Il y a peu débarquait en France une nouvelle maison d'édition : Orbit. Alors en fait elle n'est pas si neuve que cela: cette maison d'édition, crée en 1974 en Angleterre, y a publié certains grands noms de la SF, mais aussi quelques jeunes pousses de la fantasy et de nombreux autres auteurs. En 2007, elle s'attaque au marché américain pour débarquer un an plus tard en France, et cela pour notre plus grand plaisir! Il y a peu, ici même, mon collègue et ami Stegg, vous parlait de deux des premiers titres publiés sur le territoire français par le label : "Elantris 1 - Chute" et "Elantris 2 - Rédemption". A mon tour aujourd'hui donc de vous parler d'une de leurs productions : "La nuit sans fin", un livre complètement hallucinant et complètement barré! Mark Chadbourn, auteur que je ne connaissais absolument pas, nous propose ici un récit bigarré, qui plaira autant aux amateurs de fantastique qu'aux amateurs d'Urban Fantasy et à tous ceux qui aiment la légende Arthurienne, les récits épiques issus des légendes celtes ou tout simplement les bons thrillers bourrés d'action et de mystère. Le tout est saupoudré de théories new age, wicca, païennes et autres joyeusetés. La nuit sans fin est l'un des seuls romans de fantasy que j'ai lu avec un crayon à la main, pour noter tout ce qui s'y trouve en matière de découvertes historiques ou même, et c'est là le point fort du roman, en matière de spiritualité. Le mot peut faire peur, mais ce craignez rien, le roman est un vrai bijou, un moment rare de plaisir et pour moi une superbe découverte !
L'histoire commence à Londres, plus exactement sous le pont bien nommé le London Bridge, célèbre pont qui enjambe la Tamise. Jack Churchill, depuis le suicide de sa bien aimée, ne trouve plus le repos nulle part, il ne dort plus et sa vie est bien fade et triste. C'est la déprime. Une de ces nuits d'insomnie, il décide de sortir se perdre dans les rues de Londres. Un être à la dérive. Mais voilà , ce qu'il va voir sous ce pont va changer sa vie à jamais. Une scène presque banale : un homme qui se fait agresser. Mais voilà , et c'est le détail qui tue, il se fait agresser par une étrange créature, qui certes à une forme humaine mais qui n'en a que la forme. Un nouveau monde s'ouvre à lui qui pourrait bien détruire l'ancien monde, celui de tous les jours... Il n'est pas seul à voir cette atroce agression, une femme aussi, Ruth Gallagher, avocate qui vient de se disputer pour la énième fois avec son amoureux. Une femme bien posée dans sa vie, sans enfant, avec un couple qui bat de l'aile, pas mariée, pleine de suffisance et qui peut être fière de sa réussite sociale. Mais elle va bientôt découvrir que cette vie là n'est pas une vie et que bientôt tout disparaîtra. Ce n'est que le début d'une aventure formidable qui va les conduire vers l'autre monde, vers des temps anciens qu'eux-mêmes ne connaissaient pas... Ils vont faire la connaissance d'autres personnages, dont Tom, un vieil hippie étrange qui va leur expliquer qu'il n'y a pas de hasard et qu'ils sont été choisis pour une tâche bien précise: empêcher le retour des Fomorii, des créatures hideuses et violentes, représentation du chaos et de la destruction, qui ont pour but de détruire ce monde et de faire régner Balor, le cyclope et le dieu de la mort chez les Celtes, un puissant dieu. Oui, les âges anciens sont de retours et avec eux des hordes de monstres, la grande chasse va bientôt poursuivre Jack et Ruth bientôt rejoints par d'autres personnages formant ainsi une guilde qui doit réveiller les Tuatha dé Danam qui sauveront notre monde ou du moins ce qui vaut la peine d'être sauvé...
Alors vu comme cela, le roman peut paraître assez simpliste. Et sur un premier degré de lecture, il l'est ! Et tant mieux. Tout d'abord, Mark Chadbourn a un don exceptionnel : il ne crée pas des personnages, il crée des êtres vivants, ils sont là devant nous, pas des héros mais des humains, avec leurs forces, leurs faiblesses, avec le petit détail "qui fait que", le moment du passé qui nous fait comprendre pourquoi ils sont comme ça... C'est époustouflant, on ne lit pas des actions, des dialogues, on les voit! C'est sidérant! Un style simple et efficace. Ce qui m'amène au second point fort de l'écriture de Chadbourn : l'action! Le livre en regorge, elle arrive à chaque fois au bon moment comme une mécanique bien huilée (c'est d'ailleurs le seul reproche que je ferais au roman...) et sur une rythmique implacable. Comme dans une chanson bien faite, avec ses refrains et ses couplets, très bien écrite, des scènes d'une limpidité quasi cinématographique, un montage implacable et toujours dans des lieux superbes que les amateurs de légendes apprécieront tel que Stonehenge par exemple, haut lieu du mysticisme celte!
Et c'est là le troisième point fort du roman, et non pas des moindres: il est plus que passionnant, il est philosophique, légendaire, mystique et subliment exploité par Chadbourn, il nous fait revivre les grandes légendes, les grandes épopées et les grands fondements de la "religion" (je souligne les guillemets) celte! En fait on est plongé avec nos personnages dans une sorte de maelstrom "new age celte" (et rien de péjoratif dans le terme) et avec eux on va vivre plus que des aventures à ce niveau de lecture, mais une véritable révélation, une illumination, en côtoyant la magie, les gardiens des ossements, les pierres ancestrales et autres reliques telles que la lance de Lugh! Nos personnages ont pour la plupart les pieds bien sur terre. Laura par exemple est une accro des nouvelles technologies et bientôt avec l'apparition des Fomorii et autres créatures démoniaques, tout cela ne va plus fonctionner. A elle de se rendre compte combien tout ça est futile au final, combien nos vies valent plus que toutes ces choses qui nous entourent! Nous vivons des vies étriquées, linéaires, le fameux métro, boulot, dodo. Nous vivons empêtrés dans des problèmes, parfois difficiles. Les villes (plus de la moitié de l'humanité vie en mégalopole!) sont de plus en plus grandes et avec elle les cités grandissent, quand ce n'est pas les bidonvilles, la pollution (celle de l'air, mais aussi sonore, la lumière et tout un tas d'autre que les médias taisent...) et cette soi-disant vie en tue d'autres... Comme les personnages de Mark Chadbourn nous sommes ces vies, des gens qui visitent les vielles pierres sans se soucier de ce qu'elles nous disent, nous sommes ces gens vivants enfermés dans le béton et ayant oublié l'héritage du passé, cette magie qui ne vit que dans la nature. Nous sommes ces êtres qui parlons de bio et d'écologie (puisqu'il parait que c'est à la mode) sans pouvoir renouer le lien avec ce qui fait que nous sommes des hommes, c'est-à -dire la magie de la nature, la magie des vieux sites, ceux là même que la chrétienté elle-même nous a caché depuis des siècles. La plupart d'entre nous, quand nous visitons Stonehenge, nous n'y voyons qu'un lieu historique, mais quand Ruth et les autres s'y reposent par une nuit étoilée, ils voient enfin la magie de la terre!
Ce qui est hallucinant c'est que quand Mark Chadbourn nous parle de cela, il ne nous en parle pas d'une façon didactique, ou fleur bleu, non, c'est bien plus intelligent que ça, bien plus malin. Il faut le lire pour le croire. Clairement, en lisant ce livre, j'ai pris une véritable claque et en même temps j'ai été comme confirmé dans mes croyances personnelles. C'est vous dire combien cette nuit sans fin est un roman grandiose et combien on est scotché à la lecture de ces pages émouvantes, remplies d'action aussi et pleines de révélations autant mystiques (j'ai adoré par exemple le passage sur les lignes de forces terrestres) et aussi quand même historiques. Vous en apprendrez beaucoup sur les Celtes! Mais le plus important peut-être, c'est de comprendre combien nous avons oublié "des choses" en cours de route et qu'il ne sert à rien d'attendre la fin de la dormition d'Arthur pour agir, il faut agir avant que le chaos n'arrive, avant que tout ne soit allé trop loin...Et malgré tout cela, "La nuit sans fin" reste avant tout un énorme livre d'Urban Fantasy, bourré d'action et de mystère avec des personnages très attachants qui devront combattre des créatures venues du fond des âges et qui a coup sûr devrait vous ravir et vous apprendre beaucoup de choses. Pour moi, au risque de me répéter, ça été une véritable claque et si toute la production Orbit et de cette teneur alors là je dis chapeau bas!!
Mark Chadbourn n'est pas un grand faiseur de style, c'est un grand faiseur d'histoire, un peu philosophe quand même et qui j'espère vous donnera l'envie d'aller "plus loin" dans votre vie... Une bouffée d'air, une porte vers l'ailleurs, cette ailleurs que nous avons un peu perdu de vue. En refermant le livre j'étais rempli de questions, pour parler crument, ça débordait. Je l'ai lu au cœur de l'automne dans mes trajets en métro et la question principale que je me suis posée était la suivante : qu'ai-je vu de cet automne? Un arbre, un seul, cloué dans le bitume sur un mur gris, et derrière le mur encore un mur... Grâce à Mark Chadbourn j'ai vu un peu de l'automne, j'ai gouté un bout de ce plaisir simple qui se perd peu à peu, celui de la terre qui s'endort, un petit bout de magie simple que jamais aucune nouvelle technologie, philosophie ou religion n'égalera. Plus qu'un roman, un grand livre et j'attends la suite avec impatience!
Note : 10/10
Le Cimmerien
A propos de ce livre :
- Site de l'auteur : http://www.myspace.com/markchadbourn
- Site de l'éditeur : http://www.orbitbooks.fr/