De Notre Sang

Editeur : Éditions du Petit Caveau

Collection : Sang d'âme 

Auteur : Adeline Debreuve-Theresette 

Date de sortie : 15 septembre 2009

Nbre de pages : 156

 

 

 

 

Malgré sa quasi-cécité, Madame de Germont avait d'étonnantes capacités quand elle jugeait que la situation valait la peine de les mettre à profit. Elle pouvait déployer des ressources insoupçonnées, surtout lorsqu'il s'agissait d'une affaire qui lui tenait particulièrement à cœur.

Aujourd'hui, elle semblait avoir miraculeusement recouvré l'usage de ses jambes. Elle avait ainsi pu se précipiter au dehors de l'appartement, monter elle-même dans la voiture et indiquer au cocher la direction à suivre.

La voiture roulait à vive allure. La vieille n'avait pas dit un mot à Marie sur l'endroit où elle la conduisait, ni sur la personne qu'elle devait lui faire rencontrer.

La jeune femme sentait qu'elle en avait trop dit, qu'elle aurait mieux fait de garder tout cela pour elle... Elle avait redouté ce genre de réaction et s'était jusqu'à présent tue pour cette raison. Elle fut même tentée de dire à sa maîtresse qu'elle avait tout inventé pour ne pas avoir à avouer qu'elle voyait un homme en cachette… Et si son employée l'emmenait dans un asile ?

Le trajet fut court. La voiture s'arrêta après quelques minutes. La vieille dame descendit, suivie de sa demoiselle de compagnie, qui leva la tête et fut surprise de découvrir un paysage familier : l'église Saint Jean-Baptiste, où Madame de Germont se rendait régulièrement. Voilà... La vieille la prenait pour une démente et voulait certainement la faire exorciser...

Marie, craintive à l'idée du sort que pourrait lui réserver un homme d'église, recula d'un pas, mais fut retenue par une poigne de fer, dont elle ignorait sa maîtresse capable.

- N'ayez pas peur, jeune fille. Vous n'avez rien à craindre.

Son ton était ferme et n'avait rien de rassurant.

- Suivez-moi, ordonna-t-elle.

Elles pénétrèrent dans le bâtiment par une petite porte située sur le côté. La nef était vide à cette heure. Pas un pèlerin en prière, pas un pécheur à confesser.

L'aristocrate s'avança à tâtons vers un bénitier, trempa trois doigts dans l'eau bénite et se signa, d'un air de profonde piété. Marie, qui la suivait de près, en fit autant, plus par intimidation que par ferveur religieuse. Puis sa maîtresse l'entraîna vers la sacristie. Elle frappa à la porte. Un prêtre en surplis blanc, déjà prêt pour la prochaine messe, ne tarda pas à venir ouvrir.

- Madame de Germont ! s'écria-t-il. Quelle heureuse surprise ! Qu'est-ce qui vous am...

Mais elle ne le laissa pas poursuivre :

- Une affaire des plus importantes, mon père. Je vous amène cette jeune fille. Elle s'appelle Marie Iscariel.

- Iscariel ? répéta le prêtre, surpris.

La vieille dame jeta un regard autour d'elle, tentant de percer la pénombre de l'église de son regard éteint.

- Il vaudrait mieux parler de tout cela en privé, mon père.

Celui-ci hocha la tête et laissa les deux femmes entrer dans le lieu saint, non sans vérifier qu'il n'y avait aucun témoin. Un enfant de chœur balayait distraitement le sol dans un coin. Le prêtre lui glissa quelques mots à l'oreille et le gamin partit en courant, tout heureux d'être libéré prématurément, abandonnant le balai au beau milieu de l'église. Le prêtre regagna la sacristie et verrouilla soigneusement la porte.

- Asseyez-vous, proposa-t-il en présentant des chaises à ses convives. Et expliquez- vous, ajouta-t-il à l'adresse de sa pénitente.

- Marie est ma demoiselle de compagnie, commença-t-elle. Elle a vu en rêve l’œuvre passée ou future d'un vampire.

Marie fut très étonnée de voir sa maîtresse, d'habitude si terre-à-terre, parler familièrement de créatures mythologiques à son directeur de conscience. Celui-ci se tourna vers la jeune femme.

- Je suis le Père Malcourt, vicaire de cette paroisse. Vous pouvez vous fier à moi, mon enfant.

C'était un homme d'une cinquantaine d'années, d'un embonpoint plus que respectable, et à la figure affable, inspirant la confiance.

- Racontez-moi exactement ce que vous avez vu.

Et Marie recommença son récit, précisant que c'était toujours la même vision, nuit après nuit. Lorsqu'elle eut terminé, le regard inquiet du prêtre resta braqué sur elle, dans un silence sinistre. Elle craignit à nouveau d'avoir trop parlé.

- Pourquoi voulez-vous savoir tout ça ? demanda-t-elle faiblement.

Le père Malcourt et Madame de Germont se regardèrent. Le prêtre finit par répondre :

- Nous avons besoin du maximum d'informations pour repérer les vampires et les éliminer. Vous...

- Les vampires n'existent pas ! l'interrompit la jeune femme.

- Oh que si ! lança sa maîtresse froidement, avec de l'amertume dans la voix. Ils existent.

Elle fixa ses yeux vitreux sur son employée, puis fouilla dans l'une de ses poches et en sortit un médaillon doré qu'elle ouvrit et lui montra. Il contenait une miniature.

- Connaissez-vous cette personne ? demanda-t-elle.

Marie écarquilla les yeux.

- C'est vous, répondit-elle. Quand vous étiez...

Elle rougit et n'osa pas continuer.

- Jeune, poursuivit Madame de Germont. Vous pouvez le dire. Mais, non, ce n'est pas moi. Il s'agit de ma sœur cadette. Elle, ainsi que son mari, ont été tués un an après leur mariage, il y a quarante-trois ans. Elle avait votre âge et attendait son premier enfant.

- Comment est-elle...

Mais elle ne put terminer.

- Morte ? Assassinée par un vampire.

Marie secoua la tête, incrédule. C'était sans doute une plaisanterie douteuse pour évaluer sa fidélité et son obéissance.

- Ayez confiance, ma petite. Nous connaissons l'existence des vampires, nous en avons des preuves. Les femmes de votre cauchemar ont été tuées, ou le seront, par ces créatures démoniaques.

- La plus jeune a un couteau dans la poitrine, protesta Marie.

- L'une d'entre elles, au moins, a été, ou sera, victime d'un vampire.

- Mademoiselle, reprit le père Malcourt, toutes les Églises du monde se battent pour protéger le Bien et la Vie. Les vampires sont des êtres maléfiques, issus du Malin. Nous devons les combattre et vous devez nous aider.

- C'est faux, dit la jeune femme, le plus calmement possible. Les vampires sont des personnages de légende, qui n'ont jamais existé et n'existeront jamais.

- Ne fermez pas les yeux lorsque le mystère s'éclaire, ma fille. Peut-être, sous ce jour nouveau, la vérité est-elle trop éclatante, aveuglante... Mais vous devez l'affronter pour sortir victorieuse de cette bataille.

- Les vampires n'existent pas !

Elle était sur le point de perdre son sang froid.

- Marie, pour l'amour de Dieu...

Elle fondit en larmes. Madame de Germont l'entoura de ses bras et lui remit le médaillon sous les yeux.

- Ma chère enfant... Vous ai-je déjà menti ? Ai-je déjà offensé votre confiance ? Ai-je jamais fait quelque chose qui méritait votre méfiance à mon encontre ?

- Ces cauchemars, reprit le curé, ne sont pas de simples rêves. Ce sont des signaux, envoyés par notre Seigneur, pour nous guider dans notre lutte contre le Mal ! Aidez- nous, Marie, vous qui portez le prénom de la Sainte Vierge...

La comparaison du prêtre surprit la jeune femme. Elle ne s'était jamais sentie concernée par la religion et l'argument de l'ecclésiastique la mettait mal à l'aise. Prise de court, souhaitant plus que tout en finir, elle hocha la tête.

Les yeux du prêtre brillèrent d'excitation. Pour lui, c'était un pas de géant vers l'éradication du mal, une bataille de plus dans sa croisade contre les créatures diaboliques. Pour Madame de Germont, c'était surtout l'espoir d'une vengeance personnelle et d'un salut assuré. Pour Marie, c'était avant tout le début des problèmes…

- Je vais écrire à Rome tout de suite. Notre correspondant nous donnera ses directives le plus vite possible.

Après un silence embarrassé, le prêtre ajouta :

- Votre nom, Iscariel, d'où vient-il ?

- Je l'ignore, répondit Marie.

- Bien, je vais demander à notre informateur de se renseigner. Cela pourrait éventuellement être utile. En attendant, je vous demanderai à toutes deux de garder le secret absolu sur tout ceci. Madame de Germont, je compte sur vous pour assurer la sécurité de cette jeune personne. Mademoiselle, je sais que ce que je vais vous demander est pénible et éprouvant, mais c'est indispensable à nos recherches : j'aimerais que vous portiez toute votre attention sur les détails de vos cauchemars. Puisse le Ciel nous y faire découvrir un indice...

 

 

A propos de ce livre :

 

- L'auteur reversera l'intégralité des droits d'auteur gagnés sur la vente de ce roman à la SPA.  

- Site de l'éditeur :  http://www.editionsdupetitcaveau.com/

- Lire La chronique de "De Notre Sang" sur Psychovision.

 

(Copyright éditions Le Petit Caveau / Adeline Debreuve-Theresette , extrait diffusé avec l'autorisation de l'éditeur)