Seigneur de Samarcande, Le
Genre: Heroic Fantasy , Recueils de nouvelles , Fantasy Historique , Classiques
Année: 2009
Pays d'origine: Etats-Unis
Editeur: Bragelonne
Auteur: Robert E Howard
Traducteur:
Patrice Louinet
Illustrateur: Stephane Collignon
 

Avant d'être fan d'Howard, je suis fan de Conan, Le Cimmerien. Je veux dire par là que mis à part quelques textes glanés de-ci de-là, je n'avais lu jusqu'alors que très peu de textes de Howard autres que ceux écrits sur le roi barbare. Mais grâce à Bragelonne c'est chose réparée, et grâce aux superbes anthologies éditées sous la coupe de Patrice Louinet, le spécialiste français, on peut maintenant se régaler de ce qui est un véritable maître étalon pour la fantasy! Enfin, plus que de la fantasy puisque les écrits de Howard vont bien plus loin que ça et preuve en est ici avec "le seigneur de Samarcande" qui nous propose un ensemble de nouvelles dites historiques, bien qu'évidement admirablement écrites et qui ont un souffle épique, violent et barbare inégalable et à mon avis inégalé en ce jour. "Le seigneur de Samarcande" ou quand la nouvelle historique rejoint la fantasy barbare à la Conan! Un must!

Howard doit beaucoup à un homme : Farnsworth Wright. En effet ce dernier, rédacteur en chef de Weird Tales, la plus importante revue Pulp des années trente, permet aux textes de l'auteur texan de voir le jour. Alors lorsque dans les années Wright met en place une revue intitulée Oriental Stories, revue qui veut avant tout proposer des récits historiques, il se tourne vers l'un de ses auteurs fétiches : Howard! Wright le sait, Howard est un passionné d'histoire, celte bien évidement comme on peut en trouver des réminiscences dans la plupart de ses œuvres de fantasy, Conan en tête, mais pas uniquement. Howard se lance alors dans l'écriture de récits qui ont pour la plupart comme décor les croisades et les déserts entourant Jérusalem. En se lançant dans cette aventure il crée à partir d'événements historiques un monde sombre, violent et décadent. Il va m'être difficile de parler ici de toutes les nouvelles mais, vous pouvez me croire, elles sont toutes fantastiques, génialissimes, et certaines constantes restent d'un écrit à l'autre et surtout certains textes s'avèrent à mon avis dans les plus importants qu'il ait été jamais écrit en matière de fantasy historique, bien que le terme fantasy soit ici un brin peu exact. En effet, dans les écrits dit orientaux d'Howard, pas de monstres, pas de divinités sanguinaires, non, un décor qui se veut le plus réaliste possible, bien que les historiens trouveraient à redire sur ce point, et des hommes, des vrais, puant la sueur sous leurs armures, prenant et donnant des coups, marchant dans des bains de sang, comme en témoigne la description de la chute de Jérusalem dans la nouvelle "La route d'Azraël". Etrange histoire d'ailleurs que le destin de cette nouvelle qui fut refusée puis retrouvée dans les "brouillons" d'Howard dans les années 1970! Une histoire pas si banale, un peu particulière au sein de ce recueil car écrite à la première personne et contemporaine de la création de Conan. Toujours est-il que bien que ce récit soit particulier dans son style, on retrouve ici tout ce qui fait l'attrait des récits orientaux de Howard, toutes leurs caractéristiques.
Tout d'abord, comme je le disais précédemment, Howard choisit une période bien particulière, non pas une période faste des croisades, non, plutôt la période où tout commence à s'écrouler, où les royaumes se divisent, où les clans et les alliances se font et se défont au gré des vents du désert. C'est bien sûr pour l'auteur le moyen de nous offrir de superbes pages remplies de rebondissements où les traîtres se découvrent au dernier moment, où les batailles font rage mais c'est aussi le moyen pour Howard de continuer ce qu'il a toujours voulu dire : rien ne dure, seule la barbarie vaincra, seul un état plus naturel pourra apparaître au final! Attention la barbarie n'est pas à prendre d'un point de vue négatif, mais comme un retour naturel aux choses.
Prenons les personnages principaux de ces nouvelles. Commençons par le début. Avant d'aller plus loin je voudrais aussi faire remarquer que le travail d'Howard évolue et que plus vous avancerez dans le recueil et plus vous aimerez ces nouvelles, plus vous sentirez la plume de l'auteur s'affirmer et grandir devant vos yeux. C'est fascinant!
L'une des premières nouvelles donc se plaçant dans le contexte oriental est "Les épées rouges de Cathay la noire". Comme dans tous les autres récits, le héros principal est un franc, ou du moins un personnage qui vient du Frankistan. C'est un homme fort, trahi, qui va s'amouracher d'une femme, une très belle arabe, ce qui va le conduire sur le sentier de la guerre, ou du moins d'une autre guerre qui le conduira à affronter Gendis kan lui-même! Certains trouvent ce récit un brin limite du fait surtout de sa pseudo historicité. C'est peut-être vrai mais le cadre est là quand même et le reste n'est que détail. Ce qu'il faut surtout retenir de ce récit c'est la force qu'il y a à décrire une bataille digne de 300, un récit inspiré de la bataille des Thermopyles, une bataille en marge des grandes batailles qui ont déjà eu lieu, une bataille où la sauvagerie prime avec un héros qui n'est pas sans rappeler Conan. A partir de là d'autre héros vont suivre et les nouvelles vont devenir plus que de simples batailles même si le côté barbare sera toujours présent…
Les noms des personnages de ces nouvelles orientales sont Cormac Fitzgeoffrey, John Norwald, Gottfried Von Kalmbach et se sont pour la plus part des anciens croisés, un brin désabusés, abandonnés ou éloignés de leurs armées et de leurs pays, des héros solitaires certes mais qui vont souvent être embarqués dans des aventures soit pour une femme, soit par trahison. Ainsi le premier héros, Cormac, dans "Les faucons d'Outremer" se retrouve à rencontrer Saladin lui-même (le grand chef des musulmans pour faire simple) dans le but de sauver une femme! Mais la nouvelle n'est pas la meilleure d'Howard…
Heureusement on retrouve Cormac dans une autre nouvelle, bien meilleure, et pour moi une de celles que je préfère dans ce recueil : "Le sang de Belshazzar". Cormac arrive dans un château isolé, je vous passe les descriptions absolument sublimes d'Howard et l'ambiance qu'il arrive à créer en quelques pages, et bientôt un crime va être commis. Il va falloir la jouer fine pour rester en vie… Passionnant, entre polar et aventures, des scènes absolument géniales et surtout des personnages comme toujours! Il n'y a qu'Howard pour écrire des nouvelles de cette trempe, avec une plume inégalable et qui nous plonge dans un univers absolument fantastique !
Dans "Les Cavaliers de la tempête" Howard passe un cran au-dessus avec une nouvelle crépusculaire, apocalyptique et violente, où la vie se joue autant au fil du glaive qu'avec l'intelligence. On assiste tout simplement à des scènes de batailles et de sièges absolument grandioses, dignes des plus grands films Hollywoodiens! C'est sanglant et plein de rebondissements, c'est du Howard pur jus avec des héros sans foi ni loi. Un classique pour moi!
Vient ensuite la nouvelle qui donne son nom au recueil, classique parmi les classiques, là encore une histoire d'hommes et de femmes dans ces terres hostiles, où l'amour est interdit et où les femmes ne sont que monnaie d'échange que l'on viole et que l'on séquestre. "Le seigneur de Samarcande", nouvelle qu'il a écrit juste avant la création de Conan, est une nouvelle là encore très sombre, violente mais qui n'oublie pas aussi les complots, les trahisons, les jeux de masque comme dans un carnaval macabre qui bien sûr se finit en bain de sang. Pour ma part c'est une nouvelle que j'apprécie mais sans non plus la porter aux nues. Certes elle est barbare dans le sens ou Howard l'entend mais du propre aveu de l'auteur qui lui aime beaucoup son écrit (forcement), c'est une histoire sans scénario et sans véritable héros. Et c'est vrai! A tel point que l'on pourrait la qualifier de nihiliste, où le bien et le mal sont absents et où tout le monde est un peu traître et bien sûr barbare!
Vous avez déjà là, avec ces premières nouvelles, touché du doigt le talent de Howard, un Howard qui n'est donc pas que l'auteur de Conan et heureusement ! Ici on est vraiment dans des récits qui font la part belle à la violence et à la guerre, avec des personnages tantôt sanguinaires tantôt désabusés, isolés dans un monde qui n'en finit pas de mourir. Il n'y a pas à mon sens un auteur qui ait fait aussi bien, mieux que Howard en matière d'épique, de grandes épopées dont on retrouve ici le souffle et la force. Certains passages sont d'une rare violence et certaines descriptions sont absolument sublimes. Si Howard avait vécu de nos jours, je crois qu'il aurait réalisé Kindgom of Heaven mais alors de quelle manière! A chaque nouvelle on est dedans, au cœur de l'action, on chevauche avec les personnages dans des lieux lointains et étranges, on revisite le temps des croisades et Howard nous livre ici ses nouvelles les plus abouties tant en matière de style que de personnages! Ce recueil a du coffre et Howard est incontestablement le maître de la fantasy barbare, héroïque, guerrière et historique (ou pseudo historique si vous êtes puristes)
Mais je ne peux pas vous laisser partir sans vous parler de la meilleure nouvelle de ce recueil et surement une des meilleures nouvelles de toutes celles écrites par Howard : "L'ombre du vautour". Nouvelle toute particulière puisque l'un des personnages principal est une femme et pas n'importe laquelle : Sonya la rouge, la fameuse Red Sonja selon les orthographes. Howard appelle donc cette rousse Sonya, fille d'un vizir en fait, et seule nouvelle qui parle donc de cette guerrière que l'on verra ressurgir plus tard, entre autre grâce aux comics sous le nom de Red Sonja! Mais il faut vous enlever de la tête l'image d'Épinal de la guerrière en string léopard. Alors certes Sonya la rousse est d'un tempérament explosif et a tout du mec, du vrai, mais on est quand loin de l'image du personnage qui nous vient généralement à l'esprit.
Alors que l'histoire commence aux confins de l'orient, la guerre est portée jusqu'en Autriche ou un siège terrible commence. Il faut voir cette femme manier la rapière ou bien jouer du canon ! A côté de Von Kalmbach, autre personnage détonant qui apparaît dans cette nouvelle époustouflante, elle forme un duo haut en couleur et ça boit, ça mange comme quatre, ça se bat et c'est un chef-d'œuvre, une nouvelle qui m'a marqué à vie tant donc pour ses personnages mais aussi par sa mise en scène formidable bourrée d'action et bien évidement admirablement écrite! Pas étonnant que le personnage ait ensuite connu un succès si populaire en l'occurrence surtout dû au talent de Roy Thomas et de Barry Windsor Smith qui ressusciteront le personnage des années plus tard grâce au comics et en feront ce que la plupart d'entre vous connaissent. Le personnage est presque aussi marquant que Conan et bien plus marquant que Solomon Kane! Tout simplement l'héroïc fantasy la plus pure, la plus forte qu'il m'ait été donné de lire!

Ecrire une chronique sur n'importe quel livre de Howard est un plaisir mais il y a aussi quelque chose de profondément frustrant. Je voudrais en dire plus, chaque nouvelles devrait être détaillée et ici on a onze nouvelles toute aussi sublimes les unes que les autres, magnifiques et rudement intelligentes, plus des tapuscrits, des résumés et des analyses faites par Patrice Louinet et des planches réalisées par Stéphane Colignon! Et il faudrait forcement en dire plus et peut être même passer une vie à lire et relire Howard! Le génie à l'état pur! Mais voilà, je ne peux pas non plus écrire une chronique de quinze mille pages (j'en serai d'ailleurs complètement incapable) et il faut que je vous laisse le plaisir de la découverte. Et croyez-moi, du plaisir, il y en a! Des aventures épatantes, des combats titanesques, des personnages fabuleux, on est proche tout simplement de la perfection. Ce "Seigneur de Samarcande" est un voyage absolument obligatoire dans un monde en déclin, dans un monde brutal et violent qui n'est pas si éloigné de celui de Conan. Bref, un monde barbare où les épées se dégainent dans la poussière des déserts et où le sang coule à flot. Par Crom c'est ça la vraie fantasy, c'est ça le chef-d'œuvre! Howard est le maître incontesté d'un genre, il est tout simplement l'auteur à lire absolument! Allez y foncez, plongez au cœur des grandes batailles, c'est absolument inouï!

 

Note : 10/10

 

Le Cimmerien

 

 

A propos de ce livre :

 

- Site de l'éditeur : http://www.bragelonne.fr/

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