Né en 1896 et mort en 1975, l'Américain Murray Leinster a longtemps fait les beaux jours de la revue Fiction et des éditions Fleuve Noir, en offrant quelques nouvelles de belle facture et quelques bons romans d'une science-fiction aventureuse, agréable à lire, mais qui manquait sans doute un peu d'ambition. "La Planète oubliée" est, avec "La Galaxie Noire" parue en 1958, l'un de ses meilleurs romans qui entraîne le lecteur dans un futur lointain où les descendants de l'équipage d'un vaisseau d'exploration survivent sur une planète recouverte d'une jungle épaisse et mortifère. Au milieu de cette luxuriance, la horde dépenaillée fuit devant le danger, en ayant totalement oublié son côté guerrier, jusqu'au jour où un adolescent décide de prendre les armes et de s'opposer aux forces de la nature.

 

On le comprend aisément, si quelques problématiques liées à la survie et à la prise de risques sont présentes, le cœur de ce récit reprend les codes du roman d'aventure, en plaçant un personnage apparemment insipide et en devenir face à son destin pour le transformer en héros. Comme dans les romans d'initiation ou les contes, "La Planète oubliée" met en scène un adolescent au sortir de l'enfance qui grandit au fil des différentes épreuves qui lui sont imposées, tout en faisant grandir son peuple, lui montrant la voie à suivre vers l'émancipation. Cette voie croise le plus souvent les chemins empruntées par des insectes géants qui ont fait des hommes leurs proies favorites et qui n'avaient pas l'habitude de les voir leur tenir tête. En reprenant le motif de l'animal monstrueux qui s'oppose à l'Homme, Murray Leinster s'installe dans la lignée des aventures du Professeur Challenger de Conan Doyle, en jouant un peu plus sur une esthétique sciencefictionnesque. Chez lui, ce n'est pas un monde perdu sur la Terre que les personnages découvrent, mais un monde extraterrestre sur lequel une partie de l'humanité s'est égarée.

 

Les différents affrontements épiques qui s'ensuivent font de ce roman un bel exemple de cette science-fiction populaire des années cinquante qui privilégiait l'action à la réflexion. Avec le recul, le lecteur exigeant se demandera sans doute ce qu'il peut rester d'un tel voyage, s'interrogeant sur la place que joue la science-fiction dans une intrigue où elle apparaît comme un simple décor. Sans doute faut-il dépasser tout cela en ne prenant ce petit roman que pour ce qu'il est : un dépaysement exotique qui tient finalement plus de la fantasy que de la science-fiction et qui n'a d'autre ambition que de faire passer un agréable moment.

 

Note : 7/10

 

Denis Labbé

 

A propos de ce livre :

 

- Site de l'éditeur : http://www.jailu.com/