Loterie, La
Titre original: The Lottery
Genre: Horreur , Recueils de nouvelles
Année: 1949
Pays d'origine: Etats-Unis
Editeur: Pocket
Collection: Terreur
Auteur: Shirley Jackson
 

Ce qui marche avec un roman ne marche pas forcement sur la nouvelle. En lisant, il y a peu, Nous avons toujours habité le château j'ai découvert une oeuvre pesante, belle, psychologique et une grande plume. Shirley Jackson distillait lentement un poison qui prenait, paralysait le lecteur jusque-là la fin du roman, et ce sans élément fantastique, ni d'événements grand guignolesques. Mais ce qui était efficace avec le roman perd un peu de sa magie avec ces vingt nouvelles. La patte Jackson est immédiatement reconnaissable : des histoires de femmes, très psychologiques, et une écriture lente qui parfois se déploie avec brio et qui parfois ennuie, il faut bien le reconnaître.
L'auteure part souvent d'éléments simples : un voyage à New York nous plonge par exemple dans l'esprit d'une femme, de ses angoisses, de ses peurs ou alors une dent malade, un peu de fièvre et nous voilà projetés dans un monde à la limite kafkaïen, un délire où se mélangent la peur et l'horreur. Des femmes, toujours des femmes, tantôt belles et fortes, un peu vieilles filles comme dans Le Pantin où, dans un restaurant huppé, une femme est capable de se lever pour aller gifler une marionnette grossière, réflexion sur l'éducation, la place des femmes dans la société. Des femmes qui rêvent, des femmes qui souffrent. C'est toute la force de Shirley Jackson que de mener avec sa plume une analyse précise de la société et de la féminité.

L'auteure aime les livres, aime les auteures telles que les soeurs Brontê et Jane Austen, qu'elle cite avec intelligence dans la nouvelle Les Sept types d'ambiguïté. Cette nouvelle, géniale, montre un couple qui a travaillé toute sa vie mais qui n'a jamais pu lire du fait de leur travail. En face d'eux, un jeune homme, qui ne peut s'acheter de livres car il ne travaille pas mais traîne toute la journée dans une librairie devant les ouvrages qu'il ne pourra jamais se payer. Conclusion, le couple qui a travaillé pourra se payer tous les ouvrages et les emporter chez eux. Le jeune ne pourra plus les lire. Je vous laisse réfléchir à cette "parabole". Jackson, un brin vieux jeu ? Sans doute... Mais tellement attachante aussi.
Jackson utilise sa plume comme pas deux pour lutter, pour dénoncer, pour décrire des situations hors normes. Et comme dans Nous avons toujours habité le château, elle ne joue pas sur l'élément fantastique mais sur de la pure psychologie, en utilisant les peurs, les craintes que nous pouvons tous connaître, en les plaçant dans un quotidien qui pourrait être le nôtre. Alors on s'identifie aux personnages, on marche avec eux dans ces villes qui se transforment, on rêve avec ces jeunes femmes d'amour et d'aventures etc...
Lire Shirley Jackson est une expérience à part, que je ne peux que recommander. Maintenant, comme je le disais précédemment, toutes les nouvelles de ce recueil ne sont pas fabuleuses. Certaines sont même incompréhensibles (du moins pour moi...) et d'autres étrangement très classiques, comme Charles véritable leçon d'écriture pour qui voudrait se lancer dans la composition d'une nouvelle, structure basique et chute fatale, mais un brin trop prévisible. Beaucoup trop prévisible. Et d'autres nouvelles, au contraire, reprenant la structure de Nous avons toujours habité le château, ne semblent pas avoir de fin et l'on ne sait pas très bien où veut en venir l'auteur.
Mais l'écriture de Shirley Jackson dépasse le simple cadre du fantastique, elle va bien plus loin, se jouant des étiquettes et des frontières pour nous entraîner dans un monde qui lui est bien personnel et que l'on découvre toujours avec grand plaisir.
Pour conclure, je ne finirais pas sur l'excellente nouvelle qui donne son titre à l'ouvrage, nouvelle qui d'ailleurs aurait pu inspirer H G Lewis et ses 2000 Maniacs, mais plutôt sur l'écrit intitulé Jardin Fleuri. Je conseille à tout le monde de lire cette nouvelle, où comment une jeune femme et son fils sont mis au banc de tout un village parce que leur jardin le plus beau et le plus fleuri est entretenu par un noir. Une nouvelle touchante, triste à pleurer, virulent plaidoyer contre le racisme, nous montrant que ce genre de haine, absurde et intolérable, n'est pas que l'apanage des hommes mais aussi des femmes. Une nouvelle à l'humanisme poignant, engagé ou quand la plume de Shirley Jackson devient une arme.
Voilà le recueil de nouvelles de l'une des plus grandes dames de la littérature.

Note : 8,5/10

Le Cimmerien

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