Interview Brigitte Lahaie
Écrit par Flint   

 

Interview réalisée le 29 juillet 2008.

 

Vous animez depuis 2001 une émission radiophonique : "Lahaie, l'amour et vous !", sur RMC, où vous n'avez pas seulement un rôle de sexologue, mais aussi, plus généralement, de psychologue. Avez-vous suivi une formation particulière afin de réussir dans cette entreprise ?

Non je n'ai pas suivi de formation, si ce n'est celle de la vie, sans doute la plus efficace ! Plus sérieusement, j'ai longuement étudié l'astrologie qui est une école de psychologie mais aussi de profondeur inépuisable puis j'ai étudié la psychanalyse et la sexologie. J'ai ensuite fait la synthèse des quatre en quelque sorte, ce qui donne un ton particulier à mon discours.

Votre intuition est frappante, ainsi que votre faculté à pouvoir résoudre les problèmes des gens, et à leur prodiguer de bons conseils. Ce côté intuitif était-il inné, ou sinon, comment l'avez-vous travaillé ?

Merci à mon Neptune conjoint à .... Mais si vous préférez une interprétation psychanalytique, je dirai que mon père était un grand sensible. Ensuite, je me suis beaucoup réfugiée dans mon monde pour me protéger de certaines douleurs enfantines et cela m'a permis de développer non seulement mon intuition mais aussi ma capacité à fantasmer. J'ai en quelque sorte les pieds sur terre mais la tête dans les étoiles. De nombreuses personnes sont intuitives, toutes presque mais la plupart oublient la terre et semblent donc un peu folles et les autres ont tellement peur de se déconnecter du réel qu'elles ferment les portes de leur inconscient ou de leur intuition si vous préférez. C'est bien dommage bien sûr.

 

Vous êtes née dans le nord de la France, et avez quitté très jeune votre région pour gagner votre vie. Comptiez-vous à cette époque sur votre physique pour réussir ?

Franchement non car je ne me trouvais sûrement pas belle et encore moins désirable. J'ai eu le culot des grands timides !

Comment se sont passés ces premiers mois dans la capitale, avant que vous ne vous retrouviez propulsée dans le monde du cinéma ?

En arrivant à Paris, je me suis retrouvée vendeuse de chaussures pour une grande enseigne. Ce n'était franchement pas passionnant et j'étais prête à presque tout pour changer de vie.

 


Lorsque que vous êtes entrée dans le cinéma pornographique, connaissiez-vous les classiques américains comme "Gorge Profonde" ou "Derrière la Porte Verte", et comment aviez-vous ressenti le choc provoqué par la sortie de "Exhibition" ? D'une manière générale, manifestiez-vous un intérêt pour les films classés X avant d'en tourner vous-même ?

Pas du tout, je ne connaissais absolument rien de ce cinéma, j'avais juste vu Emmanuelle avec ma mère quelques années auparavant. Ensuite, je me suis intéressée à la culture pornographique mais plus par conscience professionnelle que par goût personnel. Le film pornographique ne m'a jamais fait mouiller. Normal, je serais plutôt du côté exhib que voyeur car en tourner a été un vrai plaisir pour moi.

Vous avez tourné pour les meilleurs réalisateurs du porno français : Claude Mulot, Francis Leroi, Claude Pierson, Gérard Kikoïne ; et très régulièrement avec Claude-Bernard Aubert (Burd Tranbaree). Aviez-vous une complicité, ou une estime particulière pour ce dernier, comme vous en avez pour Jean Rollin ?

Non, j'apprécie beaucoup Claude pour son professionnalisme mais nos univers sont très différents. Au final, je dirais que le réalisateur dont j'ai été le plus proche est Francis Leroi. Nous étions d'ailleurs devenus assez amis ensuite, bien après le film que nous avons fait ensemble. Sa mort m'a profondément touchée.

Lorsque vous avez rencontré Claude-Bernard Aubert, saviez-vous que c'était un metteur en scène issu du cinéma classique, auteur entre autres de "L'Ardoise" et "L'Affaire Dominici" ?

Oui bien sûr, imaginez, nous pauvres petits acteurs méconnus tourner avec celui qui avait dirigé Jean Gabin, c'était assez surréaliste.

En dehors de Jean Rollin, vous avez également travaillé pour d'autres figures emblématiques du cinéma de genre : Jésus Franco, Jean-Marie Pallardy, ou encore José Bénazéraf. Pourriez-vous nous raconter un ou plusieurs de vos meilleurs souvenirs et à l'inverse, un ou plusieurs de vos mauvais souvenirs, si vous en avez ?

Je suis plutôt de nature gentille alors je préfère vous faire une réponse courte, il y a plus de mauvais souvenirs que de bons. Si je devais faire mon tiercé, je mettrais en premier Jess qui a un certain talent malheureusement gâché par une certaine confusion, en deux José qui déteste trop la femme voire même l'humanité toute entière pour que je puisse m'entendre avec lui et enfin Jean Marie...

 

 
Entre 1979 et 1980, vous avez tourné quelques films érotiques soft pour Erwin C. Dietrich, notamment quelques volets de la série des "Six Suédoises", avec Nadine Pascal et France Lomay. Comment avez-vous été amenée à jouer dans ces comédies érotiques allemandes ?

Vous savez à l'époque, tourner un film porno ou érotique, la différence n'était pas très grande. Ce producteur cherchait de belles filles acceptant de se dénuder et si en plus elles jouaient un peu la comédie, ça allait bien comme ça. J'ai tourné plusieurs films avec lui et c'était toujours assez sympathique.

Selon vous, qu'est ce qui a le plus porté préjudice au cinéma porno : la censure, le classement X, l'avènement de la vidéo au détriment du 35mm, l'apparition du Sida ?

Un peu tout en fait. Bien sûr la loi x a obligé les producteurs à faire des films petit budget mais cette loi existait déjà à mon "époque" et cela ne nous a pas empêché de faire des films intéressants. Je pense que de nombreuses personnes se sont rendu compte qu'elles pouvaient, en faisant un film x, gagner très vite un peu d'argent. Ensuite avec la vidéo, c'était devenu encore plus facile et tout le monde a pu se proclamer metteur en scène. Mais au final, je crois surtout que c'est le public qui est responsable puisqu'il ne fait guère la différence entre un bon film et un mauvais film.

Le cinéma pornographique français des années 70 était ludique, spontané et inventif. Aujourd'hui, il est devenu un business sans âme, froid et clinique, parfois même brutal, à l'image de la société actuelle. A votre avis, comment est-on arrivé à cette évolution du cinéma X ?

Comme je le disais, il y a un instant, le public veut du sexe, un point c'est tout. La pornographie qui était sulfureuse au départ, est devenue un produit de consommation comme un autre. Peut-être faudrait-il inventer un nouveau genre ? Une sorte de film porno érotique et ce ne serait pas l'image qui serait sulfureuse mais plutôt le scénario. Notre société nous fait croire que la liberté sexuelle est là, que nous avons tous le droit d'avoir le meilleur orgasme. C'est un leurre évidemment. La pornographie tout naturellement a pu se développer dans cet univers. Et puis tout va bien puisqu'elle porte le chapeau. Ecoutez le discours ambiant, la pornographie est responsable des tournantes, responsable des hommes qui violent leur femme, responsable de toutes nos dérives sexuelles en quelque sorte.

Gardez-vous un oeil attentif, et même un droit de regard, sur la sortie dvd des films que vous avez tournés ?

J'ai un contrat moral avec le producteur de presque tous mes films Francis Mischkind. Il me parle de ses projets, de son envie de ressortir tel ou tel autre film. J'assume pleinement mon passé comme chacun sait.

Avez-vous gardé des contacts avec certains de vos ex-partenaires à l'écran ? Ou sinon, lesquels vous ont laissé les meilleurs souvenirs (hommes et femmes confondus) ?

J'étais assez copine avec Richard Allan et il m'arrive de l'avoir au téléphone. Sinon j'ai perdu de vue presque tout le monde. Mais j'ai eu récemment des nouvelles de ma grande copine de l'époque, Erika Cool, qui vit maintenant en Belgique et nous avons projeté de nous rencontrer quand elle viendra à Paris.

Outre votre émission sur RMC, vous avez un site Internet officiel, vous êtes écrivain, sortez une ligne de produits cosmétiques, un jeu de société... Vous avez également touché au théâtre et au journalisme. Comment arrivez-vous à concilier toutes ces activités et à vous consacrer à vos autres passions, comme les chevaux par exemple ?

Je suis plutôt du style hyper active même s'il m'arrive de pratiquer la méditation. Toujours ce mélange terre et ciel ! Cela permet en tout cas lorsque je travaille d'être à 100 pour cent de mes capacités et de savoir me reposer dès que c'est nécessaire. Mais il y a un fil conducteur tant sur le plan professionnel que privé, je ne me consacre qu'aux choses qui comptent pour moi et que j'aime. Professionnellement, il y a toujours la même démarche artistique en quelque sorte et côté vie privée, rien de superficiel, que l'essentiel.

Voyez-vous quelque chose à rajouter ?

Je ne sais pas ce que la vie me réserve, je ne veux d'ailleurs pas le savoir mais je suis heureuse de ma vie, ni regrets ni remords...

 

Nous remercions chaleureusement Brigitte Lahaie pour sa gentillesse et sa disponibilité.

http://brigittelahaie.fr/

Merci à Françoise, également, qui m'a grandement facilité la tâche.

http://fsimpere.over-blog.com