Une bien belle nuance de rouge
Genre: Vampirisme , BD européennes , Romance
Année: 2011
Pays d'origine: France
Editeur: Bamboo
Collection: Grand Angle
Scénario:
Mauricet
Dessin:
Mauricet
Couleurs:
Mauricet
 

 

A 16 ans, Garance est une ado mal dans ses Converse. Comme beaucoup de filles de son âge, elle se trouve trop grosse. Et puis moche aussi. Mais s'il n'y avait que ça... Orpheline de mère, Garance a vécu ce décès comme un abandon, d'autant que les absences répétées et le manque d'affection de son père n'ont fait qu'aggraver son traumatisme. Heureusement qu'il y a l'obscurité, la nuit... Ces ténèbres rassurantes et fascinantes dans lesquelles elle peut se blottir et trouver refuge. C'est ainsi qu'un soir, Garance fait la rencontre d'Ambroise, un vieux beau romantique, étrange et troublant, qui ne la laisse pas insensible...

 

Alors que nous vivons depuis quelques années une période funeste où les vampires sont bien trop occupés à se racheter une conduite en se montrant beaux gosses bien propres sur eux, voir glamour et jouant les âmes chevaleresques auprès d'adolescentes au physique suffisament attractif pour rendre la romance acceptable aux yeux des foules sentimentales, le postulat même de cet album avait de quoi me séduire. Certes, il s'agit bien d'une histoire d'amour et d'attirance entre une adolescente et un vampire, mais la manière qu'à Mauricet de traiter leur relation évite au lecteur la crise de foie par excès de sucre. Il faut dire que la créature de la nuit n'est plus de la première fraîcheur et que la différence d'âge entre les deux personnages empêche d'emblée tout épanchement niaiseux, comme dirait un québécois.

Ni jeune, ni beau, ni prompt à épater les mortels par les prouesses que lui confère son statut vampirique, le sieur Ambroise n'en affiche pas moins une prestance, une aura mystérieuse non frelatée qui impressionne.

Un vampire tel que je les aime, quoi !

Ceci étant précisé, le personnage centrale de cette histoire reste bien entendu Garance, cette adolescente male dans sa peau et dont les tourments, moins crispants que ce que l'on place généralement dans la catégorie "crise de l'adolescence", incite le lecteur a s'y attacher et mieux encore : à comprendre son désarroi. L'auteur la dépeint avec justesse, même si parfois on frise aussi un peu la caricature (Garance a évidemment un look un peu gothique, a des posters de The Cure dans sa chambre et écoute The Sisters of mercy, mais il faut avouer que les ados ont l'habitude de se placer dans un moule tout fait et d'en rajouter une couche...).

Le rapport de l'adolescent à la mort est un sujet bien connu. Il est ici bien palpable car la Faucheuse se révèle bien trop présente dans la vie de Garance : le décès de sa mère qui la hante, la mort de son chat, la tentation du suicide, la rencontre de ce vieil homme à la pâleur cadavérique qui fréquente un cimetière... tout semble marqué l'adolescente d'un sceau morbide.

Autant que la mort elle-même, c'est la peur d'être abandonnée qui la ronge également, encore accentuée par ses relations difficiles avec un père qui la délaisse ou du moins ne parvient pas à la comprendre. D'où son désir : trouver un endroit qui la mette à l'abri de cet abandon. C'est ici que le thème du vampirisme prend toute sa pertinence, puisque l'essence même du vampire est d'être immortel.

Du coup, lorsque Garance découvre la vraie nature de son étrange ami, elle n'en conçoit aucune peur, mais pourrait y voir, au contraire, un moyen (radical, monstrueux même) de se débarrasser de ses hantises.

 

Comme on peut le constater, Une bien belle nuance de rouge ne se place ni dans la catégorie de la romance gnangnan opportuniste ni dans celle des histoires de vampires qui privilégient l'action et les confrontations violentes. Situé dans un cadre réaliste, quotidien, entrecoupé de quelques séquences oniriques, le fantastique intervient par petites touches dans ce drame psychologique qui, pour autant, ne manque pas d'humour, de tendresse, ni de fraîcheur, notamment en montrant tout l'écart générationnel, mais aussi culturel (et temporel) existant entre une ado familière des technologies actuels et notre strigoï, vieux de plusieurs... siècles probablement et peu enclin à frayer avec les mortels de l'époque, qui s'étonne à la vue d'un mp3 et ne possède même pas de portable.

Ces petites scènes intimistes, qui font d'ailleurs l'originalité de cette BD, m'ont particulièrement plu par le contraste amusant entre deux univers et l'anachronisme vivant que représente le vampire, mais aussi a contrario, le lien qui unit ces deux êtres solitaires. En comparaison, certains passages à l'ambiance gothique, bien qu'inévitables vu le sujet, surprennent moins et dégagent un charme plus convenu.

Graphiquement et si on excepte une couverture peu attirante, le travail de Mauricet est une excellente surprise pour moi qui ne connaissait jusqu'à présent que ses séries humoristiques. Le changement de style et de registre est pour le moins étonnant mais très convaincant dans un genre plus réaliste.

Avec cet album, l'auteur fait preuve d'une certaine profondeur, d'une noirceur aussi, à laquelle ses précédentes productions ne nous avaient pas habitués.

Je lirai volontiers la suite.

 

Note : 7,5/10

 

Vorpalin

 

A propos de cette BD :

 

- Site de l'auteur : http://www.mauricet.be/

- Site de l'éditeur : http://www.angle.fr/

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