Laurell K. Hamilton
Écrit par Julien Morgan et Chaperon Rouge   

 

 

Interview réalisée le 28 mars 2010

 

 

Laurell K Hamilton, la reine de la bit-lit, la maman de la célèbre Anita Blake - notre réanimatrice et tueuse de vampires favorite - et de Merry Gentry a accepté de nous donner une interview à l'occasion du salon du Livre en mars dernier. Encore un grand merci à elle pour sa gentillesse, sa patience et sa disponibilité lors de cette première venue en France. En tant que grande fan de sa série Anita Blake, ce fut un grand moment, très intense et chargé d'émotion, que d'avoir la chance de la rencontrer et de pouvoir échanger avec elle. Je lui laisse maintenant la parole:

 

 

 

Au fil des années, comment a évolué le personnage d'Anita Blake ?

 

Anita était un personnage très contrasté, elle connaissait le Bien et le Mal et était persuadée de savoir qui étaient les monstres et de suivre la bonne voie. Au fil des années, elle ne l’est plus, elle est de moins en moins sûre que les gens qu'elle tue sont réellement des monstres. Une des principales raisons est que j’ai échangé avec de vrais policiers et des soldats qui avaient pris des vies dans l'exercice de leur fonction. J'ai aussi parlé à un officier de police, un ami à moi, quelqu’un de brillant et d’optimiste qui voulait sauver le monde. Après dix ans de service, son seul objectif était de faire son travail et de rentrer sain et sauf auprès de sa famille. J'ai vu que l'espérance l'avait abandonné, et Anita reflète ça. Elle est encore plus cynique parce qu'elle est entourée de violence. Je n'avais pas du tout prévu que sa vie amoureuse irait jusqu'où elle est allée… J'ai eu tendance à vouloir privilégier une relation unique, posée pour Anita. Je me fiais à Richard au début de la série… J'ai eu tort. Elle est plutôt une bonne amie, elle lui donne des conseils qu'il ne suit pas… Et pour être honnête, Jean-Claude a gagné mon cœur ! La vie d'Anita est devenue bien plus compliquée que je ne l'imaginais. La série a une vie qui lui est propre, et Anita aussi.

 

On peut se demander si Anita n’essaie pas de cacher une certaine faiblesse en étant cette femme forte et dominante par rapport à d’autres personnages, comme Jean-Claude par exemple.

 

Non c'est réellement une femme forte, mais la lassitude peut vous gagner au bout d’un moment. Aussi fort que vous soyez, vous avez besoin d'un endroit où vous pouvez être faible et baissez votre garde. Vous avez besoin d'une sorte de refuge. Anita commence juste, depuis quelques livres, à chercher ce refuge, quelqu'un en qui elle puisse avoir une réelle confiance car pendant une partie de la série elle s'est demandée quelles étaient les intentions de Jean-Claude, dont elle ignorait tout. Micah, Nathaniel et quelques uns des personnages les plus récents sont un peu plus transparents pour elle. (...) Mais peu importe le degré de magie chez cette personne, elle a besoin de quelqu’un pour être son partenaire et avec qui elle n’aurait pas besoin d'être sur ses gardes en permanence.

 

Est-ce que vous n'avez pas parfois le sentiment d'explorer le mythe de la Belle et la Bête ?

 

Qui serait la Belle et qui serait la Bête ? Je suis désolée, mais dans n'importe lequel des romans, si vous regardez Jean-Claude, il ne peut pas être la Bête. Alors, est-ce que ça fait d'elle la Bête ?

 

C'est une idée assez terrifiante pour le lecteur, de devoir s'identifier à Anita si elle est une Bête, une sorte de monstre...

 

Elle se voit en quelque sorte comme telle au fur et à mesure que la série progresse, elle perd son humanité. Pour quelques personnes, quelques fans, Jean-Claude est effectivement la Bête : ils ne lui font pas confiance, ils ne l'aiment pas. Mais vous ne pouvez pas vous arrêter à cette définition, parce que tout est beauté en lui. Maintenant, ce qui est en dessous, au plus profond... Il garde des secrets, même pour moi. Il ne me parle pas beaucoup, contrairement à Anita. En ce qui la concerne, à un tel niveau de violence, oui, elle commence à se remettre en question. Je m'en suis rendu compte chez des amis et des gens que j'ai interrogé - pas au même niveau de violence qu'Anita, bien sûr, aucune personne réelle ne pourrait être ce genre de tueur sans finir en prison ou devenir fou ! Mais chez des gens qui font face à un certain niveau de violence dans leur travail, ça peut faire des ravages.

 

L'érotisme et l’horreur sont indissociables dans la série Anita Blake. Est-ce que vous avez le sentiment qu'ils sont complémentaires ?

 

Quand j'ai commencé la série, et que j'ai voulu la publier, personne n'en voulait. Parce qu'à l'époque, ils n’étaient pas emballés par le mélange des genres avec des vampires. Le premier roman a reçu près de deux cent refus… (…) Ils disaient qu’ils avaient un problème avec le caractère violent du contenu. Une éditrice de l’une des principales maisons d'édition de mystère des Etats-Unis m’a dit qu’elle adorait mes romans mais qu’elle ne serait pas capable de le publier, même s’ils contenaient du mystère, à cause du niveau de violence et à cause du niveau de sexe, parce qu’il s’agissait d’un personnage féminin… Il y avait toujours ce double standard qu’ils ne pourraient pas publier en dehors du genre horrifique. Le genre horrifique est le seul genre, si vous regardez dans l’ensemble, qui « autorise » le contenu violent et le contenu sexuel, cependant, dans la majorité des romans d'horreur, d'horreur pure, le sexe est toujours puni… Vous en arrivez au sexe, et des choses terribles se produisent… Dans mes romans, le sexe est une bonne chose, et c’est souvent le point culminant de votre journée – ce qui doit être le cas ! En mélangeant les genres, je suis parvenue à obtenir du sexe agréable et joyeux, du romantisme, la violence que l’on trouve dans l’horreur, les éléments mystérieux du mystère. Est-ce que l’horreur et le sexe sont complémentaires, oui, mais si vous lisez la plupart des romans d’horreur, le sexe est puni et je pense qu’Anita est suffisamment punie en faisant le travail qu’elle fait, donc elle doit en profiter !

 

Il y a eu des rumeurs, officielles ou non, quant à une adaptation au cinéma. Est-ce que vous pouvez nous dire quelques mots à ce sujet ?

 

En réalité, je suis en train de me retirer du contrat. Il y en avait un, et il est allé assez loin pour qu’on en vienne à regarder des photos d’actrices et à parler de combien tels effets spéciaux coûteraient. J’ai beaucoup appris mais au final je ne suis pas mécontente parce que je préfère attendre et obtenir le film qui me plaise, et qui plaise aux fans aussi, plutôt que de bousculer les choses et que ça ne plaise à personne. Un des plus gros défis réside dans le fait qu’un de mes romans, sans parler de la série dans son intégralité, fait entre six cent et huit cent pages. Ok, on enlèverait quelques pages. Un script a un format de cent vingt pages : il faudrait laisser tomber énormément de choses. (…) Je suis contente de ne pas avoir franchi le pas, au-delà de simplement prendre la température du projet, et je préfère retourner travailler sur les livres, attendre de voir ce qui arrivera par la suite, plutôt que d’avoir quelque chose de médiocre.

 

 

Est-ce que vous avez d'autres projets à côté de la série Anita Blake ?

 

Je ne pense pas qu’on puisse parler de la série Merry Gentry comme un projet subsidiaire, puisque c’est une série à part entière. Cette année, je vais me consacrer sur le prochain Anita Blake [N.D.L.R. : le vingtième de la série, aux Etats-Unis] plutôt que Merry Gentry, parce que je ne peux pas respecter les plannings. C’est beaucoup de travail. J’ai une idée pour un roman graphique indépendant. Nous avons franchi une première étape avec mon mari en travaillant sur la préquelle de Plaisirs coupables, qui est sous forme de roman graphique plutôt qu’un roman, et comme je trouve que c’était une bonne idée pour Anita, et que les gens voudraient en savoir plus sur le passé de Jean-Claude, Asher et Julianna, j’ai dans l’idée de livrer l’histoire sous forme de roman graphique également. Dans les idées du même genre, les fans voudraient que Edward ait ses propres aventures, et je pense que c’est réalisable en roman graphique, mais pas en roman. Parce que Edward ne me parle pas directement… A travers les images, dans un roman graphique, les images prennent le pas et le lecteur peut combler les blancs en imaginant ce qu’il pense. Donc nous travaillons sur des romans graphiques, en particulier les adaptations des premiers romans, et j’ai bien sûr des idées pour d’autres séries mais je travaille sur tellement de séries que je n’ai simplement pas le temps ! J’essaie de profiter de mon succès, et pas seulement de travailler. Nous allons prendre quelques jours pour voir Paris, parce qu’il n’est pas question que je vienne à Paris et que je ne voie rien – non pas que votre compagnie m’ennuie ! Mais je veux voir la ville.

 

Un dernier mot que vous souhaiteriez adresser aux fans ?

 

Bonjour ! Merci de me faire me sentir la bienvenue ici, les fans français ont vraiment été merveilleux, et nous avons passé un agréable moment ici en France. Quelques personnes m’ont demandé si les français n’étaient pas trop durs, et j’ai répondu que non, tout le monde a été très gentil ! Ils m’ont dit que j’étais chanceuse, et j’ai répondu : comment ça j’ai été chanceuse ? Tout le monde a été charmant, et la principale raison est que j’essaie de parler le peu de français que je connaisse (et je m’excuse de ma prononciation), mais je fais le plus d’efforts possibles et parfois c’est suffisant. Les fans étaient très nombreux, et ils étaient tellement excités, de me voir et de parler de mes livres… Ils disent ce qu’ils peuvent dire en anglais et ils maîtrisent souvent mieux l’anglais que je ne maîtrise le français ! Ils ont été très patients avec moi, et c’était simplement formidable.

 

 

A propos de cette interview :

 

- Site de l'auteur : http://www.laurellkhamilton.org/

- Chronique d'"Anita Blake 1 : Plaisirs Coupables"

- Chronique d'"Anita Blake 2 : Le Cadavre Rieur"

- Chronique d'"Anita Blake 3 : Le Cirque des Damnés"

- Chronique d'"Anita Blake 4 : Lunatic Café"

- Chronique d'"Anita Blake 5 : Le Squelette Sanglant"

- Chronique d'"Anita Blake 6 : Mortelle Séduction"

- Chronique d'"Anita Blake 7 : Offrande Brulée"