Bête aux cinq doigts, La
Titre original: The Beast with Five Fingers
Genre: Epouvante , Fantastique , Psycho-Killer
Année: 1946
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Robert Florey
Casting:
Peter Lorre, Robert Alda, Andrea King, Victor Francen, J. Carrol Naish, Charles Dingle, John Alvin...
 

Dans un village du nord de l'Italie au début du 20e siècle, Bruce Conrad, sympathique escroc, vit d'expédients. Il est l'un des commensaux attitrés de Francis Ingram, célèbre pianiste virtuose qui, devenu hémiplégique, s'est retiré dans une somptueuse villa des alentours. Autour de lui gravitent serviteurs et parasites plus ou moins louches, en particulier Hilary Cummins, son étrange secrétaire particulier féru d'occultisme. Ingram ne peut plus se servir que de sa main gauche, il n'en continue pas moins à pratiquer le piano et à exercer une domination étouffante sur son entourage, en particulier son infirmière personnelle, la jolie Julie Holden, pour laquelle il éprouve un très fort attachement. Un soir, alors qu'il se croit seul avec Julie, Conrad lui déclare sa flamme et lui demande de partir avec lui, Julie qui partage son amour accepte, mais Hilary qui a tout entendu s'empresse d'aller le raconter à Ingram. De rage, et malgré son infirmité, Ingram manque de peu d'étrangler ce messager funeste, tant la force concentrée dans son unique main valide est grande. Le soir même, troublé par des visions, il quitte sa chambre en pleine nuit et, en tentant de rejoindre Julie, se tue en dévalant un escalier.

 

 

Ce film "d'épouvante" de 1946 fait en quelque sorte le lien entre les grands classiques "d'horreur" des années 30 et ceux de la vague gothique à venir des années 50. La terminologie "épouvante" étant ici très relative même selon les critères de l'époque.
Il n'en reste pas moins un spectacle de très bonne tenue même si, à l'image des trucages de la "créature" du titre, il alterne l'excellent et le médiocre, l'empêchant de peu d'accéder lui aussi au statut de grand classique.

 

 

Le film peut se diviser en trois parties inégales (au moins en durée). La première, d'exposition, est, par exception, ici très réussie grâce à l'interprétation magistrale de Victor Francen qui arrive à rendre particulièrement inquiétant son personnage d'infirme.
Dans la deuxième partie, la plus longue, qui fait la part belle aux seconds rôles, nous assistons à une enquête policière teintée de fantastique.
Enfin, dans la dernière partie, le film bascule franchement dans le fantastique avec l'apparition de la "bête", mais avec des connotations (et une conclusion) "psychologiques". Cette dernière partie est entièrement dominée par l'interprétation de Peter Lorre qui donne beaucoup de sa personne. Le spectateur pourra, selon son humeur ou ses goûts, trouver le jeu, "très expressif", de Peter Lorre, génial ou irritant et sa perception globale du film en sera d'ailleurs affectée tant cette dernière partie repose sur les épaules (un peu avachies il faut le reconnaître) de l'acteur.
L'ensemble est baigné hélas dans un humour, certes bon enfant, mais pas très fin, comme la représentation assez caricaturale de l'Italie rurale des années 1900. Mais somme toute, dans ce dernier cas, on aurait pu avoir pire, comme la Mitteleuropa d'opérette des films d'horreur gothique, Transylvanie matinée de Bavière, difficile à situer temporellement.

 

 

Hormis, donc, ces touches d'humours, le scénario signé Curt Siodmak (le frère de Robert !) se tient. La réalisation signée du Français (à la carrière entièrement hollywoodienne) Robert Florey, sans être géniale, est fluide et élégante et les trucages globalement réussis. L'interprétation, quoique très marquée série B, est solide, même si parfois on a l'impression que les acteurs ne jouent pas vraiment dans le même film (surtout J. Carrol Naish et Lorre, le premier est dans une comédie policière pendant que le second nous refait "M le maudit"). Enfin, la musique qui joue un grand rôle dans ce métrage est excellente. Elle est signée Max Steiner et Victor Aller, ce dernier ayant réalisé la transcription pour main gauche au piano d'un concerto de Bach (le morceau qu'interprète Victor Francen à l'écran). Victor Aller a aussi servi de coach de piano à Victor Francen, plus de 200 heures de cours parait-il, avec un résultat à l'écran particulièrement probant.
Le casting du film a d'ailleurs un léger parfum français, même si seul le réalisateur Robert Florey possédait réellement cette nationalité. La sculpturale Andrea King (Georgette Barry de son vrai nom), principal rôle féminin, est née en France même si c'est une authentique américaine ; et il est inutile de présenter Victor Francen, le plus français des flamands et l'un des rares acteurs belges ayant réussi une carrière hollywoodienne. Sa carrière est d'ailleurs assez curieuse : premier rôle unanimement décrié par la critique française dans les années 30, exilé comme d'autres acteurs aux Etats-Unis durant la seconde guerre mondiale, il est l'un des rares à y percer, devenant un second rôle très apprécié, y compris plus tard par cette même critique française qui le snobait.
Acteur principal, Peter Lorre est ici physiquement à mi chemin entre le frêle jeune homme au jeu expressionniste de ses débuts germaniques, et la barrique à patte au visage trop bouffi par la graisse et l'alcool pour exprimer autre chose qu'un profond ennui qu'il deviendra dans les années 50, après l'échec de son retour en Allemagne. Dans le rôle du jeune premier (ou en tout cas ce qui s'en rapproche le plus) Robert Alda est excellent. New-yorkais d'origine italienne ayant fait ses armes dans le vaudeville, il est surtout connu pour être le père d'Alan Alda (qui lui ressemble physiquement beaucoup). Je serais moins enthousiaste concernant l'interprétation de J. Carrol Naish, grand spécialiste des rôles à accent, que son teint mate et son allure trapue (héritée d'ancêtres irlandais) ont spécialisé dans les rôles de "basanés exotiques" avec maquillage (mexicains, arabes, indiens d'Asie ou d'Amérique) et d'européens "rastaquouères" sans maquillage (français, italiens ou luxembourgeois !).

 

 

Pour résumer, malgré ses défauts mineurs, cette "bête aux cinq doigts" mérite largement d'être vue avec ses deux yeux (sauf par les borgnes, ça va de soi).

 

Note : 8,25/10

 

Sigtuna

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