Dossier : Angel I-IV |
Écrit par The Omega Man |
Angel
Au début des années 80, je me souviens des polars où l'ambiance était chaude et les mecs se promenaient le Smith & Wesson à la main et le regard froid, Bronson venait de reprendre son rôle fétiche de justicier, Clint signait son meilleur Dirty Harry, Wings Hauser tabassait les prostituées dans Vice Squad, même Bébel jouait au "Marginal", le genre était en plein essor et la mode des Buddy Movies ("L'Arme Fatale" & Co) n'avait pas encore envahi les écrans, bref on pouvait encore tout se permettre, ce que Robert Vincent O'Neill n'a pas hésité à faire. Aujourd'hui ce genre de fantaisie est réservée aux films d'auteurs cannois (voir "Jeune & Jolie") qui font la joie des festivaliers pervers, mais les aficionados de la VHS et des salles de quartier vous le diront, un film comme Angel c'était du pain bénit, au point que le film est devenu un incontournable des vidéoclubs, coincé entre The Exterminator et "Flashdance" (aucun rapport mais c'était un gros succès à l'époque !). Récemment, Brian De Palma revenait avec nostalgie sur cette époque où l'on pouvait avec un peu de culot et une idée un tant soit peu accrocheuse trouver des producteurs et réaliser un film. En effet, qui oserait encore à l'heure actuelle miser quelques kopecks sur cette histoire de jeune fille abandonnée par son père puis par sa mère (ce qui pourrait sembler beaucoup pour certains) qui devient une prostituée et se recompose une famille au milieu de la faune bigarrée de Sunset Boulevard ? Un vieux travelo, un vieux cowboy, sa logeuse et sa meilleur amie, une autre prostituée sont ses nouveaux parents. C'est le meurtre horrible de cette dernière qui va entraîner Molly vers la rédemption mais aussi la vengeance. Ça tombe vraiment bien car la petite a tapé dans l’oeil d'un policier qui a décidé de l'aider à quitter le trottoir.
Malgré ce traitement un rien faux cul, il ne faut pas croire que le racolage est présenté comme une occupation sans danger, comme le prouve le personnage de "Billy Boy" un tueur en série pas très net qui accumule une sacré collection de déviances, notamment un gros penchant incestueux additionné à une tendance marquée pour la nécrophile ! Un tueur bien déglingué interprété par John Diehl dont c'est l'un des premiers rôles importants. L'acteur reconnaissable à sa bouille caractéristique, est l'un de ces seconds couteaux solides qui écument le cinéma américain depuis des années. Presque un sacerdoce pour un acteur inconnu mais que tout le monde a déjà vu car sa filmographie compte plus d'une centaine d'apparitions à la télévision (notamment un rôle récurrent dans "Miami Vice") comme au cinéma ("Jurassic Park III", "Stargate", Le Droit de tuer / "A Time to Kill"), à 65 ans il continue bien sagement sa carrière. A ses côtés, Donna Wickles, vous la connaissez tous : c'est la fille qui n'arrêtait pas de hurler dans "Les dents de la mer, 2e partie" / "Jaws 2" ! Il en fallait pas plus pour qu'elle devienne une actrice culte, mais son rôle d'étudiante prostituée va entériner ce statut, le tout renforcé par la platitude de sa filmographie. Incontestablement, Donna aura marqué définitivement le cinéma de genre : avec sa petite frimousse et ses couettes elle réussira à faire croire aux spectateurs qu'elle à peine quinze ans, alors qu'elle en avait déjà vingt cinq ! Par contre le vieux cow-boy est interprété par un vrai vétéran, Rory Calhoun, un vieux routier du cinéma (1922-1999), dont le western était le genre privilégié : il en tournera une vingtaine, le plus souvent des série B (réalisées par Albert Band notamment), ce qui ne l'empêchera pas de côtoyer Marilyn Monroe dans "La rivière sans retour" ("River of No Return" - 1954). Il sera aussi la vedette du "Colosse de Rhodes" le péplum de Sergio Leone.
Avec un sujet aussi racoleur, on aurait pu s'attendre à quelques excès (imaginez un réalisateur italien avec un sujet pareil !) mais le réalisateur préfère esquisser quelques portraits de marginaux naviguant autour de l'héroïne. Abandonnée par sa mère à l'âge de douze ans, la petite fille donne le change à tout le monde en faisant croire que sa mère est gravement malade et en se cachant là où personne n'aurait l'idée de la chercher. Sur le boulevard entre les artistes de rues, les acteurs de seconde zone, les travelos, Molly a trouvé une nouvelle famille en attendant que l'un de ses géniteurs rentre au bercail. Pour gagner sa croûte elle racole comme une professionnelle, mais un inspecteur de police trop zélé, une assistante sociale et un tueur en série vont foutre le bordel (!) dans la vie bien réglée de Molly.
A l'époque, le film qui avait coûté 3 millions de dollars en rapporta presque 17,5, battant la super production "Supergirl" (14,3 millions), la guerre des petites jupettes aura donc eu raison de la kryptonienne !
Le succès surprise du premier film au box office, entraînera inévitablement une suite. Le script se déroulant quelques années après les événements du premier opus, la production décide de changer de ton et d'interprète. C'est Betsy Russell qui aura le difficile privilège de reprendre le rôle de Molly pour cette séquelle. Mission largement réussie pour l'actrice qui, sans faire oublier sa consœur, nous propose une alternative : le changement de ton du film qui lorgne vers le polar urbain en effaçant une partie du côté scabreux de l'original permet à l'actrice d'offrir une interprétation plus mature et une plus large gamme d'émotions (finie la moue boudeuse de petite fille).
Après le meurtre de son protecteur, Molly décide de le venger et retourne tortiller du croupion sur le boulevard retrouvant par la même occasion ses amis (Kit Carson, Mosler, etc.), mais cette fois pas question de racoler, on est là pour la bonne cause et on va sortir l'artillerie lourde. Le matériel publicitaire du film va d'ailleurs exploiter à fond ce côté fétichiste sexy + flingue et pour bien montrer cette rupture de ton, le film démarre par une fusillade au fusil à pompe, pas toujours bien filmée c'est vrai (on voit les poches de faux sang sur une des victimes !) mais toujours efficace. Le pauvre lieutenant Andrew (interprété cette fois par un autre acteur) se retrouve donc au milieu d'une fusillade alors qu'il intervenait pour sauver une de ses collègues. Pas de chance, le pauvre est abattu mais un témoin a tout vu. Angel et ses amis décident de le retrouver mais les tueurs sont aussi à ses trousses. Angel découvre alors qu'une bande de truands essaye de faire main basse sur la rue. Lors d'une poursuite, le petit groupe réussit à mettre la main sur le fils du grand patron mais, pas de chance, ce dernier se fait descendre !
Moins racoleur que le précédent (fini le côté tendancieux de la petite fille en socquettes) le réalisateur signe cette fois un vrai polar avec tous les ingrédients incontournables du genre (fusillade, course poursuite, etc.), un changement de ton qui ne fut pas du goût de tout le monde : le film ne récoltant cette fois que 5,6 millions de dollars de recettes. Par contre, comme beaucoup de séries B de l'époque, le film fit une belle carrière en vidéo. Il faut bien avouer que les photos publicitaires (Betsy Russell en mini jupe, flingue à la main) et une affiche des plus explicites ont bien aidé le film à devenir un incontournable des vidéoclubs.
Voila un excellent film qui offre une belle alternative aux polars urbains un rien misogynes, un beau rôle de femme assez rare dans le genre et qui manque encore cruellement !
Angel 3 / Angel III: The Final Chapter
Molly a fait bien du chemin depuis le premier opus, elle est devenue photographe et semble mener une vie normale, mais à l'instar d'un Paul Kersey ou d'un Harry Callahan c'est toujours un vrai cimetière ambulant ! En effet, à peine a-t-elle retrouvé sa mère qui l'a abandonnée que celle ci explose dans sa voiture ! Cependant tout n'est pas morose puisque Angel apprend aussi l'existence d'une jeune soeur... Petit problème, cette dernière est une call girl qui travaille pour Nadine, interprétée par l'ex-James Bond girl Maud Adams ("Octopussy"), qui se demande ce qu'elle peut bien faire là (et nous aussi) ! Angel repart donc en guerre avant que sa soeur ne soit échangée à des trafiquants contre de la drogue... Exit les personnages folkloriques des deux premiers épisodes, Molly fera cette fois équipe avec un acteur de seconde zone (qui se déplace dans une voiture de marchand de glace !) et son petit ami. Grosse différence avec les deux premiers épisodes, le film ne fait qu'une petite incursion dans la rue (Molly en profite pour humilier un proxénète un peu trop entreprenant), avant de s'intéresser au monde du cinéma porno (ne pas rater l'audition hilarante de Molly et Spanky chez un producteur) et des call girls, le tout en étroite relation avec un trafic de drogue.
Gros changement puisque le créateur de la série n'est plus aux commandes et a laissé sa place à Tom DeSimone, ancien réalisateur de porno gay passé au cinéma d'exploitation avec quelques réussites ("Concrete Jungle", "Hell Night", etc.), DeSimone aligne son quota de poitrines dénudées et de scènes faussement chaudes voire carrément tièdes (surtout on garde sa petite culotte !). Heureusement, le réalisateur s'en sort mieux dans les scènes d'action comme l'inévitable fusillade final où ça flingue à tout va, mais sans jamais la moindre inspiration : la mort du méchant par exemple (empalé sur un crochet de grue) est vaguement inspirée par le "Cobra" de Cosmatos (on cherche ses références où on peut). On est bien loin des deux premiers opus !
La série s'essouffle sérieusement et cet épisode n'apporte rien, que du négatif à force de vouloir accumuler les retournements de situation, une maman apparaît d'un côté puis disparaît avec une petite sœur en bonus, on frôle le ridicule.
Intitulé "The Final Chapter" l'opus trois n'est pas le dernier puisqu'il existe cet Angel 4: Undercover produit par Miramax et qui se paye le luxe d'avoir le visuel le plus racoleur de la série ! Sorti uniquement en VHS et Laserdisc (il existe aussi un DVD néerlandais) le film est une petite rareté qui s'échange à des prix prohibitifs, ce qui en fait une curiosité, surtout qu'il n'est pas repris dans le coffret Angel.
Darlene Vogel n'a pas le charme de ses consœurs mais fait illusion. A ses côtés, dans l'un de ses derniers rôles, on retrouve Roddy McDowall ("La Planète des singes"), l'acteur fait vraiment pitié et a l'air bien fatigué et malade. Dans le rôle de son bras droit, cette sale gueule de Patrick Kilpatrick ("Dernier recours") égal à lui même, est le seul à vraiment tirer son épingle du jeu.
Tout ça pour ça ! The Omega Man (le 4 septembre 2016) |