Alice au pays des merveilles 2/2
Titre tome: De l'autre côté du Miroir
Genre: Fantastique , Comics , Adaptation
Année: 2011
Editeur: Soleil
Collection: Soleil US Comics
Scénario:
Leah Moore, John Reppion
Dessin:
Erica Awano
Couleurs:
P.C. Siquiera
 

La confusion que pourrait faire planer le titre de cet album, ainsi que l'illustration de couverture d'ailleurs, et par là même sur cette chronique demande une petite explication : bien qu'intitulé Alice au pays des merveilles (avec un petit 2/2 dans un coin de la couverture) cet album est en réalité l'adaptation du second livre ayant Alice pour héroïne : de l'autre côté du Miroir.

Le premier tome, adaptation d'Alice au pays des merveilles, étant épuisé, j'ai été obligé de me rabattre sur celui-ci.

Il ne s'agit donc pas d'une seconde partie d'Alice dont j'aurais eu l'incongruité de faire la critique sans avoir parlé au préalable d'une première partie.

CQFD.

 

Après un premier tome, donc, consacré à Alice au pays des merveilles, le même trio récidive avec l'adaptation du moins connu/lu et pourtant tout aussi fascinant et plus complexe De l'autre côté du Miroir. Néanmoins, certains éléments (personnages et situations) restent familiers dans l'esprit du grand public, car les adaptations cinématographiques ont souvent incorporé ceux-ci dans la trame du premier livre, notamment Tweedledum et Tweedledee, le Jabberwock, Humpty Dumpty et le Cavalier Blanc.

Quelques mots au sujet de l'histoire de ce second opus : Alice traverse en rêve un miroir et se retrouve donc dans le Pays du Miroir, qui se présente comme un échiquier géant où les principaux personnages qu'elle rencontre représentent les pièces, la fillette elle-même étant un pion cherchant à atteindre la huitième case pour devenir reine. Un monde aussi qui, comme le Wonderland, obéit à des principes et une "logique" loufoques, fondé en premier lieu sur l'inversion (puisque nous sommes de l'autre côté d'un miroir). Ainsi, pour atteindre une colline, il faut s'en éloigner. On ressent une douleur avant d'avoir été blessé. Le livres sont imprimés à l'envers. Etc...

Ce ne sont là que quelques exemples d'une foule d'idées étranges et géniales qui parsèment le livre de Lewis Carroll, tout en s'inscrivant dans un ensemble plus structuré, moins nébuleux, que le premier livre.

Bref, bien que les deux tomes soient réunis sous le titre générique d'Alice au pays des merveilles, les deux tomes sont bien deux histoires différentes qui peuvent être lues (et donc chroniquées) séparément.

 

Prendre la peine d'adapter en BD De l'autre côté du Miroir est donc une bonne initiative, ne serais-ce que pour ceux qui ne connaissent pas le roman. Ceci étant dit, l'album n'échappe évidemment pas aux questions habituelles : qu'en est-il de cette ré-appropriation de l'oeuvre, d'un point de vue scénaristique et graphique ? Propose-t-il une vision originale ou se contente-t-il de transposer à l'image et à la virgule près (ou peu s'en faut) le conte de Carroll ? L'élagage éventuel de certains passages est-il judicieux ou au contraire porte préjudice au chef-d'oeuvre ? Le découpage est-il audacieux ou classique ?

La quatrième de couverture annonce "une sompteuse et respecteuse adaptation" et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'a qu'à moitié raison. Respectueuse, elle l'est assurément, chaque scène du livre de Carroll étant en effet représentée dans l'album, de même qu'une bonne portion des dialogues (pas l'intégralité non plus, il ne faut pas exagérer) même si les échanges non-sensiques, souvent assez longs, du livre ont été raccourcis pour l'occasion, parfois de manière pertinente dans le cadre restrictif d'une BD, parfois de manière plus dommageable. La version française pousse même la fidélité jusqu'à reprendre la traduction de Jacques Papy à certains moments et notamment dans les noms francisés des personnages (Bonnet blanc et Blanc bonnet, Gros Coco, etc...) et celle d'Henri Parisot pour le poème Jabberwocky, bref les deux traducteurs sans doute les plus respectés et en tout cas les plus connus.

Reste à savoir si une telle fidélité ne risque pas de paraître au lecteur éclairé de Lewis Carroll redondante, sans surprise et pour tout dire ennuyeuse. Ou bien au contraire, le puriste opinera-t-il du bonnet (blanc ou pas), soulagé qu'on ait ainsi évité le traitement quasi blasphématoire...

On peut encore être partagé entre les deux sentiments, entre l'agrément de retrouver son oeuvre-fétiche surtout quand on est aussi bédéphile et le désappointement de ne rien à se mettre de plus sous la dent.

Je me situe plutôt dans ce troisième cas de figure.

 

Somptueuse... c'est beaucoup dire et cela sent surtout l'accroche publicitaire. Car même en étant bienveillant, il faut bien admettre deux choses : primo une réelle impression de fadeur, voir de platitude, qui se dégage des planches et de la lecture ainsi que, secundo, un découpage ultra classique, les cases bien rangées les unes à côté des autres presque que comme dans un album de Tintin ou encore les dents d'un présentateur de talk-show (une image qui me vient comme ça...) qui ne me feront surtout pas oublier celles du chat de Cheshire.

Selon une comparaison qui me semble inévitable, on est loin ici du remarquable travail graphique et de l'époustouflante mise en couleurs, jouant avec les ambiances chromatiques, de Chaumette de même que de la bonne décantation narrative de Chauvel dans l'Alice au pays des merveilles paru chez Drugstore. Ou encore de l'expressivité et l'originalité de Au pays des merveilles de Tommy Kovac et Sonny Liew que j'ai déjà eu l'occasion de chroniquer ici.

Même si le dessin d'Erica Awano n'est pas déshonorant et peut même avoir un certain charme par sa délicatesse et sa naïveté et que la colorisation de P.C. Siquiera, qui rehausse avantageusement le trait falot d'Awano, renvoie à certains moments à l'ambiance des illustrations d'Arthur Rackham, le résultat se révèle néanmoins inférieur et surtout sans grande originalité dans sa volonté purement illustrative. De plus, j'ai noté un rendu nettement plus contestable vers les dix dernières planches où, justement, la colorisation bien plus plate et sans nuances de contraste fait malheureusement ressortir les limites de la dessinatrice. Et si son Alice blonde au teint diaphane est certes mignonne dans son genre, avec son minois délicat mais curieusement proche du style manga, le personnage n'est pas empreint du caractère très affirmé que l'on retrouve chez la petite brunette de la version Drugstore. Mais personne n'a décréter qu'entre les deux, je devais forcément choisir...

Concernant le scénario, j'ai parfois été étonné/déçu que Leah Moore (fille de qui vous savez...) et John Reppion expédient certaines scènes et suppriment certains dialogues qui me paraissaient importants dans le roman et, à l'inverse, décident par exemple d'illustrer "par la bande" certaines chansons et poèmes insérés dans le livre. Ainsi, l'histoire du Morse et du Charpentier s'étale sur pas moins de six planches alors que la solution d'une simple reproduction du texte de la chanson sur deux-trois pages ornés de quelques illustrations m'auraient paru plus judicieux et aurait ainsi laissé plus de place au parcours d'Alice proprement dit qui souffre de certaines lacunes. Question de choix...

Je terminerai par un détail qui, lui, pourra intéresser le connaisseur : l'album insère une scène inédite, que Carroll avait rédigée puis abandonnée, car John Tenniel refusait de l'illustrer et que l'on ne trouve pas dans les éditions de poche françaises. Il s'agit du chapitre dit de La guêpe emperruquée, petit moment d'humour surréaliste qui intervient vers la fin de l'album et peut-être considéré au moins comme un sympathique bonus.

Un conseil cependant : lisez ou relisez le roman de Lewis Carroll qui se situe à mille lieues de cette adaptation et, en fait, de toute adaptation.

 

Note : 6,5/10

 

Vorpalin

 

A propos de ce comics :

 

- Site de Leah Moore et John Reppion : http://www.moorereppion.com/

- Site de l'éditeur : http://soleilprod.com/index

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