Black Christmas
Genre: Horreur , Slasher
Année: 1974
Pays d'origine: Canada
Réalisateur: Bob Clark
Casting:
Olivia Hussey, John Saxon, Keir Dullea, Margot Kidder...
 

Evacuons tout de suite la polémique : "Black Christmas" est-il oui ou merde "le père du slasher" ? Et bien pour ma part, je dois avouer ne pas être très porté sur ce genre de questionnements, puisqu'après tout, un genre ne vient pas de nulle part, et qu'il est l'assimilation d'autres genres, eux-mêmes découlant de quelque chose d'antérieur etc etc, jusqu'à même sortir de l'histoire du cinéma pour se baser sur la littérature, sur des influences picturales et sur toute forme de culture. Ainsi, le slasher ne vient pas non plus de nulle part, et on peut en retrouver ses sources dans le "Psychose" d'Hitchcock, dans les gialli italiens, voire même dans le roman "Les 10 petits nègres" d'Agatha Christie. Selon moi, un genre (ou plutôt un sous-genre) tel que le slasher se définit avant tout en termes de modes, et à ce titre c'est bel et bien le "Halloween" de Carpenter qui a servi de point de départ à tous les "Vendredi 13", "Douce Nuit Sanglante Nuit" et autres joyeusetés ou cochoncetés des années 80. "Scream" lui-même, qui redémarra la mode à la fin des années 90, cite ouvertement le film de Carpenter, tout en imposant son propre traitement contemporain (et par ailleurs tout pourri) à ses avatars.
Et Black Christmas dans tout ça ? Et bien certes, c'est l'oeuvre qui servit de modèle à John Carpenter, et Bob Clark déclara avoir lui-même soufflé le sujet et le titre "Halloween" à Carpenter. Mais on ne peut véritablement dire que "Black Christmas" a créé une mode, et après tout, consciemment ou non, le film entretient autant de point communs avec les gialli qui l'ont précédé qu'avec les slashers qui lui ont succédé. Le film prend ainsi la forme de "whodunit", seule la voix du tueur ainsi que quelques parties de son corps (à l'exception bien sûr de sa tête) nous sont dévoilées, les meurtres sont rares et assez maniérés, la vision subjective du tueur est de mise, et ce serait faire injure à Black Christmas que de dire qu'il a permis à des gens comme Sean Cunningham de créer des franchises telles que "Vendredi 13" (série que pourtant j'apprécie), alors que celles-ci ont quelque fois même tendance à s'éloigner fortement du traitement d'"Halloween", lui-même différent en quelques points de "Black Christmas". Donc voilà : savoir si le film de Bob Clark est le "père du slasher" est un faux débat, à partir du moment où l'on regarde la réalité du slasher, qui est avant tout une mode commerciale (tant de films du même style n'auraient pas vu le jour à peu près au même moment, la question ne se poserait même pas).

 

 

Maintenant, parlons du film en lui-même. Il s'agit donc de l'histoire d'un tueur qui sévit dans une maison de jeunes filles au Canada, pendant la période des fêtes de Noël. Non content de tuer quelques filles, qu'il fait disparaître, le sadique se permet même de passer des coups de téléphone obscènes à celles qui sont appelées à être ses futures victimes. Au fur et à mesure du déroulement, ce sera Jess, jeune femme en pleine période de doute quant à la relation avec son copain, qui sera placée au centre du film.

"Black Christmas" est avant tout un film d'ambiance. Bob Clark prend particulièrement soin d'installer un climat générant volontiers la peur. La maison des jeunes filles est une vieille bâtisse de style victorien et le réalisateur aime à situer l'action de nuit. Mais après tout peu importe, puisque la maison à elle seule retranscrit la menace qui pèse. L'intérieur est également victorien, plein de boiseries, les tapisseries sont sombres et datées et les sources de lumière sont infimes, voire inexistantes. Les décorations de Noël y brillent sans éclat, accentuant encore davantage l'aspect macabre du lieu. Il ne faudrait pourtant pas croire que le film est lui-même rétro : les jeunes filles et la propriétaire de la baraque sont au contraire résolument modernes, tout comme le sont les personnages importants n'habitant pas là (petits amis, parents, flics...). Le directeur de casting a eu le nez creux, puisqu'entre John Saxon (qu'on ne présente plus), Margot Kidder ("Soeurs de Sang", "Amityville"), Keir Dullea (l'intemporel "2001" de Kubrick), et dans une moindre mesure Art Hindle ("Chromosome 3") et Olivia Hussey ("Les Traqués de l'an 2000", "Ça"), la plupart des acteurs sont des visages connus des amateurs de cinéma de genre, ce qui confirme le décalage entre la modernité des personnages et la noirceur des décors.

 

 

Avec les meurtres et les appels téléphoniques, c'est petit à petit cette noirceur qui envahit l'atmosphère, qui réduit à la peur les jeunes filles, qui vient corrompre l'esprit de Noël jusqu'à en faire quelque chose d'au contraire oppressant (à ce titre oui, Carpenter a repris la recette de Bob Clark). La mise en scène se fait au diapason et suit le mouvement : non seulement les coups de fils obscènes, qui pourraient apparaître comme ridicules avec une ambiance moins travaillée, deviennent très stressants, mais les visions subjectives, monnaie courante dans les gialli et les slashers, gardent toujours leur impact (chose que "Halloween", au fil du temps, n'a su conserver). La bande-son elle aussi entretient la tension de façon permanente, pour la simple raison qu'elle se fait pour le moins discrète, sinon absente. Le silence est pesant, et seuls quelques bruits comme le vent ou le plancher qui craque constitueront la vie de cette maison, où la mort n'est officiellement pas présente, puisque les victimes sont cachées par le tueur et que donc, pour les personnages, elles ne sont que disparues.
Ça n'a l'air de rien, comme ça, mais ce procédé permet de semer le doute chez les personnages, effrayés sans raison concrète. Le premier mort qui sera découvert ne sera même pas un habitant de la maison : ça sera une fillette retrouvée morte dans un parc avoisinant. L'ambiguité et le doute sont donc au coeur du film, et Clark entretiendra le malaise de ces personnages en faisant prendre de grosses proportions à la querelle entre Jess et son copain, en faisant du personnage de Margot Kidder une alcoolique et en amenant dans l'histoire le père d'une des disparues... Tout ceci donne au film une touche réaliste et crédible que l'on ne retrouve pas dans les slashers post-Halloween, généralement plus portés sur l'action. Car ici, c'est davantage l'attente et les coups de fils qui font leur effet, bien plus que les meurtres, d'ailleurs très peu nombreux.
Si peu de meurtres et pourtant aucun ennui, cela relève de la prouesse et démontre tout le soin apporté par Clark à son film. La tension est permanente, Jess et ses copines sont plongées au même titre dans l'expectative, dans la peur diffuse générée par le contexte, que le dénouement ne viendra même pas achever (ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le générique défile sur la vision de cette maison macabre : l'ambiguité est entretenue jusqu'au bout). Clark, fort de son atmosphère, parvient même à glisser quelques éléments comiques (tournant principalement autour d'un flic gaffeur ou du père de la disparue, qui découvre avec circonspection les moeurs de la jeunesse) sans pour autant gâcher son travail.
Maintenant, je ne prétendrai pas non plus que "Black Christmas" est dénué de défauts. Quelques incohérences scénaristiques sont à signaler (portant principalement sur la planque des cadavres), de même que l'un des (faux) coups de théâtres de la fin sera littéralement téléphoné. Mais tout de même, ce "Black Christmas" mérite amplement d'être reconnu, "père des slashers" ou pas. C'est bien le propre des excellents films de se faire copier, et Carpenter n'a après tout fait que s'inspirer d'un film qui mérite largement l'appellation de classique.

 

 

Note : 9/10

 

Walter Paisley
 
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