Livre noir, Le
Titre original: Reign of Terror
Genre: Historique , Film noir
Année: 1949
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Anthony Mann
Casting:
Robert Cummings, Richard Basehart, Arlene Dahl, Richard Hart, Arnold Moss, Norman Lloyd...
Aka: The Black Book
 

France, 1794 - il y a des flammes en avant plan, donc ça doit être le bordel ! D'ailleurs, une voix-off nous le dit, que c'est le bordel, pas étonnant dans un pays latin. Suit une présentation des personnages historiques, style "1794 pour les nuls". Je cite : Robespierre "une perruque et un esprit tordu" (pourquoi pas), Saint-Just "un amoureux des roses et du sang" (ah bon), Danton "un soldat" (quoi ?), Fouché "un politicien" (ah, parce que les autres ne le sont pas ? Ah oui, bien sûr, ils sont soldats), Barras "un honnête homme" (Hein ? C'est vrai que son surnom sous le directoire n'était que "le roi des pourris"), Tallien "un autre honnête homme" (bon, évidemment, si on place Barras comme maître étalon de l'honnêteté). Tout compte fait, ce serait plutôt "1794 par un nul".
Bref, il reste 48 heures pour empêcher Robespierre de devenir dictateur. Heureusement, un cavalier part rencontrer, au grand galop, le marquis de Lafayette (à l'époque prisonnier depuis deux ans des Autrichiens, auxquels il s'était pourtant rendu sans combat). Etrangement, nous n'avons pas droit à une présentation de ce brave Marquis. Pour combler cette lacune, je me contenterai de citer un dialogue (entre Belmondo et Jean Seberg) du A bout de souffle de Godard : "Les Américains sont des cons, tu sais pourquoi ? Non. Parce que le Français qu'ils admirent le plus c'est le plus con de tous, Lafayette.". Cette digression étant faite, revenons à nos couillons. Lafayette dit à ce cavalier (qui est donc le héros du film) que pour barrer la route à Robespierre, il doit de se rendre à Strasbourg. Plan suivant : sur le moulin de Valmy… Ah ! On me dit qu'en fait c'est la ville de Strasbourg, où notre héros rencontre un inconnu qui lui, dit avoir un plan.
Nous sommes toujours dans les cinq premières minutes du film, et mon "déconomètre" vient déjà d'exploser... Et pourtant, je n'ai encore rien vu.

 

 

Pendant ce temps, à la Convention, qui se trouve aussi être un tribunal, Robespierre accuse et condamne Danton en trente secondes (faut dire qu'il est à la bourre, vu que dans deux jours c'est le coup d'état de thermidor, et que ça fait trois mois que Danton devrait être exécuté). Puis, "Roby" traverse un couloir en éconduisant la future veuve de Danton (pour que l'on voit bien qu'il a un cœur de pierre) et se retrouve dans son bureau, ou dans celui du comité de salut public, mais on ne va pas chicaner. Mais là, il est "venere" Roby, vu qu'y a Fouché dans son fauteuil, et qu'en plus il se montre familier. Bon, il lui fait virer son cul de là, parce que le chef c'est lui, l'autre il est qu'un sous fifre, hein... juste commandant de la Gestapo ou quelque chose comme ça. A ce moment là arrive Barras, "venere" aussi, qui dit à Roby : "Kekseksa, tu fais exécuter Danton sans m'avertir ?". Alors Roby lui répond : "Kektennaafout, c'était pas ton pote mais le mien, et puis on ne me parle pas sur ce ton". "Si c'est comme ça je me casse", lui rétorque Barras, et il s'en va.
Là, le chef de la Guépéou, à nouveau seul avec Roby, lui dit : "Tu déconnes Max, Barras, aucun de mes hommes n'ose l'affronter". "C'est parce que vous êtes tous des couilles molles à Paris", lui réplique l'autre, "mais je viens de faire venir "Diouval the terror of Strassburg", et ça va chier des bulles".
Bon, ce ne sont peut être pas les termes exacts, mais le sens général y est.

 

 

Je m'arrête là pour le résumé du début du film car, vu mon degré d'atterrement, continuer serait au dessus de mes forces. Je me rends compte que je n'ai même pas pu aller jusqu'au fameux Livre noir du titre, qui est une caricature de "MacGuffin". Ni évoqué le quartier général de Robespierre (avec salle de torture et chambre à ouverture secrète), situé dans les sous-sols d'une boulangerie industrielle qui lui sert de couverture. Il y a une telle accumulation d'âneries dans ce film que ça en devient fascinant.
Un jour, alors que l'on reprochait à Alexandre Dumas d'avoir violé l'Histoire dans ses livres (et ceux de ses nègres), il répliqua : "Qu'importe, si je lui ai fait de beaux enfants". Ici, ce n'est pas un simple outrage que l'on fait subir à l'Histoire de la révolution, mais carrément le supplice du pal avec un épieu de trente centimètres de diamètre. D'un tel acte contre nature, pourrait-il sortir un "bel enfant" ?
Après tout, me direz vous, le Scaramouche de Georges Sydney, chef d'oeuvre du film de cape et d'épées, a pour toile de fond une très fantaisiste évocation de la révolution française. Certes, mais dans ce film là ce n'est qu'un arrière plan, et on y retrouve aucun personnage historique (à part un effet comique plutôt raté dans son épilogue, et déjà présent d'ailleurs dans ce film ci). Mais dans Le Livre noir, tout est tellement énorme et saugrenu que l'on se dit qu'il y a eu un problème quelque part, et que l'on a dû utiliser une intrigue préexistante de film noir, à laquelle on a accolé ce contexte révolutionnaire hors de propos.

 

 

De fait, si on met de côté le ridicule arrière-plan historique, on se retrouve avec Robespierre en grand ponte du milieu sous la prohibition, Saint-Just étant son bras droit, Fouché le chef corrompu de la police locale vendue à Robespierre, notre héros un incorruptible membre du FBI infiltré sous une fausse identité, Barras un chef de gang rival de Robespierre et par ailleurs indicateur du FBI, le personnage d'Arlene Dahl une gagneuse travaillant dans un boxon de Tallien lieutenant de Barras, et le Livre noir devient la comptabilité des activités criminelles de Robespierre incriminant tous ses complices. Mouais... là ça colle, et d'un coup l'intrigue devient moins artificielle. Elle n'en reste pas moins ni très vraisemblable, ni très cohérente (et pas très originale).
Bref, si on arrive à faire abstraction de sa "discutable" (euphémisme) historicité, on a une petite série B policière qui vaut essentiellement pour sa mise en scène et, surtout, sa superbe photo.
Avec ce métrage, Anthony Mann achevait un premier cycle (plutôt méconnu) orienté vers le film noir, avant d'entamer sa célèbre période western. Alors, incontestablement, Mann a du talent et du métier, plastiquement c'est plutôt bien foutu (en partie aussi grâce à la magnifique photo noir et blanc de John Alton) et il parvient parfois à créer une atmosphère de film noir entre deux scènes grotesques. Mann fait aussi preuve de roublardise, comme dans la séquence quasi "giallesque" de l'assassinat du vrai "Diouval the terror of Strassburg" par une main inconnue, laissant ainsi planer le doute quant à l'implication du héros dans ce crime.
Malgré cela, la mise en scène d'Anthony Mann ne parvient pas à transcender le ridicule du scénario et la médiocrité de son intrigue policière. Le coté suspense, par exemple, ne fonctionne absolument pas.

 

 

Du coté de l'interprétation, rien de particulièrement honteux, mais rien d'extraordinaire non plus. Dans le rôle du héros, Robert Cummings à contre emploi (il était spécialisé dans les comédies et comme séducteur veule) se révèle plutôt fade. Arlene Dahl est vraiment très jolie, et le noir et blanc lui convient mieux que le technicolor (et sa discutable crinière fauve). Son jeu ? Euh, elle a un très beau visage... Pour les interprètes de personnages historiques, il est difficile de faire abstraction de leur aspect grotesque et fantaisiste (historiquement parlant). Richard Basehart en "Parrain" puritain a une bonne scène, quand il parvient pendant quelques secondes à retourner une foule en colère grâce à la puissance de sa dialectique. Arnold Moss fait de Fouché une canaille truculente, et il a beau avoir le rôle le plus éloigné de la réalité historique (Fouché était à l'époque l'un des chefs du complot thermidorien contre Robespierre), c'est lui qui domine le casting, ce qui est ici un exploit. Pour l'anecdote, Russ Tamblyn, le futur Tom Pouce de George Pal, joue ici le rôle d'un chiard.
Vous aurez compris qu'il m'est difficile de noter un film comme celui-là, d'un strict point de vue "cinématographique". Disons qu'il s'agit d'une œuvre mineure dans la filmographie d'Anthony Mann, et que si vous êtes moins sensible à certains aspects que le rédacteur de ces lignes vous pourrez, peut-être, l'apprécier comme un film noir de série B.

 

 

Sigtuna


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