A la surface de la terre, vierge de tout être humain, c'est la dance naturelle de la vie. Une petite bête mange une libellule puis est mangée par un oiseau qui lui-même est mangé par une autre créature plus grosse. En dessous, sous terre, des êtres humains s'éveillent, péniblement, dans la souffrance, certains même n'arriveront pas à sortir assez tôt de leur scaphandre réfrigérant et mourront avant d'avoir vu la vie...
Pour les autres, aussitôt nés, il leur faut affronter le dehors et ses créatures étranges, gigantesques et surtout il leur faut apprendre, tout... Nous sommes aux premiers temps de l'humanité, mais quelle humanité? Est-ce que l'homme a régressé? Est-il le produit d'une expérience? Peu à peu le groupe s'organise, il y a le chef, qui prend naturellement la tête du groupe, il y a le chasseur, le poète, et tous trouvent naturellement leur place dans ce nouveau monde, ou ancien... Au début on est un peu perdu, déstabilisé, on se croirait dans le roman de Rosny Aîné : "La Guerre du Feu". Mais bientôt on comprend très vite que les intentions de Jean-Pierre Andrevon sont toutes autres, plus métaphysiques, plus engagées et qu'il nous livre ici un très bel hymne à la vie et à l'Homme!
Ainsi, en quelques trois cent pages, l'auteur nous dresse tous les fondamentaux de la vie, l'apprentissage pour se nourrir, la découverte de l'amour et du sexe, la confrontation à la mort entre autres. Le style est sublime et certains passages sont à lire et à relire, comme cette première approche de la mort et la création des rites funéraires. Non, ce n'est pas poétique, c'est cru comme assez souvent chez Jean-Pierre Andrevon et l'on n'enterre pas les morts car ils vont dans un autre monde, non, on les enterre au contraire pour que les charognards ne les dévorent pas et pour que l'odeur ne nous gène pas... Peu à peu les hommes mettent des mots sur ce qui les entoure, des souvenirs refont surface, sans que l'on sache d’où ils viennent. Et se pose alors la question du "qu'est ce que l'on fait là"? Est-ce un accident comme les premières naissances dans le livre? Ou bien quelqu'un a décidé de nous mettre là? Plus que le suspens, et je dois même avouer à ce niveau que la fin est entendue, "La trace des rêves" est avant tout une sublime fresque sur la vie à la portée philosophique énorme et qui nous rend tout petits par rapport à tout le chemin parcouru avant nous par les Hommes et l'on se rend compte alors qu'au final nous ne sommes que le résultat d'un long processus commencé des milliards d'années avant nous... Il y a de quoi vous donner le tournis et, même s'il ne s'agit pas là du meilleur livre de Jean-Pierre Andrevon, surtout du à ce final un peu trop facile à mon goût encore une fois, reste que l'on retrouve ici la patte de l'auteur qui sait rendre touchante et intéressante cette histoire avant tout philosophique, écrite sans emphase et avec brio!
"La Trace des Rêves" est un roman un peu particulier (comme la plupart des romans d'Andrevon d'ailleurs) qui ne parlera peut-être pas à l'amateur d'action pure, de space op' et de grands combats intergalactiques. Non, il faut lire ce roman comme une grande allégorie, une grande métaphore de l'évolution humaine, avec tout ce que cela implique de bon et de mauvais, et croyez moi du mauvais il y en a chez les hommes ! La structure du roman est particulièrement intéressante, bâtie comme une symphonie avec son ouverture fournissant les thèmes qui sont peu à peu développés jusqu'au final. Jean-Pierre Andrevon fait preuve d'une intelligence absolument superbe et sait rendre un livre qui aurait pu être fastidieux tout simplement passionnant. Peut-être pas le meilleur roman de Jean-Pierre Andrevon mais suivre la trace des rêves c'est être remis à sa place. Ecrit dans les années 80 ce roman est encore d'actualité et c'est pour moi la marque d'une grande œuvre de SF.
Note : 8/10
Le Cimmerien
A propos de ce livre :
- Site de l'auteur : http://jp.andrevon.com/
- Site de l'éditeur : http://www.jailu.com/
