Mad Detective
Titre original: San taam
Genre: Polar , Thriller , Fantastique
Année: 2007
Pays d'origine: Hong Kong
Réalisateur: Johnnie To & Wai Ka-Fai
Casting:
Lau Ching-Wan, Andy On, Lam Ka Tung, Kelly Lin, Eddie Cheung...
 

L'inspecteur Bun est complètement frappé. S'il a résolu énormément d'affaires, il est de plus en plus atteint d'une sorte de folie furieuse qui s'exprime de différentes façons. Par ses paroles évidemment, quand il parle à des êtres qui ne sont pas là (ou en tout cas invisibles au commun des mortels), et par ses actes, souvent déroutants et effrayants : c'est ainsi qu'il se coupe l'oreille pour l'offrir en cadeau à son supérieur qui part en retraite, parce que celui-ci a le coeur pur...
Décidément trop timbré, il est mis à l'écart de la police et poursuit sa vie en compagnie de sa femme qu'il aime plus que tout et qui le recadre régulièrement. Sauf que, de femme il n'y a point, il s'agit là encore d'une illusion, d'une fuite dans l'imaginaire de l'ex-inspecteur Bun, d'une rêverie éveillée et plus ou moins admise par ceux qui ont l'habitude de le côtoyer, comme ce restaurateur expliquant qu'un jour il était venu sans elle et avait fait comme si elle était là et qu'il avait donc imaginé qu'elle était décédée et n'avait pas osé le lui demander.

 

 

De son côté, le jeune inspecteur Ho piétine dans une enquête concernant deux collègues flics qui étaient sur une même mission en forêt : l'un, toujours en activité, et l'autre qui a disparu mais dont l'arme a servi plusieurs fois pour des braquages violents parfois accompagnés de meurtres. Ho, voulant sortir de l'impasse dans laquelle il se trouve, se décide à faire appel aux services de Bun, ramenant celui-ci avec bonheur au coeur même d'une enquête policière. Très rapidement cependant, Ho s'interroge et s'inquiète : les actes de Bun sont tellement fantasques et parfois dangereux (pour comprendre, par exemple, comment s'était déroulé un braquage sur lequel travaille Ho, il "attaque" trois convoyeurs de fond ébahis avec son index en guise de revolver) qu'il doute un temps du bien-fondé de sa démarche. Mais Ho choisit de le suivre néanmoins et de le laisser poursuivre ses investigations à sa façon. Il accepte même une invitation à diner au restaurant, avec leurs conjointes respectives, Ho venant avec la sienne, réelle, tandis que Bun plaisante, discute et rit avec ses nouveaux amis et son épouse invisible.

 

 

Bun a un don : il voit les "démons intérieurs" qui habitent en chacun de nous et se manifestent parfois, construisant ainsi notre personnalité. Et sa vision de l'enquête l'amène à penser que le policier disparu a été tué par Ko Chi Wai, son collègue qui l'accompagnait en mission ce jour-là et qui ne se déplace presque jamais sans ses sept personnalités ! D'ailleurs Bun voit Ko en groupe, lorsqu'il marche dans la rue, mais seul à table (et dans ce cas-là il a le visage d'un gros gourmand), parfois à deux, notamment quand c'est la femme du groupe, la plus intelligente, qui prend le dessus sur les autres pour dicter à Ko ses actes et ses paroles. Un Bun extra-lucide d'une part, un Ko multiple de l'autre et, au milieu, un Ho qui ne sait plus que penser : Bun est-il juste complètement fou ou a-t-il vraiment une sorte de don ? Ce qu'il dit a-t-il du sens ou est-ce totalement sans fondement ? Et, par ricochet, Ko est-il un flic meurtri par la disparition de son ex-partenaire ou celui qui l'a assassiné ?
Naviguant entre folie et réalité, Bun prend de plus en plus son indépendance sur Ho, allant jusqu'à lui subtiliser son arme et son badge et même à s'en servir ! Ho se retrouve avec une enquête inaboutie sur les bras plus un ex-flic frappadingue parti avec sa voiture après l'avoir enterré vivant pour une reconstitution encore une fois périlleuse...

 

 

Le début du film désarçonne, avec un Bun vraiment complètement hors-limites, donnant de violents coups de couteau dans un cochon mort, se faisant enfermer dans une valise et jeter dans les escaliers, se découpant l'oreille pour l'offrir à son chef... Bon, c'est bon les gars, a-t-on envie de dire, vous n'en faites pas un peu trop, là ? Mais la suite prend un bien meilleur tour lorsqu'on comprend que Bun a été viré (le contraire aurait paru absurde) et que son monde n'est pas tout à fait le même que le nôtre puisque peuplé d'êtres invisibles capables de lui parler.
Le spectateur ne comprend pas tout de suite que certaines personnes n'existent pas et, lorsqu'il a compris, ne sait plus toujours si Bun parle vraiment à quelqu'un ou non. Lorsqu'il est seul, c'est en effet beaucoup moins clair que lorsqu'il est en duo avec Ho auquel on peut beaucoup plus facilement s'identifier.
Et cette façon d'être entre deux eaux, entre deux mondes, qui nous donne à voir la même chose que Bun à certains moments et la même chose que Ho à d'autres instille constamment le doute mais finit par persuader que Bun est dans le vrai, et que le Ko qui marche dans la rue en sifflotant, d'abord seul, puis à sept, est bien une seule personne à personnalités multiples. A moins que pas du tout et que Ko ne soit véritablement que ce flic un peu à la marge et parfois un peu voleur mais qui n'a pas pour autant dégommé son collègue... Bref, on ne sait plus et on se laisse embarquer d'autant plus facilement dans une intrigue un peu tortueuse et déroutante pendant un bon bout de temps avant de fatiguer et de se lasser. "Il n'est pas facile d'être moi" dit Bun, lorsque Ho veut se faire enterrer vivant à sa place (oui, ils finissent par tous être dingues !). Et c'est vrai que ce n'est pas facile car à force de le suivre et de patauger dans ce marais trouble du vrai-faux entremêlé on décroche quelque peu quand l'heure de film approche... avant que l'intérêt ne se relance et nous mène jusqu'à un final plein de miroirs brisés et de personnalités s'y reflétant brillamment mis en scène.

 

 

C'est bien écrit, un peu trop alambiqué parfois, mais, au final, il en ressort un univers original passionnant et très cinégénique. Filmé à quatre mains par Johnnie To et Wai Ka-Fai, la plupart des séquences offrent leur lot de passages derrière le miroir, de visions de l'invisible et de paroles étonnantes. Toujours sur la corde raide, on ne sait plus à quoi s'en tenir et on doute des propos de Bun lorsqu'on s'identifie à Ho puis des actes de Ko lorsqu'on s'identifie à Bun, etc. C'est évidemment un spectacle très manipulateur mais qui gagne presque totalement la partie en nous montrant ce qu'il nous montre. Lau Ching Wan (Full Alert) est de plus un Bun totalement crédible, inspirant de la compassion mais effrayant aussi dans son jusqu'au-boutisme et ses actes insensés. Bien secondé par un Ho en proie au doute et un Ko inspirant la défiance, il achève de donner à ce Mad Detective une patte bien particulière et teintée de folie.

 

Bigbonn

 

En rapport avec le film :

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