Clean, Shaven
Genre: Thriller , Drame
Année: 1994
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Lodge Kerrigan
Casting:
Peter Greene, Robert Albert, Megan Owen, Molly Castelloe...
 

Plongeon vertigineux dans le monde de la schizophrénie, nous suivons au jour le jour le parcours d'un homme à la recherche de sa fille, laissant sur son chemin de nombreux indices qui commencent à inquiéter la police...

Réalisateur de l'excellent et très sombre "Claire Dolan", film traitant de la prostitution d'une manière assez froide, avec de la part du réalisateur un regard quasi clinique et un pessimisme non feint, Lodge Kerrigan s'attaque au travers de "Clean, Shaven" à un sujet souvent traité assez superficiellement au cinéma : celui de la schizophrénie et du regard que portent les gens sur ces personnes souffrantes, généralement poussées à vivre en marge de la société. Des individus que l'on ne comprend pas, et que l'on ne cherche surtout pas à connaître. C'est sur ce chemin plutôt tortueux que le réalisateur cherche à impliquer le spectateur, qui à la manière d'un juré dont les faits lui sont présentés, devra lui aussi trancher quant à la responsabilité de Peter dans les actes horribles qui lui sont attribués.

 

 

Kerrigan parvient sans aucun problème à scotcher le spectateur mal à l'aise à son siège, grâce à une mise en scène particulièrement réussie, basée sur de nombreuses actions se déroulant hors champ, nous laissant dans l'incertitude la plus totale quant aux agissements de Peter... Voila la plus grande force de ce film, nous sommes manipulés du début à la fin, on se questionne sans cesse sur les événements rapportés et la manière dont tout cela a pu se dérouler, sans qu'aucun élément ne se présente pour nous guider. À nous de trancher quant à la culpabilité ou non du malade, nous sommes à la fois juge et bourreau...

Nous allons donc suivre le quotidien de Peter, homme qui nous semble plutôt banal dans un premier temps, mais qui au fur et à mesure que l'on pénètre dans son intimité, nous apparaît être une personne malade, rongée par un mal invisible. Ses actes nous paraissent de plus en plus ambigus, et l'on se demande réellement quels rapports ou quels sentiments l'on pourrait éprouver face à une personne que l'on ne pourra jamais vraiment comprendre. Pour apporter un minimum de réponses, un second point de vue, qui se veut plus objectif, nous sera octroyé par intermittence, au travers de l'enquête que mène en parallèle la police sur des atrocités commises dans le coin.

 

 

Certaines scènes sont véritablement très fortes et assez dérangeantes, notamment celles qui nous font découvrir un peu plus en profondeur le personnage de Peter. Assommé par les bourdonnements et les grésillements qu'il entend sans cesse, Peter est persuadé que son crâne est un récepteur radio et un de ses doigts un émetteur. Anomalie qu'il va tenter sans succès de faire disparaître en s'automutilant.

"Clean, Shaven" met en scène un nombre très limité de personnages et propose peu de dialogues, alors que de son côté, la bande-son omniprésente finit par devenir oppressante et perturbante. Celle-ci est essentiellement composée de sifflements étranges, de grésillements radiophoniques, de grincements et autres bourdonnements déroutants qui viennent mettre un peu plus de distance entre le spectateur et Peter, tout en tentant adroitement de mieux nous plonger dans son monde. Si les quelques comédiens sont tous excellents dans leurs rôles respectifs, le mérite en revient surtout à Peter Greene. L'acteur porte véritablement le film sur ses épaules. Difficile de ne pas penser à certaines autres réalisations cinématographiques en visionnant "Clean, Shaven", "Henry, Portrait d'un Serial Killer" en tête, pour son ton cru et direct ainsi que son approche réaliste, "L'Étrangleur de Boston" de Richard Fleischer, ou encore les excellents et sordides "Schizophrenia" de Gerald Kargl et "Schramm" de Jörg Buttgereit. Comme ces titres, le film de Lodge Kerrigan s'avère assez perturbant, ne serait-ce que par le doute qui subsiste tout au long de ce dernier, jusqu'au final très noir, mais qui là encore une fois laisse libre cours à notre interprétation. Un film sombre, glauque, au pessimisme non feint et qu'il est difficile d'oublier par la suite. À noter qu'à l'instar de "Claire Dolan" ou du non moins excellent "Keane" du même réalisateur, le rythme lent du récit pourra en rebuter quelques-uns.

 

 

Carcharoth
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