dans laquelle elle demeure emprisonnée pour un crime pourtant légitime, la martyre n'aura plus qu'un seul et dernier réflexe de survie, celui de donner naissance à une petite fille du nom de Yuki (neige). Hélas la maman rendra ensuite son dernier souffle. Vingt années passent...

Yuki est devenue une bien jolie jeune femme. Mais son destin n'est guidé que par une unique motivation : la vengeance !

 

 

Pour se faire elle se fera initier par un prêtre (un peu comme dans "Kill Bill" serais-je tenté d'ajouter si Tarentino n'était pas venu tout piquer ici, et quand je dis tout, je ne suis vraiment pas loin du compte, mais laissons ça de côté), et ce sont les 4 hommes responsables de la mort de ses parents qu'elle s'acharnera à retrouver pour enfin leur régler leur compte et trouver la paix. Une paix qu'elle n'a jamais eue en enfant sacrifiée qu'elle a toujours été. Une vie toute dédiée à la vengeance et c'est pour cela même qu'elle fut enfantée. Tout un programme ! Ici campée admirablement par Meiko Kaji, qui fut l'inoubliable héroïne de "La femme scorpion" tournée juste l'année d'avant. Elle est mise en avant de façon épatante par Fujita Toshiya avec moult ouvertures de champs, offrant un personnage mémorable au sein des adaptations de classiques Manga.

Son film est un chef-d'oeuvre de narration éclatée, à la fluidité pourtant exemplaire. Yuki parle peu, elle n'est pas loin du personnage de ‘Silence' au sein du grand film éponyme de Sergio Corbucci. Sa présence conserve une dimension fantomatique qui sublime un ensemble d'une richesse déjà étonnante. D'entrée, ce postulat, dans lequel la mère attire l'un après l'autre ses geôliers afin d'être fécondée, est étonnant. Elle parviendra donc à ses fins donnant alors naissance à un pur instrument de vengeance. Bien sûr, tout n'est pas à mettre au crédit du très talentueux réalisateur et l'on rappellera que "Lady Snowblood" comme sa suite, sont tout d'abord des adaptations d'un manga de Kazuo Koike. Il est peu dire que ce dernier a inspiré le genre au plus au point si l'on regarde les adaptations le plus souvent mémorables auxquelles il a eu droit. "Baby Cart" c'est lui, "Hanzo the razor" c'est encore lui... on pourrait citer également "Golgo 13", "Lone Wolf & Cub" ou encore plus tard dans les années 80 "Crying Freeman" que Christophe Gans tentera de porter à l'écran avec trop peu de vie. Pas étonnant que l'homme à l'amorce des années 70 soit devenu l'un des scénaristes les plus en vogue au pays du soleil levant. On peut au total dénombrer pas moins de 14 adaptations de ses propres mangas, c'est dire leur qualité en plus des éléments cinématographiquement porteurs qu'ils recèlent !

 

 

En terme d'adaptation, on peut dire que "Lady Snowblood" est un chouïa moins barré que les autres incontournables du genre que sont "Hanzo the Razor" (le plus fou) ou "Baby Cart" (le plus comics). Celui-ci est sans doute plus léché et l'on sera tenté de le rapprocher d'avantage de "La femme scorpion" de Shunya Ito. C'est une histoire toute traditionnelle de vengeance à laquelle on assiste mais transcendée tout d'abord par une esthétique somptueuse (cette neige qui semble suivre l'héroïne dont l'élément fait pourtant son prénom et sous-entend quelque chose d'immaculé alors qu'il s'agit d'un ange exterminateur). Les geysers de sang sont des éléments graphiques quasi indissociables du genre et font toujours leur effet. Ils sont une nouvelle fois ici déployés jusqu'à l'absurde (au-delà de l'image, leur son est impressionnant) et restituent à merveille l'esprit manga originel. Les effets gores y sont nombreux et l'on retiendra pléthore de gorges et autres membres tranchés nets, arrachant des cris stridents à leurs victimes, les reléguant à leur statut de hyènes qu'ils sont. Une tenancière déjà en mauvaise posture pendue au plafond se fera même couper en deux, la partie supérieure de la sacrifiée se transformant alors en douche de sang ! Ailleurs les travellings affluent et démontrent tout le savoir-faire du réalisateur. Travellings lents sur l'héroïne en passe d'attaquer, se hissant le long des murs et sur les toits, travellings rapides sur les regards, renvoyant à Sergio Leone auquel il emprunte en se réappropriant son dû.

 


Doté d'un scope et de cadres le plus souvent somptueux, "Lady Snowblood" brasse, western, chambara, manga, ultra-violence, poésie et dualité humaine avec génie. Découpé en quatre chapitres (et non pas en volumes), la narration est d'une intelligence et d'une finesse toute exemplaire. Subtils flash-backs d'un côté, et épopée sanglante en marche de l'autre. La présence de doutes concernant Yuki au fur et à mesure de son chemin de croix désincarné est déjà étonnante, après tout, elle est née et a été programmée que dans le seul but de tuer, mais cette structure donne toute liberté de mouvement à Fujita Toshiya pour en restituer admirablement les abysses. Ce dernier est un artisan assurément doué et il est dommage finalement que de sa filmographie, on ne retienne que ses deux "Lady Snowblood", alors qu'il semble y avoir derrière toute une oeuvre à découvrir avec pas moins d'une trentaine de films au compteur de 1970 à 1988. Quelques drames en début de carrière expliquent sans doute la raison pour laquelle non seulement le film est d'une richesse cinématographique exceptionnelle, mais également une étude de moeurs fouillée et pertinente. En attendant cette adaptation majeure de manga est une ample réussite qu'il faut se donner à voir un jour.

Pour finir, je n'oublierai pas de mentionner l'excellente musique de Masaaki Hirao ("New Female Prisoner Scorpion: #701"), rythmée comme un sérial à suspens et dotée d'un cachet seventies des plus beaux, elle est à l'image de "Lady Snowblood" : Suprême.

 

 

Note : 9/10

Mallox
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