Scotland Yard contre Cercle rouge
Titre original: Der rote Kreis
Genre: Krimi
Année: 1960
Pays d'origine: Danemark / Allemagne (RFA)
Réalisateur: Jürgen Roland
Casting:
Klausjürgen Wussow, Renate Ewert, Karl Georg Saebisch, Thomas Alder, Fritz Rasp, Erica Beer, Eddi Arent, Ernst Fritz Fürbringer...
Aka: The Crimson Circle
 

A la maison d'arrêt de Toulouse (oui, en France), on fête l'anniversaire du bourreau, à grands renforts de bouteilles de rouge, bues au goulot. Cet indispensable fonctionnaire de la République se retrouve donc bourré comme une prostituée africaine dans une partouze chez les DSK, au moment de procéder à l'exécution d'un citoyen britannique (pour meurtre et pas à cause de sa nationalité, même si c'est regrettable), Henry Charles Lightman. Mais notre brave bourreau a, dans son état éthylique, planté le clou de sécurité au mauvais endroit et la lame de la guillotine s'arrête quelques centimètres au-dessus du cou de Lightman, qui sauve donc sa tête et voit sa peine commuée en internement au bagne.
Moralité : boire de l'alcool sans modération sauve des vies... Ce qui n'est pas forcément une bonne chose, car une voix-off nous apprend que ce clou mal placé entraînera, huit ans plus tard, la mort de vingt-cinq personnes.
Londres, un générique (et donc huit ans plus tard) - Alors qu'elle conduit son cabriolet pour se rendre chez son amant, Lady Doringham a la désagréable surprise de voir un homme masqué sur la banquette arrière. Celui-ci lui apprend qu'elle est la nouvelle cible du "Cercle rouge" et que si elle ne dérobe pas, pour lui, à son mari le célèbre collier de diamants des Doringham, elle subira un sort identique à celui que le Cercle rouge a déjà fait subir à une vingtaine de riches londoniens: la mort.

 

 

Scotland Yard contre Cercle rouge fut tourné juste après La Grenouille attaque Scotland Yard et avant même la sortie en salles de ce dernier (Preben Philipsen, pour la Rialto, ayant acheté les droits des deux romans d'Edgar Wallace et une option sur le reste de son oeuvre, le succès des deux films devant décider de l'avenir ou non d'une éventuelle série). La comparaison entre les deux métrages est d'autant plus inévitable que les deux ont un argument très similaire (en tout cas en apparence). Un méchant masqué (beaucoup moins original ici) à la tête d'une redoutable bande criminelle, qui assassine à tire-larigot en se moquant d'une police londonienne épaulée par un détective privé. La proximité des histoires et la chronologie des sorties n'étaient pas dues au hasard et devaient permettre d'égarer le spectateur de l'époque (quant à l'identité du meurtrier du présent film). Ce qui me permet d'en venir au principal point fort de Scotland Yard contre Cercle rouge : son scénario "blindé" et cohérent, ce qui n'est pas souvent le cas dans les Krimis, avec un côté whodunit qui tient particulièrement bien la route, même si un "vétéran du Krimi" aura tôt fait de l'éventer en tirant les conclusions qui s'imposent, d'une différence majeure avec les canons du genre (difficile d'être plus clair sans tout révéler). Sauf qu'à l'époque, les canons du genre n'existaient pas encore. Sur ce point donc (le scénario) le présent métrage s'avère supérieur à son ainé (La Grenouille attaque Scotland Yard), mais c'est le seul car pour le reste la comparaison lui est très défavorable.

 

 

En premier lieu, Jürgen Roland, dont le principal titre de gloire est d'avoir tourné "le" film de mafia allemand (Salopards en enfer), n'est hélas pas Harald Reinl. Dans une précédente critique j'avais émis l'avis que le style de Reinl était moins adapté aux Krimi que celui d'Alfred Vohrer et qu'il y avait fait preuve de moins d'inventivité. Mais il faut reconnaître que, comparé à un metteur en scène lambda, ici Jürgen Roland, le réalisateur du Vampire et le sang des Vierges se situe dix coudées au-dessus (et pas que pour les Krimi). Ici, on est loin des meurtres sanglants préfigurant le giallo, des scènes crépusculaires à l'esthétique quasi expressionniste et du dynamisme d'ensemble qui faisaient la réussite de La Grenouille attaque Scotland Yard. Non, ici tout est platement réalisé et suit un rythme assez plan plan... A la décharge de Roland, il faut dire qu'il signe là son premier long-métrage de fiction pour le grand écran. Il était sorti de l'anonymat un an plus tôt en réalisant la première série télé policière allemande à succès, ce qui explique qu'il ait été choisi par la Rialto malgré son inexpérience.
Par la suite, il œuvrera aussi dans le film d'aventures et le sauerkraut western (Les Pirates du Mississippi) où il aura à nouveau l'occasion de prouver qu'il n'est hélas pas Harald Reinl. Pour être juste, on lui doit au début des années 70 un film bis de bon aloi (Salopards en enfer précédemment cité), avant que, comme tant d'autres en cette décennie funeste pour le cinéma germanique, il ne s'en retourne aux séries télé.

 

 

Au niveau du casting, en tout cas des interprètes principaux, ça coince aussi un peu. Sans remettre en cause leur professionnalisme, il faut bien reconnaître que Karl Georg Saebisch et Klausjürgen Wussow sont (très) loin d'avoir le charisme de Siegfried Lowitz et Joachim Fuchsberger. Et si Renate Ewert est incontestablement meilleure actrice qu'Éva Anthes (ce qui ne constitue pas non plus un exploit faramineux), je dois dire que son sex-appeal m'a totalement échappé, ce qui est gênant dans la mesure où son personnage est censé provoquer la concupiscence de quasiment tout le casting masculin. Au départ, son rôle aurait dû être joué par Ulla Jacobsson, la jolie héroïne d'"Elle n'a dansé qu'un seul été", mais le réalisateur imposa sa compagne du moment, ce qui était assez courant dans le cinéma de l'époque et pas forcément une mauvaise chose pour les films. Sauf que Roland n'est hélas pas Harald Reinl (refrain connu), et quand ce dernier fait tourner son épouse Karin Dor, pour Roland c'est Renate Ewert. On ne dira pas trop de mal de cette dernière qui connut une fin tragique et prématurée en se donnant la mort six ans seulement après ce film.
Si l'équipe technique et le casting principal sont totalement différents de La Grenouille attaque Scotland Yard du fait de la quasi-simultanéité des tournages, les deux films ont malgré tout de nombreux acteurs en commun, dans des rôles identiques, créant ainsi les germes d'un futur esprit de série. On revoit donc Ernst Fritz Fürbringer en chef (sérieux) de Scotland Yard et surtout Eddi Arent en comparse comique. On peut même dire qu'Arent "domine" le casting, sans doute à cause du manque de charisme des acteurs principaux, mais aussi parce que son humour est ici beaucoup moins lourd que dans certains Krimis ultérieurs (et quoi qu'il en soit, sa "vis comica" est incontestable).

 

 

On retrouve aussi Fritz Rasp dans un rôle ambigu, mais alors que Harald Reinl avait su dans La Grenouille attaque Scotland Yard très brillamment tirer parti de l'impressionnant physique de l'acteur, avec sa tête d'aigle au regard quasi hypnotique, en lui donnant un rôle quasi muet, dans Scotland Yard contre Cercle rouge il parle et il parle même beaucoup, ce qui rompt définitivement le charme, car sa voix éraillée par l'âge (et sans doute le tabac) tirant par moments vers l'aigu donne l'impression d'un mix entre un vieux du Muppet Show et Gérard Jugnot.
Si Arent est l'acteur symbole du Krimi, Rasp (tout comme Fürbringer) fut un récurrent des premiers Edgar Wallace Filme de la Rialto (la période Philipsen, en gros). Mais Rasp, qui débuta au temps du muet, a pour particularité d'avoir tourné dans les deux premières adaptations parlantes et allemandes d'Edgar Wallace.
Pour l'anecdote, on notera que Jürgen Roland fait de la figuration (un policier) dans l’épilogue qui suit la double révélation finale. Un épilogue d'un humour noir bien venu, tout comme le prologue "toulousain". On notera aussi que c'est le second et dernier Krimi réalisé au Danemark, que les extérieurs londoniens sont ceux tournés par Reinl pour La Grenouille attaque Scotland Yard et que, afin de tromper les spectateurs trop observateurs, sous le masque du Cercle rouge se trouve un acteur qui, démasqué, joue un autre rôle que celui de l'alias du Cercle rouge (c'est clair ?) et qu'il est par ailleurs doublé par un troisième acteur qui lui n'a pas d'autre rôle.

 

 

A sa sortie, Scotland Yard contre Cercle rouge eut un joli succès, somme toutes mérité, certes moindre que celui de La Grenouille attaque Scotland Yard (là encore non sans raison) mais suffisant pour lancer la série. Preben Philipsen acheta donc les droits d'adaptation de l'ensemble des romans d'Edgar Wallace... enfin pas tout à fait, mais ceci est une autre histoire...

 

Sigtuna

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