Nuit des maléfices, La
Titre original: The Blood on Satan's claw
Genre: Sorcellerie , Horreur
Année: 1971
Pays d'origine: Grande-Bretagne
Réalisateur: Piers Haggard
Casting:
Patrick Wymark, Linda Hayden, Barry Andrews, Michele Dotrice, Wendy Padbury, Charlotte Mitchell, Tamara Ustinov...
 

Au XVIIe siècle, dans un village de la campagne anglaise, un jeune homme prétend avoir vu le Diable. Faute de preuves, cette déclaration est prise à la légère. Bientôt, pourtant, des jeunes femmes se voient affligées de marques d'origine mystérieuse. Les enfants, dirigés par une certaine Angel Blake, découvrent un jeu étrange : "la peau du Diable". Pour calmer le démon qu'ils ont réveillé, il faudra sans cesse sacrifier de nouvelles créatures...

 

Imprévisible le plus souvent, barré, graveleux et constamment inquiétant, La nuit des maléfices fait indéniablement partie des réussites horrifiques britanniques des années 70. Sur un postulat très proche d'une certaine mouvance de la prestigieuse Hammer, Piers Haggard livre une pellicule ensorcelante qui parvient même à surpasser "Le grand inquisiteur" produit par la même Tigon British Film Productions et immortalisé par Michael Reeves, film auquel, du reste, il semble vouloir donner suite tout en adoptant un parti-pris païen.
Tout comme certains de ses confrères tels que Robin Hardy ("The Wicker Man") ou John Hough (Les sévices de Dracula, La maison des damnés,...), Piers Haggard connut une carrière en dents de scie et surtout bégayante sur la fin. Au contraire d'une livraison bénigne ultérieure telle que Venin, vampirisée par ses acteurs et somme toute peu inspirée, il parvient ici à instiller une atmosphère délétère et malsaine sur les bases d'un naturalisme qui tisse peu à peu le portrait morbide d'une période rurale (et peu glorieuse) de l'Angleterre. Ne reposant sur aucun artifice ou effet de style, mais davantage sur quelques effets rudimentaires qui s'imposent d'eux-mêmes grâce à un sens aigu du réalisme, The Blood on Satan's claw trône comme un petit modèle d'esprit et d'atmosphère maléfiques communiqués en majeure partie par les comportements ainsi que l'environnement. Un véritable tour de force en quelque sorte !

 

 

A l'instar d'un The Devils de Ken Russell auquel certaines outrances font parfois penser, La nuit des maléfices évolue au siècle des Lumières, dans un monde oscillant entre deux tendances : celle des mouvements philosophiques, scientifiques et intellectuels naissants pour réformer une société toute faite de superstitions et d'intolérances, lesquelles ne profitaient alors qu'à l'église et l'état, et des croyances encore fortement enracinées, notamment dans les régions reculées comme c'est le cas ici. Contrairement au film de Russell, la force satanique est ici véritable mais les traitements se rapprochent cependant par moments, notamment dans quelques scènes fiévreuses tendant vers l'hystérie et dans lesquelles l'innocence se voit systématiquement broyée par les deux forces opposées : dans leur chasse au démon, à l'instar des nonnes et des prêtres de The Devils, éclatent des comportements orgiaques et assassins, les villageois se retrouvent happés de façon mimétique autant que frénétique dans une course à la pureté, traversant violences et mutilations pour se défaire d'une aliénation à la fois sexuelle et sociale omniprésente. En même temps, chaque marque sur les villageois, semble, telle une pièce de puzzle, devoir s'assembler aux autres. De fait, le mélange corporel doit se faire pour que Satan puisse retrouver unité puis entité. A contrario, le miasme effréné de sexualité voit la marque impie s'étendre sur les gens du pays comme les stigmates indicateurs de maladies vénériennes...
De même que "The Wicker Man", The Blood on Satan's claw peut s'interpréter comme une métaphore ironique des dangers d'un retour au paganisme via l'ère Hippie. A ce titre encore, on remarque que les réunions de sorcellerie autour d'Angel (Linda Hayden) ne se font pas dans de longs manteaux noirs mais entourés d'enfants, de guirlandes et de fleurs.

 

 

Pour rester sur le même bûcher ardent tout en passant carrément du côté païen, Linda Hayden ("Une messe pour Dracula", "Taste the Blood of Dracula"), joue ici une jeune paysanne à l'éducation stricte qui s'est métamorphosée en havre de sexualité pour se venger d'un père hypocrite : l'adolescente incarne un tout destructif par des incantations destinées à museler puis faire disparaître tout ce qui ressemble à l'ordre. Celui établi par une vieille garde jugée néfaste, sournoise et croupissante.

The Blood on Satan's claw est basé sur un script de Robert Wynne-Simmons écrit à l'origine comme un film sur le thème de la manifestation démoniaque collective. Piers Haggard le remania donc pour en faire quelque chose d'avoisinant mais de plus ambigu. Du fait de cette réécriture, la rigueur narrative s'en trouve par moments malmenée, voire fragmentée, avec des personnages surgissant parfois de nulle part et disparaissant comme par enchantement. Cette légère confusion lui confère a contrario une autre force : celle de transformer la pellicule en une sorte de cauchemar envoûtant dans lequel on construirait un cancer à partir de tumeurs prises sur des villageois, des greffons formant, une fois assemblés, une entité satanique. Nous nageons en plein contrepoint avec son prédécesseur signé Michael Reeves : ici, on ne châtie pas de villageois en les décrétant coupables à tout va et sans procès, non, les sorcières existent et représentent un véritable danger, par opposition aux "mauvaises victimes" de Vincent Price. Quant au personnage de Ralph (Barry Andrews/" Dracula et les femmes "), trouvant au début cet infâme crâne encore pourvu d'un oeil et tout droit venu des enfers, d'homme ordinaire, il se retrouve d'un coup d'un seul au centre d'événements fous, de plus en plus impuissant à les contrôler. S'opposant tout d'abord à ce qu'un patch de chair du démon soit prélevé sur Margareth (Michele Dotrice / The Witches), la danseuse du village, sa jambe finira par devenir selon lui la dernière partie nécessaire à la reconstitution du démon, en se laissant peu à peu séduire à son tour.

 

 

L'une des scènes les plus marquantes reste celle où, Cathy, la maîtresse de Ralph, se voit sournoisement attirée dans une église abandonnée au milieu des bois avant de se retrouver jouet de culte dans une ambiance festive puis de s'apercevoir de la présence de ce même stigmate maléfique sur chacun des corps autour d'elle ; elle se fera violer par l'un des jeunes du groupe pour enfin se faire poignarder par Angel Black dans une incantation toute sexuelle. Cette scène donne toute la dimension, à la fois, crue, perverse, ambigüe et atmosphérique dont se pare avec talent La nuit des maléfices.

Doté d'un final assez dantesque, brillamment dirigé par Piers Haggard, porté par une brillante distribution dont en premier lieu l'excellente interprétation de Patrick Wymark ("Le grand inquisiteur"), et superbement photographié par Dick Bush (Dracula'73), en parfaite adéquation avec le naturalisme cru souhaité par le réalisateur, The Blood on Satan's claw est une bien belle réussite que ne dément surtout pas la jolie et envoûtante partition de Marc Wilkinson.

 

 

Mallox

 

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