Running in Madness, Dying in Love
Titre original: Kyôsô jôshi-kô
Genre: Pinku eiga
Année: 1969
Pays d'origine: Japon
Réalisateur: Koji Wakamatsu
Casting:
Ken Yoshizawa, Yoko Muto et Rokko Toura
 

"Running in Madness, Dying in Love", comme souvent avec Koji Wakamatsu, débute au cours d'une manifestation. Sur la toile, les émeutes cinglent, et ce par une poignée de prises de vues et autres photographies défilant en surimpressions. Il s'en suit un long travelling latéral, présentant un jeune activiste en fuite et prestement accompagné par un free jazz en roue-libre, "à toute épreuve". A l'arrière plan de sa folle course nocturne rayonnent les lumières de la ville. Et sur son visage perle du sang. Il ne fait pas bon lutter, mieux vaut s'enfuir.

 

 

Mais une fois à l'abri, là aussi, la dispute éclate. L'activiste est confronté aux mots de son frère, membre des forces de l'ordre. Ne supportant plus leurs jérémiades, que l'on devine alors quotidiennes, la femme de ce dernier interviendra et le tuera malencontreusement. Il naîtra dès lors une passion, un amour interdit conçu dans le sang et la colère ; deux nouveaux amants contraints à parcourir un Japon hostile.
Culpabilité, remords, mais aussi amour et plaisir, seront de la partie.
Comment échapper à un monde qui, après ce drame, les rejette immédiatement ? Comment dire non à un pays où la révolte est muette ?
"Running in Madness, Dying in Love" surprend. La couleur est utilisée pour les scènes dites "classiques" (soit la quasi-intégralité du film) et le noir et blanc pour quelques séquences "érotiques". En somme, un plaisant renversement des codes chers à Wakamatsu renvoyant aussi à l'idée qu'il disposait - peut-être - d'un cachet plus onéreux. Emettre l'idée d'un parti pris artistique va bien évidemment de soi.

 

 

Pourvu d'une aura "mystique" assez inhabituelle puisque rare jusque là dans le cinéma de Wakamatsu, le film illustre une histoire d'amour proche de la fuite de tout, même du temps ; un "flirt" tout particulier aux allures de "pause méditative" et où, d'ailleurs, nombreuses se feront les idées conceptualisant cette union : l'on retiendra par exemple cette épatante séquence où on les retrouve nus, blottis dans une cabane de paille - aucune information nous étant alors donnée sur leur situation géographique - et où seul reste à l'écran le monde tel qu'ils le voient. Etre à l'abri prend enfin tout son sens. La réflexion prône.
"Running in Madness, Dying in Love" n'est pas, malgré les apparences, dépourvu de point de vue politique ; bien au contraire, il y est question de la condition féminine au Japon. Disons juste que le traditionnel esprit contestataire n'y est plus (tout du moins à ce que l'on peut en voir), et le coeur aussi, sans doute. Koji Wakamatsu semble préférer revenir sur la fatalité d'une vie humaine difficile à appréhender, sur les contradictions d'une société qui l'attire et le repousse en même temps.
Ainsi, de leur refuge empaillé, nos évadés apercevront un groupe d'hommes fouetter une femme nue dans la neige, et ce car elle a voulu s'échapper de son village. En somme, la vision d'un avenir peu réjouissant. Ils interviendront à leur grand malheur.

 

 

Cette rêverie n'est certes que le produit de leurs pérégrinations mais pour Wakamatsu, c'est avant tout la création sur pellicule de l'avenir tel qu'il le pressent.
Quoiqu'il en soit, la mise en avant d'un temps présent, dévaluant largement la fonction du passé, lui a permis d'exploiter un cinémascope en couleur magnifique. Plus qu'une quête, le voyage des amants se présente tour à tour comme un voyage rédempteur, rêvé et purificateur. Ce sera donc dans la neige d'un Japon encore ancré dans sa campagne que s'achèvera le film, sous des airs de western (inspiration que l'on retrouve aussi dans "Naked Bullet"), le duel confrontant alors l'ordre à la révolte.
Intimistes, froids comme la mort et brûlants comme l'extase, l'amour et la folie n'ont jamais été aussi proches. Il suffit d'une oeuvre éclatée, d'un Wakamatsu, pour qu'un film s'impose comme une référence.

 

 

The Hard

 

En rapport avec le film :

 

# Coffret Koji Wakamatsu vol.2 - Blaq Out

 

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