Carnage
Titre original: Prime Cut
Genre: Polar , Action
Année: 1972
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Michael Ritchie
Casting:
Lee Marvin, Gene Hackman, Sissy Spacek, Gregory Walcott, Angel Tompkins, Janit Baldwin...
 

Nicolas Devlin, Nick pour les intimes (formidable Lee Marvin) est un torpedo, un tueur de la mafia de Chicago. Bien qu'il se soit rangé des voitures, comme on dit dans le milieu, il est un jour contacté par son ancien chef, un certain Jake. Le Jake en question a de sérieux problèmes avec l'un de ses bras droits, Mary-Ann (Gene Hackman), qui s'occupe du secteur de Kansas City depuis quelques années. Mary-Ann a tout simplement décidé de garder pour lui l'intégralité des gains que lui rapportent différents trafics (drogue et prostitution), derrière une couverture d'industriel de viande bovine. Jake lui a donc envoyé successivement trois de ses hommes afin de récupérer l'argent dû, soit la coquette somme d'un demi-million de dollars. Les trois hommes de main ont été éliminés, le dernier d'entre eux venant tout juste d'être réexpédié sous la forme d'un colis rempli de... saucisses ! C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase ; aussi Jake propose-t-il cinquante mille dollars à Nick afin de récupérer le fric et "mettre au pas" Mary-Ann.
Si Nick est l'homme de la situation, c'est parce qu'il connaît très bien Mary-Ann. Ils ont bossé ensemble à Chicago, autrefois. Autre point commun : Clarabelle ! Aussi vénale que superbe, elle fut la maîtresse de Nick et est à présent la femme de Mary-Ann. Ce dernier règne en maître sur la région de Kansas City avec quelques ex-mafieux de Chicago, mais surtout avec son frère Weenie, une brute à moitié débile, et obsédé sexuel de surcroît.
Afin de prêter main forte à Devlin, Jake lui prête trois adjoints, ainsi que le fidèle Shay, qui cumule les fonctions de chauffeur et de porte-flingue. Les cinq hommes embarquent à bord d'une limousine, les valises remplies de toute l'artillerie nécessaire. Direction : le Kansas !

 

C'est toujours un plaisir de se replonger dans les polars des années 70, et de constater que ceux-ci décevaient rarement le spectateur assidu du genre, même avec un scénario, à la base, d'une parfaite simplicité. Prime Cut en est un très bon exemple, et on ne remerciera jamais assez son auteur d'avoir pondu cette oeuvre rageuse et pleine de surprises. Le réalisateur a pour nom Michael Ritchie, un nom pas forcément connu en France. Il débuta dans le métier en réalisant quelques épisodes de diverses séries TV. Son premier film a pour cadre l'univers du ski : "Downhill Racer", avec Robert Redford et (déjà) Gene Hackman. Durant sa carrière, le sport aura d'ailleurs une influence majeure chez le cinéaste, qu'il s'agisse de baseball ou de football américain. En règle générale, Michael Ritchie fut plutôt un cinéaste "grand public", réalisant pas mal de comédies, dramatiques ou non ; mais en quelques occasions il bifurqua vers un cinéma de genre, comme dans "L'île sanglante". Néanmoins, on le connaît essentiellement pour des films tels "Fletch aux trousses" et "Golden Child, l'enfant sacré du Tibet".
Prime Cut est à mille lieues de ces films là, bien qu'il distille également une forte dose d'humour, mais noir. On notera aussi un certain décalage dans le nom de certains des protagonistes, faisant penser à Walt Disney (Weenie, Clarabelle). Et que dire du grand méchant appelé Mary-Ann ? Mais le film de Michael Ritchie ne se résume pas à cela. C'est un polar parfaitement maîtrisé du début à la fin, dynamique (aidé en cela par sa durée relativement courte : 86 minutes), qui comporte un nombre important de scènes marquantes (sinon anthologiques), avec des acteurs épatants à qui l'on a écrit des dialogues ciselés. On peut rajouter enfin une photographie somptueuse, et la partition musicale de Lalo Schifrin, imposante sans être magistrale. Inutile de revenir sur la carrière de Lee Marvin et Gene Hackman, on pourrait y passer des heures, et personne ne va remettre en cause le fait que l'on a là deux monstres sacrés. L'un comme l'autre sont impeccables dans le film, et il en va de même pour l'ensemble du casting.

 

Tous sont en effet dans le ton : Gregory Walcott ("Plan 9 From Outer Space", Sugarland Express) compose le pendant idéal de Gene Hackman, en frangin taré, bête mais inquiétant. Angel Tompkins, en Clarabelle, n'a rien d'une vache, bien au contraire. Voilà le prototype même de la femme fatale, blonde et pulpeuse, comme le furent également en leur temps Angie Dickinson ou Dyan Cannon dans le polar noir. Et puis, on découvre dans Prime Cut une jeune et jolie brune aux yeux de biche, Janit Baldwin, alors débutante. Sa carrière sera assez éphémère, mais on la verra cependant dans "Les marais de la haine", ainsi que dans "Ruby", de Curtis Harrington. Enfin, dans son premier véritable rôle au cinéma, Sissy Spacek éblouit le spectateur de par son talent et sa beauté. Sa carrière est désormais lancée avec Prime Cut, et l'année suivante elle confirmera dans "La balade sauvage" de Terence Malick, avant de connaître la consécration mondiale avec "Carrie", en 1976.
L'ouverture de Prime Cut frappe d'entrée les esprits. Dans les abattoirs de Mary-Ann, les bêtes sont acheminées jusqu'au premier maillon de la chaîne alimentaire : l'abattage ! Mais si les vaches sont exécutées "en douceur", il se trouve que l'œil averti aura remarqué un détail incongru. Sur l'un des bovidés destinés à devenir un produit de consommation, on distingue nettement le postérieur d'un homme. Mort ou non, peu importe, le corps dépouillé de tout vêtement est fracassé à coups de masse par Weenie, avant d'aller rejoindre les quartiers de viande animale. Il finira débité en tranches sur le tapis roulant ; une montre, une chaussure accompagnant tantôt un quartier de viande...
Autre scène forte : la vente privée de Mary-Ann dans son ranch, où, dans une étable gardée comme Fort Knox, des clients triés sur le volet peuvent acheter leur bétail. A un détail près, dans les enclos ce ne sont pas des bovins qui attendent leur sort, mais de jeunes femmes totalement nues, droguées, à moitié inconscientes, allongées sur la paille, et le regard vide. Devant le regard dégouté de Devlin, Mary-Ann répond avec le plus grand naturel : Viande de vache ou de fille, pour moi c'est du pareil au même. Du moment que ça paye... je vends !

 

 

Les scènes marquantes s'enchaînent ensuite les unes après les autres. On peut citer les deux frangins qui se bastonnent pour rigoler, devant les comptables médusés ; la foire agricole, avec fanfare, concours, animations et fête foraine, rameutant toute la faune locale, dont une galerie de péquenots, et le "service d'ordre" de Mary-Ann constitué de paysans blonds comme les blés, en salopette, ayant troqué la fourche pour le fusil de chasse. Et puisque l'on parle de chasse, Devlin et sa troupe vont vite devenir un gibier très prisé, un grand moment de suspense et d'humour noir (encore), culminant avec la mémorable fuite de Nick et Poppy (Sissy Spacek) dans les champs de blé, poursuivis par une moissonneuse batteuse ! En voyant évoluer Lee Marvin dans ce décor, on pense alors qu'Yves Boisset a été forcément marqué par Prime Cut lorsqu'il réalise "Canicule".

La scène est intense, et d'un impact visuel stupéfiant. La campagne est un cadre qui se prête bien au polar, quand cela est bien fait. Peter Weir saura exploiter des décors similaires dans son "Witness". Pour en revenir au film de Michael Ritchie, il est frappant de voir combien la nature et le temps sont autant mis en valeur. L'arrivée de Devlin et ses sbires à Kansas City, sous une pluie battante, marque déjà les esprits. Plus tard, c'est l'arrivée dans le repaire de Mary-Ann, sous un soleil de plomb, et les champs à perte de vue. Et puis, il y a la confrontation finale, dans le même cadre, mais cette fois sous un ciel d'orage, et un jeu de cache-cache dantesque dans un champ de tournesols, avec les "Mary-Ann's Boys" !

Pour en finir avec cet excellent film (honteusement inédit en DVD chez nous, mais on peut se procurer sur le net un import Zone 1 édité par Paramount, à prix modique, avec un beau master et une piste française), je citerai cette réplique de Clarabelle, étendue sur son lit, face à Devlin : Mary-Ann est à l'usine frigorifique, mais moi je suis dégelée !
Avec ses porte-flingues "classieux", ses mafieux dégénérés du Kansas, ses orphelines vendues en esclavage, droguées et prostituées, ses fermiers à la gâchette facile, l'inévitable femme fatale, et une moissonneuse-batteuse comme arme ultime, "Prime Cut" est à ranger parmi les très bons polars des seventies.

 

Note : 9/10

Flint

 

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