Machine du Bonhomme Sept-Heures, La
Genre: Comics , Adaptation , Erotique , Fantômes , Fantastique
Année: 2009
Pays d'origine: Canada / Québec
Editeur: Premières Lignes
Collection: Souches
Scénario:
Claude Bolduc
Dessin:
Marie-France Thibaut, Stanley Wany, Annick Deslauriers et Dominique Laurent
 

Vous connaissez sans doute déjà bien Claude Bolduc, talentueux auteur québécois qui a entre autre commis les excellents "Histoires d'un Soir et autres épouvantes" et "Prime Time" (en collaboration avec Serena Gentilhomme). Et bien aujourd'hui, des illustrateurs rendent hommage à son travail en s'appropriant quatre de ces nouvelles et en les adaptant en bande-dessinée.

L'ouvrage est sous-titré "Nouvelles fantastiques outaouaises" car en effet toutes les nouvelles sont situés dans la région de l'Outaouais, région québécoise chère au cœur de Claude Bolduc et de son éditeur, Premières Lignes. "La Machine du Bonhomme Sept-Heures" est dirigée par Christian Quesnel et si le postulat de départ de l'ouvrage était de transcender les limites de la BD traditionnelle, on peut dire que le pari est réussi !

 

Chaque texte a en effet sa propre identité visuelle, à chaque fois très fortement marquée, et plus que de la Bd ou du comics traditionnel, ce sont ici de véritables récits graphiques accordant une très large importance à l'illustration. La plupart du temps, ce ne sont que de très courtes phrases qui viennent éclairer le sens du récit et l'on peut en cela largement saluer la performance d'adaptation que signent ici tous les artistes. Pour avoir lu deux nouvelles originales de cet ouvrage, "Œillades" et "Il ne faut pas que je dorme", je dois reconnaître que le travail réalisé est assez fou et relève de la performance ! Seulement quelques traits, quelques cases, parfois même une simple photographie ou une ambiance générale donnent le ton et on comprend parfaitement (ou du moins dans les grandes lignes) la trame de la nouvelle originale de Claude Bolduc.

On notera d'ailleurs l'intérêt des longues présentations de l'auteur en exergue de chaque histoire. Claude Bolduc nous parle en effet à chaque fois de la genèse des récits, de la création de la nouvelle originale, de son intrigue et aussi de sa réaction face au travail d'adaptation réalisé par chaque artiste. C'est vraiment très très intéressant et éclaire de manière très judicieuse les récits.

Après une présentation de Christian Quesnel, l'ouvrage s'ouvre sur "De l'amour dans l'air", une histoire un peu dans la veine du "Parfum" de Patrick Süskind. Marie-France Thibault s'empare de cette histoire avec un dessin tout en ombres et lumières. Les nouvelles de Claude Bolduc ont ceci en particulier, qu'elles génèrent bien souvent l'effroi et le malaise, de véritables récits d'épouvante au sens classique du terme. Son fantastique, sans être forcément malsain, est oppressant et chaque artiste a su rendre ici les ambiances bolduciennes en y ajoutant leu propre touche personnelle. Et Marie-France Thibault ouvre donc très joliment le bal avec une technique artistique empruntée au théâtre d'ombre. Elle dessine, découpe et projette des ombres, colle et calque, c'est vraiment impressionnant et le résultat est extrêmement sombre et glauque, scotchant et bigrement original. On a parfois un peu du mal a vraiment saisir les tenants et aboutissants de l'histoire (et en cela les explications de l'auteur juste avant sont essentielles), mais peu importe on est complètement happé par l'illustration, complètement différente de ce que l'on peut voir habituellement. Difficile de vous parler de ces artistes hors-normes avec précision, je vous invite donc vivement à aller visiter leurs sites que vous trouverez sous la chronique.

C'est ensuite au tour de l'excellente nouvelle "Œillades" qui est ici honorée d'un dessin certes plus classique de Stanley Wany mais néanmoins magnifique! Mon préféré avec le travail de Dominique Laurent sur la dernière nouvelle. Stanley Wany nous offre un dessin à la fois fouillé et paradoxalement esquissé, avec une sensation d'ébauche, comme un crayonné aux traits vifs et multiples, le tout dans des tons exclusivement de gris et de bruns. Il ya beaucoup de mouvement et d'expression dans son travail, auquel viennent s'intégrer des parcelles de textes en écriture cursive. Le résultat est magnifique et encore une fois d'une profonde noirceur. Un fantastique envoûtant sur un thème très fort, le viol et l'inceste. Un récit choc et très prenant.

"La Machine du Bonhomme Sept-Heures" n'est pas à mettre entre toutes les mains, du moins pas entre les plus jeunes et ce n'est pas le récit suivant, "Regarde-moi", qui va venir nous détromper ! Une nouvelle assez hard et au dessin très cru, une histoire de sexe, de fantôme, de vengeance et de voyeurisme qui ne laisse que très peu de choses à l'imagination. Si j'ai beaucoup aimé la nouvelle et la réflexion qu'elle porte, inspirée de ces couples qui s'épanouissent en regardant leur partenaire avoir une relation sexuelle avec un autre, le dessin ne m'a par contre pas convaincue. Question de goût, tout simplement, car je ne suis pas très portée sur ce style de trait et ces couleurs criardes. Mais le résultat n'en pas moins fort intéressant pour autant et le récit vaut le détour.

On finit ensuite en apothéose pour moi avec le magnifique "Il ne faut pas que je dorme", somptueusement mis en forme par Dominique Laurent, une ambiance désuète et vieillotte, empesée et surannée, réalisée à base d'anciennes photos de famille et orné de magnifiques décors (plumes, cuir, fleurs séchées, bois, cadres). C'est absolument magnifique, toutes en teintes délavées ou sépia et rien que pour ces pages il faut avoir ouvert, lu ou feuilleté "La Machine du Bonhomme Sept-Heures" ! Des angéliques portraits de famille en noir et blanc, des portraits d'enfants figés dans le temps, vont peu à peu se dégager d'inquiétants fantômes ou des squelettes en surimpression qui confèrent une atmosphère angoissante et fantastique au récit. C'est sublime !

 

La machine du Bonhomme Sept-heures est donc un ouvrage magnifique, inclassable et multi facettes, la réunion de multiples talents d'horizons différents qui harmonisent leur voix pour faire parler les textes de Claude Bolduc d'une façon nouvelle, forts d'un éclairage inédit et original. Rien que la couverture de l'ouvrage est une pure réussite, et "La machine du Bonhomme Sept-Heures" est une sacrée expérience, que vous soyez amateur de fantastique ou d'illustration. Malgré les artistes aux personnalités bien différentes, une véritable cohérence a été trouvée dans le recueil et il se dégage véritablement quelque chose de fort et d'angoissant, quelque chose de troublant, quelque chose qui a à voir avec l'essence même du fantastique et du malaise qu'il génère chez le lecteur. Un album qui sort vraiment des sentiers battus, un ouvrage sensitif, qui se vit et se ressens grâce à ces nombreuses illustrations pleine page, photographiques ou non, et qui doit se laisser porter et intégrer par de nombreuses relectures. L'omniprésence des illustrations incite vraiment à ces nombreux "visionnage" qui nous permettent de découvrir à chaque fois toujours plus de détails. Une vraie réussite !

 

Note: 8,5/10

 

Chaperon Rouge

 

A propos de ce comics :

 

Site de l'éditeur : http://premiereslignes.ca/

Site de Claude Bolduc : http://claudebolduc.tripod.com/

Blog de Marie France-Thibaut : http://mariefrancethibault.blogspot.com/

Blog de Stanley Wany : http://stanwan.blogspot.com/

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