Rose Ecorchée, La
Genre: Horreur
Année: 1969
Pays d'origine: France
Réalisateur: Claude Mulot
Casting:
Philippe Lemaire, Annie Duperey, Howard Vernon, Elizabeth Teissier, Olivia Robin, Michèle Perello, Valérie Boisgel, les nains Johnny Cacao et Roberto...
Aka: The Blood Rose / Ravaged / Devil's Maniac / H comme horreur
 

Frédéric Lansac est un peintre talentueux, et très en vogue, qui expose ses toiles dans la galerie que possède son ami Wilfried. C'est là qu'il rencontre Moira, une jolie bourgeoise ambitieuse, toujours attirée par les célébrités. Elle met le grappin sur Lansac. Mais deux mois plus tard, à l'occasion d'un bal costumé organisé par Moira, le peintre fait la connaissance d'Anne, dont il tombe instantanément amoureux. Un coup de foudre réciproque, si bien que les deux amants, lassés des mondanités, partent se mettre au vert, dans le château provincial dont Frédéric a hérité de ses parents. En cet endroit isolé, Anne et Frédéric filent le parfait amour, avec pour seule compagnie la présence de deux serviteurs nains, Igor et Olaf, recueillis autrefois par la famille du peintre.

 

 

Le couple décide de se marier, et pour fêter l'événement, invite ses amis pour une réception grandiose dans la cour du château. Moira se joint à la fête, et vient provoquer Anne. Apeurée, cette dernière perd l'équilibre et tombe en plein milieu du feu de camp. Sa robe s'enflamme immédiatement, transformant la jeune femme en torche vivante. Lorsque Frédéric parvient à maîtriser les flammes, il est malheureusement trop tard. Grièvement brûlée, défigurée, paralysée et la vision amoindrie, Anne est désormais condamnée à porter durant toute sa vie les stigmates de cet horrible drame, tout espoir de guérison étant vain. Anne est devenue un monstre confiné dans un fauteuil roulant, à la respiration rauque et la vue trouble.
Réalisant qu'elle ne guérira jamais, Anne supplie Frédéric de la faire passer pour morte. Le château de Lansac sera sa tombe, plus rien n'existe. Effondré, le peintre se replie également sur lui-même, et ne quitte plus le château. Pourtant, lorsque son ami et associé Wilfried lui demande de le remplacer dans l'institut de beauté qu'ils possèdent à Paris, Frédéric accepte à contrecoeur. L'Institut "Wilfried et Lansac" possède une annexe botanique, constituée d'une immense serre expérimentale dans laquelle officie le Docteur Romer.
Pour tenir compagnie à Anne durant son absence, Lansac loue les services d'une infirmière, Agnès. Celle-ci est une jolie femme, une beauté qui déplaît très vite à Anne, emportée inexorablement par une folie destructrice. Alors qu'Anne s'arrange pour provoquer la mort de l'infirmière, Frédéric apprend par hasard que Romer était autrefois un brillant chirurgien esthétique, spécialisé dans la reconstruction des visages. Le peintre conduit Romer au château afin qu'il examine sa femme. Mais le constat du chirurgien est sans appel. Pour réussir une telle greffe, il faudrait prélever des tissus vivants sur le donneur, qui conduiraient à la mort du sujet. Un tel projet est inconcevable, mais Frédéric est prêt à tout pour redonner un visage à sa bien-aimée.

 

 

Le cinéma d'horreur a rarement été une marque de fabrique française. Contrairement à ses voisins italiens, espagnols et surtout anglais, la France a toujours été mal à l'aise dans ce créneau, et il a fallu que Georges Franju livre un chef-d'oeuvre, "Les Yeux sans Visage", pour que certains cinéastes français réalisent que réussir dans le fantastique était possible.
Ainsi Claude Mulot, jeune metteur en scène qui ne compte alors qu'un seul film à son actif, un "nudie" ("Sexyrella", 1968), s'inspire ouvertement de Franju, mais aussi des films de Jess Franco ("L'Horrible Docteur Orlof", lui-même inspiré des "Yeux sans Visage", Le Diabolique docteur Z) pour faire La Rose Ecorchée. Les premiers rôles sont confiés à des comédiens chevronnés : Philippe Lemaire, acteur depuis l'après-guerre, et vu dans de nombreux films à costumes comme "Cartouche", "Le Chevalier de Pardaillan" ou encore "Le Masque de Fer" ; et Annie Duperey, alors toute jeune (22 ans) mais déjà expérimentée grâce au théâtre, et qui a tourné au cinéma pour Jean-Luc Godard deux ans auparavant. A leurs côtés, on trouve essentiellement des acteurs spécialisés dans le cinéma de genre, comme Howard Vernon, l'homme à tout faire de Jess Franco ; et un trio d'actrices qui ont comme point commun d'avoir toutes jouées pour le trublion José Bénazéraf : Elizabeth Teissier ("Frustration"), Michèle Perello ("Les Deux Gouines") et Valérie Boisgel ("Le Sexe Nu"). Quant aux nains Johnny Cacao et Roberto, on les retrouvera réunis au cinéma en d'autres occasions, notamment dans le "San Antonio ne pense qu'à ça" de Joël Séria. Malgré ce casting pour le moins hétéroclite, la sauce prend, l'alchimie fonctionne à merveille. Si bien que La Rose Ecorchée est l'une des réussites majeures du cinéma fantastique français, mêlant avec bonheur la rigueur de Franju et les délires à venir d'un Michel Lemoine avec Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff.

 

 

La Rose Ecorchée est une superbe histoire d'amour, contenant non seulement des ressorts dramatiques, comme le thème du Pygmalion, le créateur annihilé par sa propre créature (un sujet que Mulot reprendra pour "La Femme Objet"), mais aussi des ingrédients d'horreur pure qui reflètent à merveille la folie destructrice du personnage d'Anne. Tout est réuni dans ce film pour qu'on puisse le considérer comme une référence en la matière. Une photographie superbe, un sens du cadrage inné chez le réalisateur, et des trouvailles comme les filtres déformants qui permettent au spectateur de voir ce qu'est la réalité avec les yeux d'Anne. Les décors sont aussi particulièrement bien trouvés, avec comme points forts le château de Lansac aux forts accents gothiques ; et l'incroyable institut de beauté, doté d'une architecture démentielle, proche de la ruche, des escaliers et des structures évoquant Escher, sans oublier le jardin des plantes pourvu d'allées labyrinthiques, et transformé en terrain de chasse où le gibier est choisi parmi les jolies clientes de l'établissement.
Le film bascule habilement du rationnel à la folie, afin de symboliser la beauté détruite, et la naissance d'un "monstre" tant sur le plan physique que mental. Si les images sont particulièrement léchées, il en va de même pour la musique, le compositeur Jean-Pierre Dorsay proposant une partition de grande classe, en totale adéquation avec les images, et qui accentue un peu plus la charge émotionnelle qui se dégage du film. Le final est d'un pessimisme, d'une logique et d'une beauté incroyables, avec des tragédies venant se succéder à un rythme effréné, et pour se conclure sur une touche poétique indéniable, lorsque Frédéric Lansac, qui n'était plus capable de peindre, reprend les pinceaux une dernière fois, pour achever autant un portrait d'Anne que sa propre histoire.

 

 

Oui, La Rose Ecorchée frôle parfois le génie, et c'est en tous cas un film parfaitement maîtrisé que Claude Mulot a réalisé. Une oeuvre qui l'aura forcément marqué, au point de reprendre le nom de son héros pour signer ses futurs films, à partir de 1975, lorsque le porno connaîtra son âge d'or. Un genre auquel Mulot aura participé brillamment, signant des oeuvres originales dans un milieu réputé pour sa banalité, apportant sa passion pour le fantastique, et que l'on retrouvera donc dans Le Sexe qui parle, "Shocking" et "La Femme Objet".
Presque quatre décennies plus tard, La Rose Ecorchée demeure une pierre angulaire du cinéma d'horreur français, une oeuvre classieuse bien qu'intégrant gore et érotisme, plus des nains en peaux de bête, ce qui constitue une performance !

 

 

Flint

 

 

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