Loups de Kharkov, Les

 

Editeur : Le Petit Caveau

Collection : Sang Noir

Auteur : Alexis Lorens

Illustrateur: B.

Date de sortie : 10 mars 2010

Nbre de pages : 204

 

 

 

Le jeune policier prit place sur la banquette arrière près de l’inspecteur François Hernandez, petit et trapu, qui avait fêté ses trente ans la semaine précédente. Antoine Guérand, le plus âgé du groupe, conduisait la berline.

- Alors, le bleu, tu voulais de l'action ? Je crois que tu vas en avoir pour ton argent ! déclara ce dernier.

- Où va-t-on ?

- À Chantilly, mon gars ! fit Hernandez, en souriant.

- Chef, vous m'avez parlé d'homicide ?

- Oui, c'est exact. La brigade a reçu un appel téléphonique provenant de là-bas. Un corps a été retrouvé sur la voie de chemin de fer, bloquant le Paris-Lille. Il était moins une…

- Moins une ?

- Le commissaire veut simplement te dire qu'un peu plus et la locomotive lui passait dessus !

La berline s'engagea rue de la Chapelle en direction d'Aubervilliers.

- Les gendarmes de la brigade de Senlis nous attendent sur place, précisa le commissaire.

- Comment se fait-il que ce soit nous qui nous chargions de l'enquête ? demanda Xavier.

- Vu le caractère particulièrement odieux du crime, le préfet de police a préféré que le quai des Orfèvres prenne en charge l'instruction… Je n'ai pas tous les détails mais il paraît que c'est assez horrible à voir. J'ai demandé à Balestrin de la médecine légale de nous rejoindre sur place.


Les dernières feuilles d'automne avaient quitté les arbres, donnant à la forêt un air sinistre.

L'inspecteur Guérand se gara le long du train en prenant soin d'éviter les flaques opaques qui remplissaient les nids-de-poule. Une dizaine d'hommes en uniforme tenaient à distance les passagers curieux.

- Bonjour commissaire, adjudant chef Morin… C'est par là ; nous n'avons touché à rien, comme vous nous l'aviez demandé. Je vous préviens : c'est pas joli à voir. D'ailleurs, je crois que je n'avais jamais rien vu d'aussi monstrueux ! bredouilla le gendarme.

- Je vous remercie.

Les quatre policiers s'approchèrent du corps dénudé qui gisait sur les rails. La femme qui se trouvait là, jeune d'apparence, était recroquevillée sur elle-même tel un fœtus. Une partie de sa gorge avait été arrachée avec violence et furie. À la vue de ce funeste tableau, Xavier détourna les yeux et regarda vers la foule de voyageurs. Hernandez toussota pour masquer un haut le cœur.

- Bon, ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas banal ! Guérand et Kerlann, vous interrogez les cheminots. Hernandez, tu fais un tour dans le coin pour voir si quelqu'un n'aurait rien vu de suspect. C'est quoi cette maison ? demanda-t-il à Morin, en tendant son bras vers ce qui ressemblait à une ruine.

- J'ai envoyé deux hommes, tout à l'heure pour visiter les abords extérieurs. Cela semble être une demeure abandonnée depuis fort longtemps.

- Mouais ! Sinistre en tout cas. J'irai y faire un tour plus tard ! Le mieux serait de faire remonter tous les voyageurs en voiture afin qu'ils ne nous gênent pas pendant l'enquête. Je veux le moins de monde possible autour de la victime et apportez-moi une couverture ou un drap ou je ne sais quoi pour couvrir le corps de cette malheureuse ! ajouta-t-il, alors que l'adjudant chef Morin se dirigeait déjà vers ses hommes.

Le commissaire resta de longues minutes, seul, à observer le cadavre. Il s'accroupit et regarda le visage de la jeune femme.

- Elle doit avoir à peine vingt ans… Quel gâchis ! murmura-t-il.

Les yeux de la morte étaient restés ouverts comme un appel au secours. La terreur pouvait se lire sur ce regard innocent et un léger frisson parcourut le policier. Les boucles dorées de la chevelure étaient sales. Il avait plu cette nuit-là, ce qui rendait le travail d'investigation plus difficile. Des indices, voilà ce qu'il devait rapidement découvrir. Daniel Hemerin entendait déjà les journaux faire la une de ce terrible fait divers. Le bruit d'une voiture le sortit de ses pensées.

Deux hommes sortirent d'une ambulance. Le commissaire reconnut le plus grand d'entre eux. Joseph Balestrin, docteur en médecine légale, s'approcha du policier. Le visage taillé à la serpe et le front dégarni lui conféraient un visage dur et peu avenant. Pourtant, sous cet abord peu amène, se dissimulait un homme courtois et accueillant.

- Salut Joseph, je te remercie d'être venu dès que possible. Je sais que tu aimes pêcher le dimanche matin…

- Laisse ! Ce n'est pas grave, ce n'est que partie remise ! Bon, alors qu'est ce qu'on a ?

- Viens, tu verras par toi-même. Le corps est là, dans la position où nous l'avons trouvé.

Joseph Balestrin souleva le linceul couvrant la victime et fit une moue dubitative.

- Quoi ? fit le commissaire.

- Je ne sais pas, je n'ai jamais vu une chose pareille ! Il va falloir que j'emmène le corps à Bichat afin de faire plus d'examens !

- Oui, je sais.

- Je ne peux pas te dire grand chose pour le moment. Ce n'est pas vieux. La peau en est encore au tout début de la rigidité, déclara-t-il. Je dirais qu'elle est morte depuis à peu près huit heures. Ici ou ailleurs, je ne peux pas te le dire ! Une fois que j'aurai pris la température du foie, je pourrai affiner mes analyses.

- Ok, tu peux emporter le corps, je passerai te voir demain matin.

- Une chose est sûre…

- Quoi donc ?

- Si elle se trouvait sur la voie, c'est qu'on voulait effacer toute trace en espérant que le train… enfin tu sais…

- Oui, je te remercie.

L'adjoint de Joseph Balestrin vint les rejoindre avec une civière sur laquelle les gendarmes déposèrent délicatement la dépouille de la défunte.

- Tu as vu ? fit le médecin en s'adressant au commissaire.

- Qu'as-tu remarqué de particulier ?

- Il n'y a pas de sang, ni sur le corps, ni sur le sol… C'est vraiment étrange, tu ne trouves pas ?

 

 

A propos de ce livre:

 

- Site de l'auteur: http://www.alexislorens.fr/

- Site de l'éditeur: http://www.editionsdupetitcaveau.com/

 

 

(Copyright éditions Le Petit Caveau / Alexis Lorens, extrait diffusé avec l'autorisation de l'éditeur)