Dame des MacEnnen, La

 

Editeur : Editions Glyphe

Collection : Imaginaires

Auteur : Armand Cabasson 

Date de sortie : 2008

Nbre de pages : 144

 

 

Lord Fauconberg commandait l'avant-garde des Yorkistes. On le vit lancer la majorité de ses troupes en avant. Des milliers d'archers, qui descendaient la pente, progressivement pour ne pas désorganiser leur formation, telle une lente avalanche. Les archers des deux autres lignes se joignaient à eux. Du côté lancastrien, on n'en croyait pas ses yeux ! L'ennemi, pourtant inférieur en nombre, abandonnait sa position dominante et osait venir défier celle de l'adversaire. Je voyais les visages s'illuminer, les lèvres bleuies par le froid laissaient échapper des ricanements ironiques, les meneurs s'adressaient des sourires... La bataille n'avait point commencé et, déjà, les Lancastriens criaient victoire. Ah, Fauconberg, tu seras dans mon chant ! Ma voix clamera qui tu étais et le clan n'oubliera jamais quel homme redoutable affronta Ingram MacEnnen ! Les soldats qui te manquaient, tu les remplaçais par des flocons...

Les deux lignes d'archers se retrouvèrent à portée de tir. Aussitôt, les volées se mirent à pleuvoir. Mais les Lancastriens étaient aveuglés par les flocons qu'ils recevaient dans les yeux et un violent vent contraire limitait la portée de leurs tirs. Les flèches touchaient peu les Yorkistes, tombant trop court ou avec trop peu de force pour percer systématiquement les brigandines et les tuniques matelassées. Sur les Lancastriens, en revanche... Les traits s'abattaient en sifflant, se fichant dans les poitrines, traversant les mains, crevant les yeux, perforant les gorges, faisant jaillir des gerbes écarlates des artères sectionnées, brisant les os... Les hommes tombaient de tous les côtés, en si grand nombre que le sol semblait trembler sous leurs pieds. Oui, seul un tremblement de terre les aurait renversés avec la même terrible efficacité. Les corps s'amoncelaient ; des flaques rouges imprégnaient la neige... Des brèches apparaissaient partout dans les lignes lancastriennes, s'étendaient, devenaient béantes, se changeaient en gouffre... Le vide les dévorait. Les archers yorkistes enchaînaient les volées meurtrières, vidant leurs carquois, ramassant les flèches ennemies tombées à leurs pieds et les retournant dans la gorge de leurs expéditeurs.

Ingram, à quoi pensais-tu tandis que tu assistais au massacre de ceux de ton camp ? La visière relevée, tu plissais les yeux, espérant que ton regard allait traverser la tempête pour tenter de voir si les Yorkistes subissaient le même carnage. Derrière l'écran de flocons, peut-être distinguais-tu la silhouette monstrueuse de leur armée.

L'évidence finit par s'imposer. Les flèches des Yorkistes tombaient toujours aussi nombreuses...

Ulcéré par ce massacre et se voyant contraint d'y mettre un terme, Henri Beaufort, le chef des forces lancastriennes (à qui Henri VI avait délégué le commandement, car il n'était pas homme de guerre et avait décidé de ne pas se rendre sur le champ de bataille), donna l'ordre aux rescapés de son avant-garde et au corps principal de se porter en avant pour affronter les Yorkistes au corps à corps.

Des milliers de combattants - archers, chevaliers démontés, gens d'armes, guisarmiers, hallebardiers, vougiers, piétons armés d'épées et de haches de bataille, mercenaires germains, suisses, français, irlandais ou écossais... - traversèrent les étendues de cadavres et pressèrent le pas, lançant des cris de guerre et agitant leurs armes. Une dernière volée les accueillit de plein fouet, claquant contre les cuirasses, puis les archers yorkistes se replièrent, tandis que leurs propres troupes rompues au corps à corps marchaient à la rencontre de leurs adversaires. Les Yorkistes avaient obtenu ce qu'ils voulaient : les Lancastriens abandonnaient leur position défensive sur les hauteurs.

Ingram MacEnnen et les siens se trouvaient maintenant dans les premiers rangs. Il avançait avec courage, comme ses ancêtres avant lui. En cet instant, il était encore semblable à eux et à tant d'autres hommes... Mais, sous peu, il allait révéler une facette de lui-même qu'il ignorait peut-être, d'ailleurs. Cette facette que j'avais entrevue quelque temps plus tôt et dont j'avais déjà décidé qu'elle constituerait le point d'orgue de la partie de mon chant consacrée à cette bataille.

Avance, avance plus vite...

 

A propos de ce livre :

 

- Chronique du livre "La Dame des MacEnnen"

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(Copyright éditions Glyphe / Armand Cabasson, extrait diffusé avec l'autorisation de l'éditeur)