Le docteur Frankenstein vient de réussir à "battre la mort". Il s'est conservé lui-même pendant une heure en état de mort cardiaque. Il prouve ainsi qu'à la mort, l'esprit ne quitte pas le corps, au moins pas avant une heure. Il est assisté dans ses recherches par Hans, un jeune homme du village dont le père fut guillotiné pour meurtre ; et le docteur Hertz, médecin du village, dont il occupe le logis et apporte les fonds financiers. Christina est la fille du patron du restaurant, très belle mais souffrant d'une déformation du côté droit ; Hans en est pourtant éperdument amoureux. Un soir, trois jeunes riches "gentlemen", se croyant tout permis, font irruption dans le restaurant et se moque de la pauvre Christina.
L'un des premiers gros succès internationaux de la Hammer fut une version couleur du fameux "Frankenstein", intitulé "Frankenstein s'est échappé". Il n'en fallut pas plus pour mettre immédiatement en chantier un deuxième opus, La revanche de Frankenstein, qui n'eut pas le succès escompté par ses producteurs ; la série fut donc mise en vieille. Après six années de repos forcé, la Hammer décide alors de ressusciter de nouveau le baron.
Terence Fisher fut évidemment pressenti pour le réaliser ; malheureusement, il dut déclarer forfait à la suite d'un accident de voiture. C'est son assistant, Freddie Francis, qui le remplaça d'urgence. "L'empreinte de Frankenstein" est considérée par beaucoup comme le plus mauvais Frankenstein du cycle Hammer. Le quatrième épisode sera non seulement le vrai retour de Fisher derrière la caméra, mais aussi l'épisode le plus original, et sans doute le plus mésestimé de la série.
Le scénario explore cette fois un nouveau concept : celui du transfert de l'âme. Ainsi, selon certaines croyances, lorsqu'une personne meurt, son âme la quitte, raison pour laquelle son corps devient inerte. Il suffit alors de capturer celle-ci pour la transférer dans un nouveau corps. Très sceptique par nature, le docteur Frankenstein se livre (sur lui) à plusieurs expériences de mort, afin de prouver l'existence de l'âme ou d'un équivalent. Une fois convaincu, il décide de construire une machine qui pourrait "stocker" une âme avant de la transférer dans un autre corps. Parallèlement aux expériences du docteur, nous suivons l'histoire d'amour entre son assistant Hans et Christina, la fille d'un aubergiste (Susan Denberg, excellente !), défigurée et boiteuse. Les deux tourtereaux semblaient bien partis pour être heureux, mais les exactions de trois fils de bourgeois vont précipiter le pauvre Hans vers la guillotine et la pauvre Christina au suicide. Les deux amants vont alors, malgré eux, servir de cobaye aux expériences du docteur. En effet, ce dernier parvient à "ressusciter" Christina, tout en corrigeant ses infirmités. Mais quelques effets secondaires, que le docteur n'avait pas prévus, vont bien vite se faire ressentir.
C'est de nouveau l'incomparable Peter Cushing qui reprend le rôle du docteur (celui-ci ne laissera sa place qu'une seule fois à Ralph Bates pour "The Horror of Frankenstein"). Il est cette fois presque sympathique, allant même au procès de son assistant pour le défendre. Toujours impérial, Cushing "est" le baron Frankenstein, paria rejeté par la société pour ses expériences, mais dont le comportement ici n'est rien comparé aux prétendus "bourgeois" qui n'hésiteront pas à massacrer le père de Christina à coups de cannes, et à faire accuser le pauvre Hans. Les autorités ne valent guère mieux, avec le chef de la police qui trouve en Hans un coupable idéal, uniquement parce que son père fut guillotiné pour meurtre.
Comme à son habitude, le réalisateur tire à boulets rouges sur la société bien pensante ; mais pour une fois, l'amour sera plus fort que tout, et c'est de manière particulièrement originale que Hans réussira à épancher sa soif de vengeance. On peut souligner l'interprétation de Susan Denberg (ex Playmate), qui est loin d'être aussi désastreuse que certains le prétendent (à croire qu'ils n'ont même pas vu le film). Elle est à la fois émouvante et séduisante, dans son rôle d'infirme, et cela malgré son maquillage (comme le montre cette magnifique scène où l'actrice cache son visage avec ses cheveux). Dommage que sa carrière ait tourné court (ses excès en tout genre étaient déjà, en partie, la cause de son exil en Angleterre), et qu'elle se soit faite rattraper par ses démons (notamment la drogue), avant de sombrer dans la folie et de disparaître (on parle d'internement dans un asile, d'autres prétendent qu'elle est devenue stripteaseuse !).
Cette fois, Terence Fisher choisit la sobriété (en effet, il y a peu de sang dans le film, et pas de scènes d'opération), mais il nous concocte néanmoins quelques passages chocs particulièrement réussis et visuellement splendides, notamment lorsque Christina saisit un hachoir à viande dans la cuisine, le tout dans une ombre éclairée de rouge... magnifique. On retiendra surtout le final, où la belle Christina se met à éliminer les assassins de son amant et de son père, tout en gardant précieusement la tête de son bien-aimé près d'elle. Ce qui nous donne une scène extrêmement troublante, dans laquelle la tête de Hans parle avec la voix de Christina, et inversement. De nouveau, Fisher nous démontre son savoir faire et son sens du spectacle et de l'image, en illustrant avec brio un scénario un peu bancal. C'est d'ailleurs le principal défaut du film, les deux histoires ont parfois du mal à coexister, cassant parfois le rythme du récit. Mais le résultat est loin d'être déshonorant et Fisher, qui entame ici la seconde partie de sa carrière au sein des célèbres studios anglais (après avoir réalisé en solo deux films de science-fiction mineurs mais grandement sympathiques), atteint le sommet de son art, et signe non pas un film d'horreur mais bien un drame shakespearien sur l'amour entre deux êtres purs mais soit disant "différents" (une infirme et le fils d'un meurtrier). Le film devient alors un plaidoyer cinglant sur le droit à la différence et à la tolérance.
The Omega Man
En rapport avec le film :
# Il existe une série de photos publicitaires réalisées à l'époque avec Peter Cushing et Susan Denberg, elles représentent des séquences qui n'apparaissent pas dans le film. Ces photos sont en fait là pour illustrer le titre du film, on y voit les deux acteurs dans diverses pauses qui mettent en scène la résurrection de Christina (qui n'est que suggérée à l'écran). Ces photos sont peut-être plus célèbres que le film en lui-même (elles furent même utilisées sur certaines affiches) et on été publiées dans tous les bons magazines de genre qui se respectent. En tout cas, grâce à ces clichés, la belle Susan est devenue une des icônes du studio anglais et ne sera jamais oubliée.
# Pour info, la série des Frankenstein produite par la Hammer se compose de sept films: Frankenstein s'est échappé (The Curse Of Frankenstein, Terence Fisher, 1957) ; La revanche de Frankenstein (The Revenge Of Frankenstein, Terence Fisher, 1958) ; L'empreinte de Frankenstein (The Evil of Frankenstein, Freddie Francis, 1964) ; Frankenstein créa la femme (Frankenstein Created Woman, Terence Fisher, 1967) ; Le retour de Frankenstein (Frankenstein Must Be Destroyed, Terence Fisher, 1969) ; Les horreurs de Frankenstein (Horror of Frankenstein, Jimmy Sangster, 1970) et Frankenstein et le monstre de l'enfer (Frankenstein and the Monster from Hell, Terence Fisher, 1973)
# Selon ce site la voix de Susan Denberg fut doublée pour ce film en raison de son fort accent.
Elle serait devenue stripteaseuse en 1972 avant d'être internée en 1975... Aucune info après 1976, hélas.
* La bande-annonce originale :