Résurrection de Frankenstein, La
Titre original: Frankenstein Unbound
Genre: Horreur
Année: 1990
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Roger Corman
Casting:
John Hurt, Raul Julia, Nick Brimble, Bridget Fonda...
 

Fin 1988, dix-sept ans après The Red Baron, sa dernière réalisation en date, Roger Corman fut contacté par Universal pour repasser derrière la caméra pour un projet alors simplement intitulé "Roger Corman's Frankenstein". Ce qu'il accepta, moyennant un intéressement certain aux recettes et un budget confortable, de loin le plus gros que Corman n'ait jamais eu. A charge pour lui de rédiger un script, ce qu'il fit avec bien du mal en se basant sur un roman de Brian Aldiss. Ce ne fut qu'en 1990 que le film fut finalement bouclé. Il demeure à ce jour, et il restera probablement, le tout dernier film réalisé par Roger Corman.
Il nous raconte les aventures du docteur Joe Buchanan, un scientifique du futur cherchant à mettre au point une arme capable d'envoyer ses victimes dans une autre dimension, plutôt que d'avoir à les tuer eux, aussi bien que leur environnement. Noble projet, mais qui échouera lors des expérimentations. Le bon docteur se trouvera ainsi projeté au dix-neuvième siècle, aux environs de Genève, à l'endroit et à l'époque même où la créature du docteur Frankenstein s'évertuait à tourmenter son géniteur, tandis qu'un peu plus loin, Lord Byron, Percy Shelley et Mary Godwin se livraient à leurs orgies sexuelles et littéraires, Mary étant même en train d'écrire le roman qui la rendra plus tard célèbre...

 


Une histoire qui en plus de présenter une variation du mythe de Frankenstein se permet aussi de romancer la naissance de ce même mythe, avec la présence simultanée dans le même monde non seulement des personnages mais aussi de celle qui écrira le roman, Mary Godwin, future Mary Shelley. Un tel parti pris aurait pu rendre le film excessivement compliqué. Mais ce n'est pas le cas, bien au contraire. On pourra ainsi se demander quelle est la véritable utilité du trio d'auteurs romantiques Byron, Shelley et Godwin. En effet, ces trois personnages n'influent aucunement sur le récit, et Corman ne peut décemment prétendre nous donner une description du processus littéraire ayant entraîné à la rédaction du roman Frankenstein (chose qui avait d'ailleurs été faite dès 1986 dans le "Gothic" de Ken Russell), puisque si l'on s'en tenait à ce qui nous est montré, le roman nous semblerait avoir été "tiré d'une histoire vraie", ou tout du moins d'une base un minimum réaliste.

 


On pourra en revanche y voir un clin d'oeil à la culture gothique de Corman (chose que l'on retrouve dans le titre original du film, avec le terme Unbound qui renvoie certes au dénouement de l'histoire, mais aussi à l'oeuvre phare de Percy Shelley, "Promotheus Unbound") ainsi qu'un autre, davantage ironique, sur la confrontation entre ces romantiques et un scientifique du futur qui viendra justifier les interrogations de Mary Godwin sur les pouvoirs de la science. Mais avouons-le, ces scènes passées en compagnie de tout ce petit monde n'a pas grand intérêt. Il faut donc se pencher davantage sur la présence du docteur Buchanan au milieu de l'intrigue typique de Frankenstein pour percevoir la vraie intrigue du film.
Victor Frankenstein et son "erreur" permettra ainsi de mettre en avant la propre erreur du docteur Buchanan, qui lui aussi aura cherché à jouer à Dieu en tentant cette fois non pas de donner la vie, mais de jouer avec le temps. Partant lui aussi d'un bon sentiment, tout comme ce fut le cas pour Frankenstein, Buchanan devra mettre en relation sa propre situation et celle de son collègue. L'enjeu sera donc de savoir s'il en sera capable... Bien sûr, une telle comparaison entre deux époques scientifiques ne va pas non plus sans évoquer la situation actuelle ou dans un proche avenir du monde, où les réflexions portant sur les hasards de la science données par le mythe de Frankenstein ont été oubliées.

 


Un thème d'ailleurs souvent employé dans les années 50, époque du nucléaire et des monstres atomiques, dans laquelle Corman a commencé sa carrière de cinéaste. Même dans les années 90, même après vingt ans d'abstinence dans la réalisation, même avec un budget confortable, et même avec une intrigue un peu plus poussée que dans les traditionnels films de monstres, Corman reste donc fidèle à lui-même, et va jusqu'au bout de ses idées, à travers un final qui constituera une parfaite fusion entre le mythe de Frankenstein et l'histoire de Buchanan, qui prendra ainsi des allures de Frankenstein moderne (le titre français de Résurrection de Frankenstein, malgré son côté à première vue très bateau, n'est donc pas si stupide).
Fidèle à lui-même, Corman l'est aussi resté dans la forme : plusieurs scènes oniriques à base de lentilles déformantes et de brouillard viendront ainsi nous rappeler que nous avons ici affaire à l'homme qui donna naissance au cycle Poe dans les années 60. Bien sûr, une telle fidélité ne va pas sans heurt et quelques éléments plutôt kitsch viendront faire sourire les plus cyniques : les effets spéciaux parfois limites, ou encore les scènes se déroulant dans le futur, qui avec leurs costumes argentés et leur photographie criarde sont certes assez malvenues. Mais enfin, ce n'est pas suffisant pour ruiner cette Résurrection de Frankenstein qui nous montre avant tout la fin de carrière d'un réalisateur qui n'a jamais été capable de trouver sa place dans l'industrie cinématographique hollywoodienne, mais qui pour le temps d'un film a cherché tant bien que mal à faire sien un projet de studio.

 


Note : 6/10

 

Walter Paisley
A propos du film :
# Roger Corman s'est inspiré du roman de science-fiction : "Frankenstein Unbound" ("Frankenstein délivré" en France) de Brian W. Aldiss pour écrire son scénario.
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