Avec Arachnae, Charlotte Bousquet nous avais plongé en plein dans la crasse, dans le sombre, le malsain, pour notre plus grand bonheur et pour nous offrir au final un excellent roman de Dark Fantasy comme malheureusement on n'en lit que trop peu! Mais l'auteure n'a pas décidé de s'arrêter là, et avec Cytheriae elle nous offre une nouvelle visite de son archipel des Numinées, pour une autre enquête policière dans un univers inspiré par la renaissance, Venise et bien sûr toujours soutenu par une plume hors du commun.

L'histoire prend place à Cribella, capitale lagunaire de Cytheriae. S'il fut un temps où la cité resplendissait, ce n'est plus le cas aujourd'hui, la misère, la pauvreté et un pouvoir fantoche règnent sur la ville. Cribella est une cité qui se meurt mais, et c'est surtout cela qui va nous intéresser, qui est rongée par une série de crimes étranges et extrêmement violents. Certains y voient l'œuvre d'une créature tapie dans les canaux qui traversent la ville, d'autres pensent à la bête, dénommé Malatesta. Une vague de suicides ou de meurtres déguisés saigne les quartiers pauvres. Bien évidement c'est toujours les miséreux qui prennent en premier!
Plusieurs personnages vont mener l'enquête, des personnages tout aussi étranges et sombres que ceux qu'ils sont censés pister.
Il y a le lieutenant Duccio, une femme, Nola une écrivaine public avec ses blessures, ses failles et Angelo di Larini, un prêtre sorcier réprouvé de l'ordre de la Nouvelle Lune, un type étrange. Vous l'aurez compris, Charlotte Bousquet ne fait pas dans la facilité, ses personnages sont sombres et complexes, loin des archétypes mis en place par le genre et surtout elle peuple son récit de personnages secondaires qui sont tous comme une représentation d'un quartier différent de Cribella. De ce fait, on plonge d'autant plus dans la misère et la crasse qui habitent cette ville, on se rapproche du petit peuple, on souffre avec lui et on se révolte à ses côtés.
Ce qui fait qu'au final, Cythériae est bien sûr une œuvre de fantasy, voire de Dark Fantasy, mais c'est aussi un polar qui est soutenu par une toile de fond éminemment politique. Et c'est là que l'on retrouve toute la finesse de la plume de Charlotte Bousquet et toute son intelligence, c'est d'à la fois nous offrir un roman captivant, plein de mystères, de scènes chocs, voire d'action tout en nous parlant de choses graves et au final très proches de nous. Le message est clair : les politiciens sont tous des pourris et ne pourront jamais rien pour vous. Du moins c'est la conclusion à laquelle je suis venu à la lecture de ce roman…
Cytheriae est une œuvre profondément sombre et violente. Non pas comme Arachnae, c'est à dire dans les scènes gore ou dérangeante, mais cette violence dont je parle vient bien plus des personnages, qui sont tous des êtres tristes, des êtres malmenés, des êtres qui se cherchent, aux amours contrariés, et au passé pesant. Et cette violence est bien pire que celle qui nous était exposée dans Arachanae, cette violence est bien plus douloureuse à mon sens!
C'est dans les quartiers pauvres que l'on meurt le plus, c'est dans la misère que l'on se suicide, c'est dans la fange que l'on tombe. C'est beau et sale à la fois, c'est le monde de Charlotte Bousquet…
Un personnage m'a beaucoup touché, c'est pourquoi j'attire votre attention sur celui-ci, c'est Orseo, chroniqueur à l'amour contrarié. C'est le destin le plus tragique du roman à mon sens, c'est à la fois celui qui n'attend plus rien de la vie tout en continuant à l'aimer malgré tout. Encore une fois c'est absolument fantastique ! Mais la véritable question, celle que l'éditeur met d'ailleurs en avant sur le quatrième de couverture, la question donc qui est aussi la clef de tout le mystère de Cytheriae et même plus que ça, qui est la clef de voûte de l'œuvre de Charlotte Bousquet, c'est la suivante : qu'est-ce qui fait de vous un homme, qu'est-ce qui fait de moi un monstre? La réponse est à la fin de l'enquête et comme toujours chez Charlotte Bousquet elle va nous obliger à voir le vrai visage du monstre, le vrai visage de l'humanité!

Au final je dirais que Cytheriae est un roman étrange, très étrange. D'abord car il est quasiment la synthèse de toute l'œuvre de l'auteure, de toutes ses thématiques du moins et en ce sens, si vous n'avez jamais lu de Charlotte Bousquet, c'est par celui-ci qu'il faut commencer (l'histoire est indépendante d'"Arachnae"). Mais c'est aussi le livre du malaise, du mal-être, qui m'a profondément mis mal à l'aise à sa lecture, qui m'a profondément troublé plus d'ailleurs qu'"Arachanae". Peut-être s'agit-il d'un sentiment personnel mais pour moi la lecture de ce roman fut une lecture difficile. Entendons-nous bien, c'est sur les thèmes que se fut difficile car sinon comme toujours la plume de Charlotte Bousquet est une plume virtuose, facile à lire et prenante!
Et puis au niveau de l'histoire, de la structure, j'ai quand même trouvé qu'il y avait des redites par rapport à "Arachnae", même si Cytheriae est un véritable petit bijou.
Alors si vous n'avez pas peur de voir le monstre, son vrai visage, foncez sur ce roman, ou quand la dark fantasy rejoint la classe et l'intelligence du polar !

Note : 9/10

 

Le Cimmerien

 

A propos de ce livre :

- Site de l'auteur : http://www.charlottebousquet.com/
- Site de l'éditeur : http://www.mnemos.com/