Kin-dza-dza !
Titre original: Кин-дза-дза!
Genre: Science fiction , Comédie
Année: 1986
Pays d'origine: U.R.S.S.
Réalisateur: Georgi Daneliya
Casting:
Stanislav Lyubshin, Yury Yakovlev, Yevgeny Leonov, Levan Gabriadze, un nain en pantalon jaune...
 

Alors qu'il se rend au supermarché comme lui a demandé sa femme, le moscovite Vladimir Nikolayevich Mashkov est abordé par un jeune voyageur géorgien portant un étui à violon. Ce dernier lui demande de l'aider à secourir un autre voyageur manifestement dérangé, qui prétend venir d'une autre planète. En tentant de raisonner l'énergumène, Vladimir et le géorgien se retrouvent soudainement projetés dans le désert. Alors qu'ils pensent être au Kazakhstan, surgit dans le ciel un curieux aéronef ressemblant à un hangar en ruines. Il en descend deux espèces de clochards déguenillés s'exprimant dans un idiome étrangement répétitif. Ceux-ci s'intéressent fortement aux possessions des deux soviétiques. Nous sommes en pays capitaliste ! en conclut Vladimir...

 

 

Film culte en Russie et en Georgie, Kin-dza-dza ! est à bien des égards unique en son genre, et il est le seul film contre-utopique au sens premier du terme. Alors que les autres films étiquetés "dystopie" ne sont en fait que des films d'anticipation nous présentant un futur (plus ou moins) proche et (plus ou moins) cauchemardesque, ici ce sont bien deux représentants de notre monde et époque qui découvrent un autre univers et son fonctionnement (comme dans "L'Utopie" de Moore, sauf qu'ici c'est l'inverse d'une société idéale).
Mais ce n'est pas la seule différence. Alors que l'ensemble des autres films "contre-utopiques" ne brillent pas particulièrement par leur humour et leur finesse, Kin-dza-dza ! est lui une comédie satirique noire et grinçante, au comique absurde particulièrement brillant. Si l'on devait trouver un film se rapprochant du présent métrage, ce serait Brazil, dont le monde bureaucratique et kafkaïen porte en germe l'ubuesque et clochardisée galaxie de Kin-dza-dza ; et aussi parce que l'humour du film de Gilliam ressemble à celui de l'oeuvre de Daneliya.

 

 

Il serait tentant, mais inexact, de ne voir dans Kin-dza-dza ! qu'une satire du communisme, ou en tout cas d'un système soviétique qui vivait alors ses dernières années. De même, il serait faux de n'y voir, comme l'on cru (ou voulu croire) les censeurs soviétiques de l'époque, qu'une satire du capitalisme. Car ce sont bien les tares des deux systèmes, et même celles de l'ensemble des sociétés contemporaines (de l'époque), dont se moque Kin-dza-dza, tant Pluke/Plouc semble combiner tout ce que communisme et capitalisme ont de pire : monde policier dictatorial où règne l'arbitraire, matérialisme débridé et culte des richesses et du paraître poussé à son paroxysme. On peut aussi se contenter de suivre sans arrières pensées, à part s'amuser, les (mes) aventures picaresques de nos deux (anti)héros. Après tout, c'est, dit-on, le propre des grandes oeuvres d'être sujet à de multiples interprétations et de nombreux degrés de lectures.

Mais même si ses admirateurs le présentent comme le plus grand film de science-fiction de tout les temps, Kin-dza-dza ! n'est pas exempt de défauts. L'essence du "cinéma" ne se résume pas à un scénario original ou des dialogues brillants, sinon Guitry ou Michel Audiard seraient les plus grands réalisateurs français. Avec son image crasseuse (bien que ce soit en partie volontaire), ses scènes d'actions plutôt ratées (mais heureusement peu nombreuses), et ses effets spéciaux très limites (même pour l'époque), Kin-dza-dza ! donne souvent l'impression de n'être qu'un téléfilm. Ce qui est clair, c'est que son réalisateur n'est pas un virtuose de la caméra. Kin-dza-dza ! est en quelques sorte l'antithèse de son contemporain français, Le dernier combat, dont il partage l'esthétique des décors et des costumes et le budget minimaliste, mais est pour le reste l'exact opposé : un film "intelligent" mais très perfectible sur la forme.

 

 

L'interprétation, elle, est parfaite à une exception, de taille, celle du personnage du jeune Géorgien joué, comme un pied, par le néophyte Levan Gabriadze. Gabriadze est aussi le nom du co-scénariste du film, dont Levan est sans doute le fils ou un neveu. On comprend donc que parmi les tares de nos sociétés dont se moque Georgi Daneliya (lui même géorgien), dans son film, il n'y ait pas le népotisme. Stanislav Lyubshin, l'interprète de Vladimir, est lui impeccable, mais on retiendra surtout Yury Yakovlev et Yevgeny Leonov, dans leurs rôles de baladins minables d'un monde miteux, escrocs pathétiques et en fin de compte sympathiques. Ce métrage, qui ne fut pas un grand succès en salles, reçut lors des "Oscars soviétiques" une récompense pour sa bande-son, ce qui est particulièrement ironique pour un film ou on massacre au violon "Stranger in the Night" et des comptines russes (seul moyen de survie trouvé par les deux soviétiques dans leurs tentatives de regagner la Terre).

Vingt cinq ans après sa sortie, on pourrait penser que le message satirique de Kin-dza-dza ! est aujourd'hui dépassé. Après tout, l'U.R.S.S. n'existe plus et le libéralisme à tous crins des années 80 est passé de mode. Mais on aurait tort, car si une société combinant tous les défauts des systèmes capitalistes et communistes, et n'hésitant pas à exploiter ses ressources naturelles, quel qu'en soit le coût écologique ou humain, n'existait pas en 1986, il se pourrait qu'aujourd'hui, sur les côtes de la mer jaune...

 

 

Note : 8,75/10

Sigtuna

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