Sept détectives
Genre: Thriller-Polar
Année: 2012
Pays d'origine: France
Editeur: Delcourt
Scénario:
Herik Hanna
Dessin:
Eric Canete
Couleurs:
Lou
 

Londres, 1920. Une série de meurtres atroces frappe la ville. À chaque nouvelle victime, non loin des corps, Scotland Yard retrouve une liste de sept noms : ceux des sept plus grands détectives connus de par le monde, invités à participer à l'enquête... par le tueur lui-même. Malgré le scepticisme général face aux menaces du criminel, ces derniers acceptent de relever le macabre défi.

Est-il encore besoin de présenter la série-concept Sept au postulat très simple (impliquer sept personnages dans une histoire et un contexte à chaque fois différent) et qui compte actuellement deux saisons de 7 albums, soit 14 tomes ? Non, bien sûr, la série connaissant un succès certain au point de figurer parmi les must des éditions Delcourt. Evidemment, comme dans toute collection thématique de ce genre, le meilleur côtoie le moyen qui côtoie le pire. La seconde saison fait preuve de plus de constance dans la qualité que la première et, parmi les meilleures surprises, se trouve ce Sept détectives au scénario épatant et particulièrement retors.

Le postulat était déjà prometteur, notamment pour les amateurs d'enquêtes policières au pays du "five o'clock" et autres aventures holmésiennes : réunir les sept plus grands détectives du monde - ou du moins supposés tels - afin de résoudre une série de meurtres qui ensanglante Londres. Bien que ceux-ci soient inventés pour les besoins de l'album, il est aisé de reconnaître en eux des figures bien connues du genre : ainsi le duo Else/Eaton est une copie parfaite de Holmes/Watson, le français Martin Bec renvoie au Lecocq de Gaboriau, Miss Crumble à Miss Marple of course, l'américain Dick Monroe à Marlowe ou Spade parmi les modèles les plus criants. Quant à Frederick Abstraight et le suisse Ernest Patisson, on pourra reconnaître en eux des avatars d'Aberline et Hercule Poirot.
Bref, une belle distribution même si, au final, on se dit que tant qu'à faire, il aurait été peut-être plus simple de reprendre carrément les personnages légendaires dont ils s'inspirent plutôt que de devoir se contenter d'erzatz qui ne font jamais oublier leurs illustres modèles. D'autant qu'il faut avouer que Nathan Else, ça sonne nettement moins bien que Sherlock Holmes. Soit : cela permet au moins au scénariste de prendre quelques libertés et, surtout, de nous assener en fin d'enquête une double révélation pour le moins osée. L'autre bonne idée de Herik Hanna : c'est le tueur lui-même qui a incité les autorités à réunir le groupe afin de se mesurer à la crème (anglaise mais aussi suisse et française) de la criminologie.
Ceci étant posé, on suit d'abord avec intérêt et souvent amusement (avec un humour so british de rigueur dans les dialogues) les rapports entre nos sept détectives aux styles parfois bien différents, entre admiration réciproque, manifestations d'ego et une histoire personnelle problématique pour certains d'entre eux (le trauma de Holmes... oups je veux dire Nathan Else après son duel avec sa némésis ou l'opiomianie de Abstraight après son échec dans l'affaire de l'Egorgeur). Néanmoins, il ne faut pas s'attendre sur ce plan à de la grande psychologie : les personnages restent avant tout des archétypes et la priorité est donnée à l'intrigue.

Bien qu'il soit impossible de s'appesantir sur celle-ci sans la déflorer, précisons toujours que le scénario de Hanna est particulièrement tortueux, dense, avec moult surprises, révélations, bien pourvu en textes mais sans en rendre la lecture indigeste pour autant et crée un climat trouble et pesant que renforce encore l'implication de certains des enquêteurs. Car ceux-ci ne sont pas de simples spectateurs : on comprend assez vite que leur présence, au-delà de son aspect défi, fait partie d'une vaste plannification mûrement réfléchie de la part du mystérieux tueur on ne peut plus machiavélique. Jusqu'à l'explication finale, aussi surprenante que grinçante (voir shocking selon l'expression anglaise), qui laisse le lecteur pantois.
Tout cela est en outre parfaitement orchestré, cohérent (parfois un chouia tiré par les cheveux dans la pure tradition du whodunit), chaque élément énigmatique parsemant l'histoire trouvant son explication logique, bien que longuette à force de jouer sur l'ultime rebondissement... qui en cache un autre, etc....
La mécanique - quoique volontairement alambiquée - est bien huilée et devrait ravir les amateurs. Voilà en tout cas une lecture BD intelligente, raffinée et indéniablement ludique qui ne s'expédie pas en un quart-d'heure et demande au lecteur toute son attention.
Les planches d'Éric Canete ne sont pas en reste, proposant des dessins fouillés et originaux qui restituent très bien l'ambiance londonienne, se situant quelque part entre le travail de Bodard sur "Green Manor" et celui de Bonnin sur "Fog". Même les expressions un peu figées des personnages contribuent au contexte so british de rigueur.
Si le genre est votre tasse de thé, n'attendez pas midi à dix-sept heures pour vous servir.

Note : 8,5/10

 

Ragle Gumm

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