Dans les labyrinthes
Écrit par Raggle Gumm   

 

La particularité et la richesse du labyrinthe, figure très ancienne présente dans de nombreuses cultures et sous une forme mythique depuis la plus haute Antiquité, provient du fait qu'au-delà de l'image classique bien connue (un tracé tortueux destiné à égarer), il peut aussi se présenter - et de manière bien plus complexe - comme métaphore, allégorie de la condition humaine (chez Kafka par exemple), de l'errance mentale, spirituelle, philosophique, voir même amoureuse ("délabyrinthez vos sentiments !" s'exclame Roxane à Christian dans Cyrano de Bergerac).

Le labyrinthe est donc à la fois une figure tangible et une abstraction. Il s'inscrit également dans tous les domaines possibles de l'expression humaine : arts, littérature, cinéma, histoire et mythologie, linguistique, jeux, etc...

Chaque époque en a donné sa propre interprétation, selon la sensibilité et les croyances du moment.

Je vais me contenter ici d'en dégager certaines oeuvres significatives, en me cantonnant toutefois le plus possible dans les domaines qui nous intéressent (évacuons d'emblée les références trop érudites et / ou hermétiques et autres cogitations qui tiennent à la fois de la philosophie et de l'histoire des religions).

La figure du labyrinthe reste en tout cas une des plus récurrentes et hautement symboliques inventées par l'homme (son tracé n'existe pas dans la nature), image de son existence mental même, dans toutes ses circonvolutions, interrogations mais aussi égarements.

Le XXiè siècle fut, plus que tout autre, le siècle labyrinthique par excellence (dans tous les aspects déjà cités auquels nous pourrions ajouter le social et le politique) et le XXIiè qui débute en est la continuation logique, peut-être même à la puissance dix.

Ne cesse t-on pas de nous répéter que nous vivons une époque en "perte de repères", où les individus et les institutions semblent bien perdu(es) dans les méandres du vaste labyrinthe-monde ? Avec lui, l'espace intime problématique, voir aliéné, rejoint celui du collectif dans une société de plus en plus complexe et surtout...de moins en moins sûre de la direction à prendre. La science elle-même et la physique en particulier avec la mécanique quantique a perdu le sens des convictions trop bien établies pour se retrouver dans l'espace inquiétant de l'Indétermination. Sans parler de ce nouveau monde virtuelle, cette nouvelle frontière qui n'en a en fait aucune, ce cyber-dédale dans lequel il est tout aussi aisé de se perdre et dont l'Internet en est l'exemple le plus éloquent.

Le labyrinthe est donc une figure plus que jamais d'actualité et de nombreuses oeuvres de fictions s'en servent encore et toujours, que ce soit de manière simplement visuel (l'entêtant tracé est toujours spectaculaire et amusant) ou plus subtil (la métaphore, l'allégorie, la recherche du sens, la construction éclatée du récit romanesque).

Le labyrinthe n'est pas une succursale quelconque du monde. Le labyrinthe est le monde, autant qu'il est l'homme. Sommes-nous le Thésée ou le Minotaure ? Les deux probablement.

 

 

Un raccourci historique des différentes représentations du labyrinthe

 

Dans l'Antiquité et pendant longtemps, le labyrinthe est lié au Minotaure et à la légende de Thésée que tout le monde connaît. Il n'apparaît jamais seul sur les représentation picturales ou littéraires de l'époque et encore moins comme métaphore de la condition humaine. Cette idée est relativement moderne. Pour les Anciens, il n'était qu'un des éléments constitutifs du mythe parmi les autres. Toutefois, signalons que Platon, déjà, y vit la métaphore du raisonnement fallacieux et du propos impie.

 

Au Moyen-Age, les autorités religieuses considèrent ni plus ni moins le labyrinthe comme la représentation de l'Enfer, de l'hérésie, du raisonnement erroné (suivant en cela Platon) ou encore comme le cheminement intérieur dont doit faire preuve le pécheur pour accéder au salut.

Détail important : les labyrinthes de la chrétienneté (dessinés dans les manuscrits mais aussi tracés sur le sol de certaines cathédrales visibles encore de nos jours) sont à voie unique et mènent à un centre, ce qui les distingue radicalement des labyrinthes profanes qui nous sont familiers aujourd'hui (à voies multiples et menant à une sortie souvent extérieure).

Car à cette époque, il ne s'agit pas - même par jeu - de se perdre dans de multiples directions mais de suivre la voie édictée par l'Eglise, la sinuosité du tracé rappelant seulement aux fidèles les difficultés du parcours spirituel. Mais la route est unique et il suffit de la suivre pour atteindre Dieu (le centre).

 

A la Renaissance, une révolution importante a lieu : la représentation du labyrinthe s'intériorise. Elle n'est plus la figure du dogme à suivre (extérieur à l'homme) mais marque le début d'une identification avec lui. Autrement dit, les poètes en particulier commencent à se demander si "le labyrinthe n'est pas autant en nous que nous sommes en lui". Une idée déjà très moderne encore exploitée aujourd'hui. Autre indice important : la figure quitte le domaine de la religion et du sacré en général pour la littérature profane. Le labyrinthe devient alors allégorie du monde et des errements de l'homme, plus ou moins débarassée des références théologiques.

Enfin, on voit apparaître le thème du "labyrinthe d'amour" (appelé aussi, moins élégamment, "porcherie de Vénus") : le sentiment amoureux, avec ses égarements, ses souffrances, ses illusions, est vu comme un labyrinthe dans lequel erre celui qui s'est laissé emprisonner dans ce dédale affectif. Un certain nombre de poèmes de l'époque (mais déjà au temps de l'amour courtois) reprennent cette image.

Le mot entre en tout cas dans le domaine des lettres même si il est encore marqué par une certaine préciosité qui l'empêche encore de s'intégrer dans le language courant.

 

A l'époque classique (XVIIè et XVIIIè siècle), le labyrinthe connaît une dimension supplémentaire (les autres ne disparaissent pas pour autant mais s'additionnent), incontestablement plus philosophique, même si, curieusement, la figure est moins présente en Art qu'à la Renaissance. Il symbolise alors la problématique de l'illusion, de l'apparence trompeuse, du travestissement du réel.

"Quel est ce labyrinthe confus où la raison ne peut trouver le fil ?" se demande ainsi Clothalde dans La vie est un songe de Calderon (1631-35) qui joue sur les relations entre le réel et le rêve.

La figure connaît aussi ses premières utilisations non plus uniquement sur le fond mais sur la forme des textes. On rédige ainsi au XVIIIè des "poèmes-labyrinthes" à la structure complexe, pouvant être lus de plusieurs manières grâce à des techniques cryptographiques qui permettent de lire un autre texte disposés savamment dans le premier suivant une logique particulière. Le texte devient alors véritablement un labyrinthe textuel dans le sens où la lecture peut suivre plusieurs chemins différents.

 


Classement des oeuvres par thèmes

 

Châteaux, manoirs et souterrains

 

Gardons donc encore un pied dans le XVIIIè siècle en citant les deux oeuvres fondatrices du roman gothique qui inspireront les romantiques : Le château d'Otrante d'Horace Walpole (1794) et Les Mystères d'Udolphe d'Ann Radcliff (1794).

Ces deux romans ont initiés les clichés et images reprisent très souvent par la suite par la littérature fantastique et le thème du château ou de la maison hantée en particulier : édifice gothique de dimension imposante, dédale de couloirs sombres où évoluent les silhouettes fantômatiques de demoiselles évaporées et perdues, souvent retenues prisonnières par un maître des lieux ténébreux, disparitions inquiétantes, énigmes, etc...

Les textes de la période romantique et de tout le XIXiè (la littérature populaire surtout) sont trop nombreux pour les énumérer ici (et beaucoup d'entre eux sont tombés dans l'oubli).

J'en noterai deux d'une qualité littéraire indéniable : Isis de Villiers de L'isle-Adam (1862), roman onirique et initiatique qui voit le jeune Wilhelm d'Anthas parcourir un palais décrit comme "un labyrinthe superbe dont les méandres cachaient un ordre savant", et dont le centre est un salon circulaire où se tient une certaine marquise Fabriana, personnification de la Connaissance.

Moins précieux et incontestablement d'inspiration gothique, citons Le château des Carpathes de Jules Verne (1892) où, après avoir traversé un paysage chaotique, le héros aboutit au château "dont le plan géométral offrait un système aussi compliqué que ceux des labyrinthes de Porsenna, de Lemnos ou de Crète".

 

Plus proche de nous, un roman comme Maison hantée de Shirley Jackson, insiste sur la configuration labyrinthique du manoir édifié par Hugh Crane. Les invités du professeur en parapsychologie auront d'ailleurs un peu de mal à se diriger dans la maison. Cette idée est reprise dans l'adaptation ciné de Robert Wise La maison du diable (1963) où le prof lui-même, croyant avoir trouvé la salle à manger, ouvre une porte sur un...placard à balais. La maison est également décrite par ce dernier comme "malade" ou "folle", ce qui renvoie à nouveau au thème de la démence comme motif labyrinthique.

Dans Shining de Stephen King mais surtout dans l'adaptation de Stanley Kubrick, le labyrinthe est figuré non seulement pas l'immensité de l'hôtel Overlook que ne cesse de parcourir le petit Dany sur son tricycle mais aussi et surtout le véritable labyrinthe de verdure à proximité de l'hôtel (absent du roman) au sein duquel le film trouvera d'ailleurs sa (réfrigérante) conclusion. Le labyrinthe peut aussi être vu comme la métaphore de l'esprit dérangé de Jack Torrance, se perdant peu à peu dans les méandres de sa folie avant de se perdre au sens propre dans le labyrinthe végétal. Evoquons aussi cette jolie scène où Torrance est penché sur une réplique en miniature de ce même labyrinthe, tel un démiurge penché sur sa création, avant qu'une subtile surimpression nous montre sa femme et son fils parcourant les allées du véritable dédale.

 

 

Si le château ou la maison peut se présenter comme un labyrinthe, sa complexité reste toutefois limitée en raison des dimensions relativement modestes de ce type de construction. Il n'en va pas de même du souterrain, qui est parfois (là encore dans le roman gothique) une excroissance, une continuité naturelle de la demeure proprement dite et dont la superficie est souvent plus vaste, donc plus complexe : réseau de galeries au tracé tortueux auquel s'ajoute une dimension labyrintique supplémentaire : l'obscurité.

 

Cela nous amène à d'autres types de dédales souterrains, tels les catacombes (lieu de perdition ou au contraire refuge contre le monde extérieur, classique dans le roman-feuilleton comme Le fantôme de l'opéra de Gaston Leroux, les égoûts, mais aussi les tombeaux.

Les pyramides égyptiennes et autres temples sacrés abritent souvent un labyrinthe conçu pour égarer les pilleurs de sépulture...et les aventuriers de tous poils qui n'en finissent plus d'arpenter des couloirs suintants munis d'une torche toujours sur le point de s'éteindre. Et tous n'ont pas la chance d'avoir un Idéfix pour retrouver le chemin de la sortie ! (Mission Cléôpatre d'Alain Chabat).

Le labyrinthe souterrain peut même être le décor d'un "voyage extraordinaire" emmenant les personnages toujours plus loin jusqu'au centre de la Terre - ou tout comme (Voyage au centre de la Terre de Jules Verne) dans un périple qui tient autant de la spéléologie que de l'errance...et de la zoologie fantastique (un lézard géant entre autres).

Et dans le second tome du cycle de Terremer d'Ursula Le Guin, Les tombes d'Atuan, on y trouve, si je ne me trompe, un ensemble de souterrains immémoriaux, lieu de cultes étranges et inquiétants.

Pour rester dans la fantasy, le site souterrain de La Moria creusé par les nains dans Le Seigneur des anneaux pourrait sans doute faire office de dédale (ce n'est peut-être pas le seul exemple des Terres du Milieu mais c'est en tout cas le seul qui me revienne à l'esprit).

Dans un registre très différent, l'écrivain Lawence Durell raconte dans son roman Cefalu (1947) la visite d'un groupe de touristes dans la caverne de Cefalu, en Crète (lieu supposé du mythique labyrinthe de la légende selon l'agence de voyage). Mais un effondrement de terrain laisse les sept visiteurs sans guide, prisonniers du dédale souterrain. Chacun sera alors mis à l'épreuve et connaîtra un sort directement lié à sa nature profonde. Un roman qui renoue avec le sens initiatique du labyrinthe.

Enfin, dans son étrange nouvelle inachevée Le Terrier, Kafka montre une créature se bâtissant un réseau complexe de galeries pour se protéger d'un hypothétique prédateur dont nous ne saurons rien. Ironie du sort : le narrateur ira jusqu'à se perdre lui-même dans sa propre construction. Un récit qui, comme toujours chez l'auteur tchèque, est fortement allégorique.

 

 

 

 

Plus classiques, on trouve des labyrinthes végétaux dans plusieurs oeuvres fantastiques littéraires et cinématographiques. Pour les premières, citons une nouvelle de M.R. James L'héritage de Mr Humphreys (1911), le personnage nommé héritant, en sus d'un manoir, d'un labyrinthe de haies construit par son arrière grand-père. Au centre du dédale se trouve une colonne, surmontée d'une sphère de métal étrangement brûlante au toucher excepté pour le nouveau propriétaire. Mais celui-ci connaîtra son lot de mésaventures, toutes reliées au labyrinthe qu'il finira par détruire.

Dans Le labyrinthe de M. Sandoz (1949), un labyrinthe de verdure dissimule le véritable propriétaire du domaine : une créature mi-homme mi-crapaud. Un autre labyrinthe joue un rôle important dans une autre nouvelle, La nuit du labyrinthe de Robert Aickman (1964).

Côté cinéma, outre le Shining déjà cité et un Labyrinth (avec David Bowie) que je n'ai jamais vu, il ne faudrait pas oublier les deux exemples les plus récents : Le labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro et Harry Potter et la coupe de feu de Mike Newell. Dans le premier film, le dédale est lié au monde féérique et au Faune qui en est à la fois la figure emblématique et le passeur entre deux mondes. Dans le second, il est la troisième et dernière épreuve que doit subir Harry Potter et les autres concurrents pour remporter le tournoi. La coupe se trouve bien évidemment en son centre, dans la plus pure tradition initiatique ou ésotérique.

 

 

 

Autres structures labyrinthiques

 

Certains labyrinthes sont édifiés par des êtres venus d'ailleurs : c'est le cas pour la titanesque cité des Grands Anciens découverte en Antarctique par une poignée d'explorateurs dans Les Montagnes Hallucinées de H.P. Lovecraft, mégapole de pierres dont la configuration est radicalement étrangère aux conceptions architecturales humaines.

Dans une autre nouvelle du même auteur, Dans les murs d'Eryx, un explorateur se retrouve prisonnier d'un labyrinthe aux parois transparentes situé sur Vénus.

Bien que Daniel Zaniewski ne dise pas qui (ou quoi) à bien pu édifier l'immense labyrinthe à géométrie variable dont La maison des feuilles n'est qu'une voie d'accès, ses propriétés fantastiques laissent penser qu'il n'a pas été construit par le premier maçon (humain) venu, d'autant qu'il se situe probablement en-dehors de notre espace-temps.

 

D'autres sont bien construits par l'homme et leur fonction n'obéit pas moins à des motifs très retors, voir sadiques.

Dans Cube de Vincenzo Natali, un groupe d'individus se réveille dans une étrange structure cubique, composée d'un nombre inconnu de pièces toutes semblables qui ne distinguent que par... les pièges mortels qu'elles renferment. Véritable cauchemar, Cube tire son angoisse non seulement du sentiment de désorientattion propre à tout labyrinthe mais aussi par une horreur qu'on pourrait qualifier de "mécanique", bien plus inquiétante que n'importe quel prédateur de chair et d'os, ainsi que par l'absence totale d'explication sur la raison d'une telle construction et ceux qui en sont les concepteurs.

Ce film glacant est aussi l'occasion de révéler la personnalité des protagonistes (voir leur santé mentale) et les attirances / antagonismes existants entre eux, ce qui le rapproche du roman Cefalu de Durell. Une approche exhaustive des problèmes liées au labyrinthe.

J'aimerais mentionné, toujours à ce propos, un épisode atypique et précurseur de Chapeau Melon et Bottes de Cuir (saison 4, noir et blanc) qui possède d'étonnants points communs avec Cube, bien que réalisé voici une trentaine d'années (1965) : l'épisode L'héritage diabolique (The house that Jack built, en V.O.) qui voit Emma Peel prisonnière d'une maison-labyrinthe, véritable souricière entièrement mécanisée dont les pièces (à l'esthétique tout aussi déroutante) se déplacent selon un système savant géré par informatique, et ramenant notre héroïne toujours à son point de départ. Un épisode épatant d'invention et d'étrangeté, qui épingle aussi en passant l'automatisation à outrance. Audacieux pour l'époque.

 

Dans un des meilleurs romans de Robert Silverberg, simplement intitulé L'homme dans le labyrinthe, un certain Richard Muller s'est exilé sur une planète après avoir été banni par ceux de son espèce. Vivant depuis neuf ans, seul, dans un immense labyrinthe d'origine inconnue, il a appris à s'y adapter, à en éviter tous les pièges mortels, sans pour autant en comprendre le sens. Mais un jour, une équipe est envoyée pour le récupérer. Encore faut-il parvenir jusqu'à lui, dans la zone centrale où Muller s'est réfugié, et peut-être surtout convaincre un homme de renouer avec ses semblables.

Ici, le labyrinthe est aussi le lieu d'une réclusion - et même d'une solitude - consentie d'un individu dont la mise à l'écart a rendu misanthrope, et qui se livre à une sorte de jeu mortel destiné aussi à éprouver ses propres limites.

Le roman de Silverberg pose beaucoup de (bonnes) questions sur les rapports conflictuels de l'homme avec ses congénères mais ne donne aucune réponse toute faite, laissant au lecteur le soin de se faire sa propre interprétation.

L'homme dans le labyrinthe reste aussi un très bon roman d'aventure, efficace et divertissant.

 

 

Bibliothèques et autres lieux de la culture

 

La connaissance - et la culture - peut se montrer elle-aussi labyrinthique, surtout auprès de ceux qui n'en sont pas coutumiers. Ainsi, toute bibliothèque de dimension relativement importante inspire au néophyte un sentiment de malaise proche de l'égarement que l'on ressent au sein de tout labyrinthe.

Aussi, certains auteurs ont fait de ces temples culturels de véritables dédales où l'esprit se perd autant que le corps.

Jorge Luis Borges voit l'univers comme une bibliothèque et celle-ci a forcément des dimensions en conséquence : un nombre infini de rayonnages, pièces et couloirs pour un nombre tout aussi infini d'ouvrages. Et parmis eux, peut-être, LE livre qui les résumerait tous (La bibliothèque de Babel dans le recueil Fictions). Le labyrinthe devient ici une métaphore de la connaissance.

C'est également le cas dans la fameuse bibliothèque tenue d'une poigne de fer par le moine Jorge dans Le Nom de la Rose d'Umberto Eco, décrite par Guillaume de Baskerville comme "probablement la plus grande bibliothèque de toute la chrétienté". Mais alors que, dans la nouvelle de Borges, la bibliothèque était la métaphore du monde et du savoir universel, celle du Nom de la Rose a au contraire été édifiée pour dissimuler à l'homme ce savoir livresque qui peut vite basculer du côté de l'hérésie selon le dogme intransigeant de l'Eglise. Le labyrinthe du vieux Jorge égare pour mieux garder jalousement ses trésors (qui sont aussi, paradoxalement, les instruments possibles de la contradiction. On pourrait d'ailleurs se demander pourquoi le bibliothéquaire n'a pas détruit le seconde partie de la Poétique d'Aristote consacré à la comédie, enjeu de l'intrigue du roman et le responsable des morts de l'Abbaye). Chez l'autre Jorge en revanche (Borges), la bibliothèque est labyrinthe tout simplement parce que le monde de la connaissance l'est, point final. Aucune doctrine, obscurantiste ou non, ne préside à sa destinée. Le labyrinthe de J.G. Borges est immense mais ouvert sur un abîme qui, pour être intimidant, n'en est pas moins accessible à tous.

 

Dans Trajets et itinéraires de l'oubli, Serge Brussolo inscrit son labyrinthe dans un autre édifice consacré à la culture : le musée. Un bien étrange musée que celui-là, où les objets qui le composent défie la logique mais dans le cadre qui nous occupe ici, le plus important est que le musée est un dédale immense, où le visiteur se voit obligé de porter un gadjet électronique (incassable, de préférence !) capable de lui indiquer le chemin de la sortie à tout moment, sous peine d'errer durant des mois, des annés, voir toute sa vie, dans le musée (des distributeurs de nourriture et toutes les commodités d'usage sont disséminés partout dans le dédale).

L'héroïne de cette fascinante nouvelle, chargée, comme d'autres, de répertorier certaines pièces, choisira pourtant de se perdre sciemment dans le labyrinthe, allant même jusqu'à faire corps avec lui au bout de son "itinéraire de l'oubli" dans une pièce-ultime qui pourrait être le fameux centre des labyrinthes médiévaux, là où l'homme se retrouve pleinement et participe au "grand tout".

De ce point de vue, la nouvelle de Brussolo, toute science-fictive qu'elle soit, renoue avec la tradition mystique et ésotérique, bien qu'elle ne soit pas dénuée non plus d'un certain masochisme, thème fréquent chez l'auteur.

 

 

Le nom du labyrinthe est forêt

 

La forêt est ce qui se rapproche le plus, dans la nature, d'un labyrinthe. Je parle ici de cette selva oscura qu'évoquait Dante, que l'on retrouve dans la plupart des contes et des oeuvres de fantasy : la forêt sombre, primitive, non balisée par l'homme, aux arbres touffus et rapprochés, aux branchages arachnéens où s'accrochent les cheveux et les vêtures de ceux qui osent s'y aventurer. Forêt paradoxale, aussi, qui donne l'impression d'être mouvante tout en restant pourtant immobile. Elle symbolise aussi l'inconscient (individuel ou collectif comme le montre la série des Mythagos de Robert Holdstock), et les errements de l'esprit. Dante, à nouveau, perdu dans ce genre de forêt au début de la Divine Comédie, écrit : au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvais dans une forêt obscure [selva oscura] car j'avais perdu la voie droite.

Au bout du chemin, l'écrivain trouvera la selva antica, ordonnée, lumineuse et à la mesure de l'homme : la sortie du labyrinthe en quelque sorte.

Plus pragmatiquement, la forêt-labyrinthe est l'endroit idéal pour des parents aussi indélicats que désespérés pour y perdre leur encombrante progéniture. Sauf quand l'un d'eux, plein de ressources, sème des petits cailloux sur le chemin comme Thésée tendant son fil d'Ariane (Le Petit Poucet)

 

Toutefois, si la forêt est un espace d'égarement, elle peut l'être aussi au bénéfice de l'homme, comme dans l'exemple des catacombes. Ainsi la forêt de Sherwood est le refuge (et le lieu d'embuscades) idéal de Robin des Bois et ses compagnons face à l'iniquité du royaume perverti du Prince Jean. On assiste alors à une inversion des valeurs qui ne manque pas d'ironie : la forêt-labyrinthe devient le lieu éclairé de la justice et de la civilisation, alors que la Ville (ou le château) devient celui de la barbarie et de l'obscurantisme. Robin des Bois connaît non seulement le terrain forestier comme sa poche mais ne se perd pas non plus au sens moral du terme.

Quant à la forêt du film Le Village de M. Night Shyamalan, elle se distingue encore plus fortement par son ambivalence : lieu d'où vient la menace ou au contraire espace de protection ? Ceux qui ont vu le film connaissent la réponse.

La forêt est donc comme tous les autres labyrinthes : on peut certes s'y perdre, voir régresser (c'est le cas d'un des chevaliers de la Table Ronde dans les légendes arthuriennes) mais aussi s'y retrouver, ou encore y demeurer pour peu qu'on ait appris à y survivre comme certains personnages d'ermites, de sorcières ou de magiciens.

 

 

La Ville

 

Certaines cités édifiées par l'homme peuvent donner l'impression à celui-ci de se mouvoir dans un vrai labyrinthe. C'est le cas de villes qui n'ont pas bénéficiées d'un plan préétabli mais ont, en quelque sorte, poussés de manière quasiment organique un peu n'importe comment, selon les nécessités du moment (certaines cités au Moyen-Age, le dédale des quartiers pauvres de la Rome Antique), monstrueuses excroissances parties du coeur de la ville.

Pourtant, même les villes au plan le plus ordonné (New-York par exemple) sont souvent considérées comme des labyrinthes, non plus en raison d'une topographie anarchique mais par leur taille, ou encore comme le reflet des crises (identitaires ou autres) des personnage (voir à ce sujet certains romans de Paul Auster).

Et dans les mégapoles futuristes de la SF coexistent à la fois le gigantisme, la volonté d'un agencement rationnel synonyme de civilisation et une poussée néanmoins anarchique et composite (voir les exemples ci-dessous).

 

Les quartiers populaires du Londres victorien sont souvent décrits par les auteurs comme un dédale de rues et ruelles où s'entassent des milliers d'individus aux conditions de vie effroyables. Ce cadre "pittoresque" a servi à bien des histoires policières (Les aventures de Sherlock Holmes) et en particulier l'East End où se trouvait le fameux quartier de Whitechapel, théâtre des meurtres perpétrés par un certain Jack L'Eventreur, Minotaure des temps modernes réclamant son tribut de victimes.

Certains membres de la haute-société, ainsi que artistes et écrivains, pouvaient aussi se perdrent corps et âme dans ces quartiers mal famés pour assouvir certains vices réprouvés par la bienséance de leur caste (drogue, prostitution).

Modèles bien connus de la littérature fantastique, Jekyll (sous la forme de Hyde) côtoie ses quartiers dans L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde de Stevenson, de même que Dorian Gray dans Le portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde. Deux gentlemen en goguette dans le dédale des rues insalubres et celui de leur esprit. Le labyrinthe urbain est ici aussi, quoique plus prosaïquement, le lieu de la perdition ou encore de la subversion sociale assumée.

 

Dans les romans du courant steampunk - dont beaucoup se situent à Londres - les personnages arpentent souvent ces mêmes dédales enfumés et enténébrés : Les voies d'Anubis de Tim Powers, Machines infernales de K.W. Jeter, Les grandes profondeurs de René Réouven, pour n'en citer que quelque-uns

Ou plus récemment Perdido Street Station et sa mégapole industrielle imaginaire Nouvelle-Crobuzon où se côtoient un grand nombre de créatures étranges (je le mentionne rapidement car bien qu'il soit dans ma PAL, je n'ai pas encore eu l'occasion de lire ce roman foisonnant d'environ huit cents pages, édité en deux volumes).

En bande dessinée, la série des Cités Obscures de Schuiten et Peeters ne manque pas de villes-dédales (Brüsel) ou de bâtiments à l'architecture complexe (La Tour dans l'album du même nom, le Centre de cartographie dans La Frontière invisible). Les murailles de Samaris, premier opus de la série, confronte le visiteur Hans avec une ville en trompe-l'oeil capable de modifier la disposition de ses immeubles grâce à une machinerie complexe.

 

Dans des oeuvres plus futuristes, les villes sont presques toujours gigantesques et n'ont rien à envier au Londres victorien pour leur aspect insalubre, aliénant, hétéroclite, où évolue une population nombreuse et diversifiée. Des cités au bord de l'asphixie, suintant leur trop plein de matière inerte (le "kipple" comme l'avait baptisé Dick) ou organique, et au sein desquelles il est bien difficile de trouver ses repères.

Un film comme Blade Runner a popularisé cette image de mégapole tentaculaire et peu viable mais néanmoins fascinante, et qui représente un bon moyen de se cacher pour des Répliquants traqués. Les romans cyberpunk lui ont emboîté le pas. Dans le même genre, Brazil de Terry Gilliam et Dark City d'Alex Proyas sont devenus des incontournables. Pour le premier s'ajoute d'ailleurs une autre forme de labyrinthe : les arcanes d'une bureaucratie envahissante déjà décrite par Kafka.

Ces villes du futur peuvent atteindre une telle ampleur qu'elles en viennent à s'étendre sur toute une planète. C'est le cas dans le roman Plasma de Walter Jon Williams ou la planète-cité Coruscant dans Star Wars.

 

D'autres villes aux dimensions plus modestes n'en sont pas moins susceptibles d'égarer le promeneur peu familier de ses arcanes. L'exemple le plus évident est Venise, ville bien réelle et pourtant comme surgie d'un rêve tortueux et ésotérique. Avec ses nombreuses ruelles, passages, ponts et cours intérieurs, le touriste peut facilement s'y perdre. Et comme il s'agit de surcroît d'une cité posée sur l'eau, à son tracé compliqué s'ajoute la mouvance et l'instabilité de l'élément aqueux.

Elle a inspiré certains auteurs de fantastique ou de SF comme Philippe Curval avec La forteresse de coton : dans une Venise assez glauque, un homme subit l'attraction d'une mystérieuse femme, Sarah, qui l'entraîne dans une histoire fantasmatique proche de la folie.

Dans Boulevard des banquises, Serge Brussolo imagine une "Venise du Nord" fictive qui partage pas mal de points communs avec la Sérénissime. Mais l'auteur en rajoute encore une couche : la ville n'étant pas éclairée la nuit, ses habitants se voient contraints de se guider en aveugle grâce à des repères inscrits dans les pierres des édifices (un language braille à l'échelle d'une ville ! Une des plus belles et étranges idées du roman).

Epinglons aussi les nouvelles insolites du recueil Venezia de Renato Pestriniero où Venise est plus que jamais une ville magique à géométrie variable et le lieu de rencontres étranges.

 

 

Labyrinthes conceptuels : Franz Kafka et Philip K. Dick

 

Comme je l'ai dit dans l'introduction, le labyrinthe n'est pas seulement un décor - même si celui-ci est la plupart du temps chargé de signification - mais aussi un concept riche et florissant dans tous les domaines de l'imaginaire qui traduit les divers questionnements de l'homme, son être intime ou sa condition d'être vivant et pensant.

Le nombre d'oeuvres - ne serait-ce qu'en se limitant à la fiction - qui s'inspirent du tracé problématique est tellement vaste qu'il faut bien se restreindre. Car, au fond, tout est labyrinthique en l'homme (le parcours de sa vie, son cheminement mental, sa vie sentimentale), toute son existence étant faites de choix souvent difficiles, d'embranchements, de doutes, d'erreurs, etc... etc... Mais ce n'est pas non plus une raison pour voir des labyrinthes partout.

Deux exemples me suffiront dans le cadre de la fiction romanesque.

 

A commencer par Kafka, bien sûr, dont nous avons déjà cité la nouvelle Le Terrier. Mais les deux oeuvres labyrinthiques majeures de l'écrivain, à la frontière du fantastique, sont bien entendu Le Procès et Le Château, deux évocations incroyables de lucidité sur la condition humaine en général et la situation de l'homme du XXiè siècle en particulier. Avec ses deux romans (inachevés d'ailleurs, tels des labyrinthes sans sortie), Kafka dresse le portrait de l'homo dedalus mieux que personne et leur richesse est telle qu'ils constituent une matière toujours renouvelée pour les exégètes littéraires.

Au travers de l'odyssée bureaucratique insensée de Joseph K. dans Le Procès, arrêté sans raison et forcé d'entreprendre une série de démarches juridiques absurdes, Kafka déroule un dédale allégorique et sans espoir dans lequel se contorsionne énergiquement (mais vainement) son héros, sommé de répondre d'un délit qui n'est sans doute autre que le simple fait d'être vivant (et la notion de culpabilité, tellement chère à la pensée judéo-chrétienne, n'y est pas étrangère non plus).

Dans Le Château, l'auteur tchèque va encore plus loin dans l'abstraction et l'allégorie. A partir du point de départ encore plus ténu d'un homme (dont le nom n'est plus qu'une seule lettre, K) tentant en vain d'atteindre un château mais qui passera sa vie dans le village situé en contre-bas sans espoir d'accéder au but fixé, ce roman est encore plus labyrinthique que le précédent, le dédale n'étant pas figuré par le Village lui-même - apparemment de dimension modeste et banale - mais par la structure narrative du roman. K. tourne en rond, rencontre nombre de culs-de-sacs, de tentatives avortées, de dialogues avec les habitants n'aboutissant nulle part (le language chez Kafka est également labyrinthique). Pour, peu à peu, et sans trop s'en rendre compte, s'installer dans ce village qui ne devait pourtant n'être, au départ, qu'une simple étape vers le château (le centre ou la sortie du labyrinthe ?).

 

En SF, un roman de Philip K. Dick s'intitule justement Au bout du labyrinthe. Celui-ci raconte l'aventure d'un groupe de personnages ayant atterri sur la planète Delmak-O. Une série d'événements aussi déstabilisants qu'inquiétants montre que, sur la planète, la réalité est fluctuante, chacune des personnes y apportant sans le savoir une part de sa subjectivité. Mais le labyrinthe dans lequel se débat le groupe est lui-même un leurre, une simulation, un "rêve polyencéphalique" géré par un ordinateur.

Mais Dick n'a évidemment pas attendu ce roman assez tardif dans sa production (1970) pour développer le thème du labyrinthe, même si c'est la première fois qu'il utilise le mot dans un titre (A maze of death en anglais).

En fait, c'est toute son oeuvre qui peut être vue comme la plus labyrinthique de la science-fiction, exploration d'un vaste dédale narratif et spéculatif dont le nom est Illusion (que d'autre appelle Réalité, bien sûr). Le dédale dickien est un simulacre dans lequel se perd l'homme, trompé à la fois par ses sens et une incapacité intellectuelle à déchirer le voile de l'illusion. Cette conception gnostique du monde qui a hanté toute la vie de l'auteur rejoint le labyrinthe de type médiévale pour sa représentation "infernale" du dédale (baptisé par Dick Prison de Fer Noir) mais aussi l'idée d'intériorité propre à la modernité (le labyrinthe est en l'homme autant que l'homme est en lui).

Mais outre ses considérations philosophiques, l'autre aspect labyrinthique de l'oeuvre dickienne vient du principe d'Incertitude qui imprègne tous ses écrits (et sa propre vie). Dick avait l'habitude de ne pas choisir un chemin (ou une explication) en particulier mais d'en proposer plusieurs, abandonnant l'un pour bifurquer aussitôt vers un autre, quitte à sombrer dans un maëlstrom de contradictions. Ce fait est particulièrement frappant dans son Exégèse, vaste ensemble non publié de spéculations qui s'étendent sur environ huit mille pages (!) et dans lequel l'auteur s'est perdu plus d'une fois.

On notera également que certains titres des éditions françaises évoquent le labyrinthe (le roman Dedalusman ou le recueil de nouvelles Dédales démesurés.

 

 

Et dans la bande dessinée ?

 

Je n'ai pas trouvé beaucoup de références au labyrinthe dans la bande dessinée (franco-belge), tout au moins en tant que décor significatif. Si vous avez des titres à donner...

Malgré tout, on peut considérer, d'un point de vue structurel, toute l'oeuvre d'Andréas comme un dédale narratif, en particulier dans les séries Arq et Capricorne, conçues comme de grands puzzles où les personnages - surtout dans Arq - évoluent dans un monde étrange sans en connaître les clefs. Car, chez Andréas, tout est déchiffrage, interprétation des signes, assemblage d'éléments disparates à condition d'en connaître l'ordre. Et même si le tracé est peu présent au sens propre, on le trouve tout de même sur le Cube Numérique (in Capricorne). Certains décors de la même série également : le réseau d'égoûts, la bibliothèque d'Astor, les souterrains aux peintures rupestres indiennes, etc...

Enfin, la composition éclatée des planches, où l'on passe rapidement d'un lieu à un autre, d'un événement à un autre. Une chose est sûre : Andréas n'est pas un partisan de la ligne droite.

 

Dans le tome 2 du triptyque fantastique L'état Morbide, de Hulet, le personnage se retrouve enfermé dans un dédale aux passages étroits, situé sous l'immeuble sinistre où il a élu domicile.

Un album de la série Pacush Blues de Ptiluc, Variations montre des rats parcourant le labyrinthe d'une vaste usine-laboratoire dans laquelle les rongeurs sont les cobayes d'expériences pharmaceutiques diverses.

 

 

Fin de la visite... mais nous n'en sommes pas sortis pour autant

 

A toutes ces oeuvres plus ou moins rattachées aux genres qui nous intéressent, nous pourrions en ajouter bien d'autres de la littérature générale et en particulier celles dont la parenté avec le labyrinthe vient de sa construction même : le livre-labyrinthe. Je n'ai pas consacré de paragraphe à ce sujet car les exemples dans les domaines fantastiques/SF me manquaient (à part La maison des feuilles de Zaniewski déjà cité plus haut).

 

Parmis eux, ceux du Nouveau Roman par exemple (Michel Butor, Alain Robbe-Grillet, etc...), le roman de Julio Cortazar Marelle qui peut se lire de deux manières différentes, selon deux chemins différents, Le Manuscrit trouvé à Saragosse de Jan Potocki (que je réserve pour un autre fil thématique). Et la nouvelle de J.L. Borges Le jardin aux sentiers qui bifurquent : commencé comme un récit d'espionnage, ce texte nous parle d'un homme qui aurait "écrit un livre et construit un labyrinthe". Celui-ci n'étant visible nulle part, un personnage constate que c'est le livre lui-même qui est un labyrinthe. En effet, à toutes les possibilités de développements du récit, l'auteur n'a pas choisi et a décidé de les adopter toutes simultanément.

Même idée avec Dans le labyrinthe d'Alain Robbe-Grillet où l'auteur imagine la même histoire selon plusieurs variantes.

Mais on est là dans l'expérimentation littéraire à la limite de l'illisible (et franchement, qui prend encore la peine de lire ces "nouveaux" romans aujourd'hui, rarement réédités d'ailleurs ?). Passons...

 

Et, bien sûr, tous les romans policiers à énigmes de type whodunit, chaque enquête étant un labyrinthe dans lequel évolue le détective.

Signalons aussi que tous les romans qui ont le mot "labyrinthe" dans leur titre ne sont pas pour autant "labyrinthiques" (Le labyrinthe de la solitude d'Octavio Paz), se résumant souvent à une simple métaphore qui ne dépasse pas celle du titre.

 

Enfin, j'aurais pu laisser une petite place aux jeux de rôle (de table ou vidéo) où des générations de joueurs, du Donjons et Dragons de Gary Gigax aux jeux vidéo sophistiqués actuels, ont arpentés et arpentent encore depuis trente ans bon nombre de labyrinthes, avec leur pièges, leur monstres et leurs trésors. Mais cela nous éloigne encore. A la rigueur, je pourrais avoir une pensée nostalgique pour certains Livre dont vous êtes le héros (on reste au moins dans le domaine du livre, à défaut de littérature) comme Le labyrinthe de la Mort de Ian Livigstone, Le Sorcier de la Montagne de Feu, etc...etc... En fait, beaucoup de ces livres-jeu étaient construits comme des labyrinthes.

Certes, on est loin de Borges, Lawrence Durell ou Kafka mais ne soyons pas bégeules : que le labyrinthe soit aussi un "simple" espace de jeu nous repose de toutes les cogitations qu'il suscite.

 

Par ailleurs, quel que soit l'anxiété ou même l'aliénation qu'il nous inspire, nous en tirons toujours un certain plaisir ludique indémodable.