Non, les américains n'ont pas l'apanage du Psycho Killer ! Preuve fût faite en 1995 avec ce second et palpitant thriller signé par un auteur français talentueux, Hubert Corbin, dont on peut finalement déplorer qu'il se fasse rare. Dès 1992, sa recette, si on peut l'appeler ainsi sans se montrer pour autant péjoratif, est posée. Son premier roman, "Weekend sauvage" frappait déjà fort avec quelques ingrédients que l'on retrouve ici.
Le docteur Kurnitz y lâchait des proies animales vivantes pour sustenter les fauves de son parc naturel au sein d'une petite ville de Californie. Une Californie que l'on retrouve dans ce second roman qui pourrait finalement se passer n'importe où dans le monde, et, si ce n'était la présence du FBI, notamment dans les dernières pages, on aurait bien du mal à le situer. Quant aux animaux sauvages, on peut les remplacer ici par les piranhas qu'élève notre Psycho Killer à la psyché tourmentée, et dont il se sert pour rogner les restes de ses pauvres victimes.
Un livre découpé en quatre parties quasiment égales, dont trois sont finalement consacrées aux victimes (Respectivement Kitty, Amy et Shirley), ce qui ne manque pas d'emporter avec une puissance évidente le spectateur dans une spirale poisseuse, une ambiance putride dans laquelle celui-ci se trouve tout compte fait, bien à l'aise. Des victimes dotées de corps aux allures de fillettes pas encore formées dont va se repaître notre tueur en série doté d'un chromosome X supplémentaire, ce qui lui confère une allure androgyne, cette dernière contrastant avec la violence de ses propres crises dont on pourra également le considérer comme victime.
De quoi retourne t-il exactement ? Une tête humaine est retrouvée dans une décharge publique, son identification pose d'énormes problèmes vu le peu de lambeaux de chair restant soudés à ce reste de structure humaine. Le lieutenant Folkerson, assisté du lieutenant Ganton, se voit chargé de l'enquête. Très vite, il convoque les services d'un médecin légiste réputé, Marcus Mawbray, lequel se fera alors assister de la jeune Amy Burns. Celle-ci sort tout droit de l'institut des Beaux-Arts de Californie. Sa spécialité demeurant la sculpture, elle se voit confier la tâche ardue de modéliser le crâne afin qu'on puisse ensuite établir un portrait-robot, condition indispensable pour une première direction de l'enquête sur ce qui est, à n'en pas douter, un meurtre.
Des meurtres sauvages qui semblent se répéter d'autant que la jeune Amy paiera cher la jalousie d'un confrère de Marcus qui donnera, pour le coup, des informations aux journalistes, qui se révèleront fatales. Notre tueur en série tapi dans l'ombre, à la fois bourreau et victime, tombera alors par hasard dans une superette sur la Une d'un journal dévoilant quelques dessous de l'enquête. Des informations que nos légistes paieront peut-être "vie coûtante" ! Petit détail d'importance : Marcus Mawbray, aujourd'hui âgé d'une soixantaine d'années, a autrefois perdu sa fille dans des circonstances meurtrières. Pas étonnant donc que celui-ci prenne rapidement l'enquête à son compte pour en faire une affaire personnelle. Il devancera même dans ses déductions, la police ; mais je m'arrêterai là pour ne pas vous faire l'affront de trop en dévoiler.
Du roman au cinéma, il n'y a qu'un pas. Difficile de ne pas penser par moments, au "silence des agneaux", à "Seven" ou même encore, en plus classique, à "American Psycho". A savoir si Hubert Corbin s'inspire ici d'avantage et entre autres, du roman de Thomas Harris ou bien du film de Jonathan Demme, difficile de se prononcer. D'autant que Corbin, après avoir oeuvré dans le cinéma même, organise depuis 1984 à Montpellier, le Festival du cinéma méditerranéen. Toujours est-il que ce qui fait en partie la grande force de "Nécropsie", c'est une science du timing et du découpage qui n'est pas loin de faire ressembler son roman à un script de cinéma. De là, viennent se greffer des séances meurtrières d'un réalisme poisseux, pas loin d'être dérangeantes, même pour les lecteurs les plus éprouvés dont il me semble faire partie. Notre tueur éventre ses victimes vivantes, dans un rituel alambiqué, fait de frustrations sexuelles et de complexe d'Oedipe. Même la mère de notre sympathique dépeceur ne pourra pas être épargnée par son rejeton qui aime à ôter les organes sexuels de ses victimes pour se masturber ensuite dans des amas de chairs et de viscères.
L'une des grandes qualités du livre, et l'une des grandes différences avec ses modèles anglo-saxons, c'est le talent avec lequel Corbin parvient à insuffler une part d'humanité au tueur en série ; à plusieurs reprises, on se surprendra même à vouloir que celui-ci s'en sorte. Une situation finalement complexe pour le lecteur qui assiste aux mises à mort les plus dégueulasses qui soient (sans parler de l'âge des victimes, des jeunes filles prépubères qui seront bientôt aux yeux de l'assassin, inexorablement souillées). Dire que Corbin possède un style qui le démarque serait toutefois mentir, cependant, sa prose possède une autre grande qualité : celle d'aller à l'essentiel. Il n'y a pas une page ni une ligne de trop dans "Nécropsie" qui sait garder un rythme ténu de la première à la dernière page. Le type même du roman qu'on a du mal à lâcher lorsque l'on est appelé à d'autres tâches.
Véloce et puissant, violent et dérangeant, extrême en même temps qu'empli d'humanité, doté de personnages réalistes et crédibles, exempt des invraisemblances en général inhérentes au serial killer, "Nécropsie" est une incontestable réussite en son genre, en plus d'être une puissante autopsie de corps humains meurtris et d'animaux que l'on connaît finalement peu... les piranhas ! De là à dire que l'homme est un piranha pour l'homme, il n'y a qu'un Pygocentrus erectus pour une jeune fille en fleur que je n'oserai franchir ! Hubert Corbin, lui, ose et c'est parfait comme ça puisque son livre poisse jusqu'à nous coller aux os pour ne pas nous quitter de sitôt...
Note : 8/10
Mallox
A propos de ce livre :
- Site de l'éditeur : http://www.livredepoche.com/