Norway of Life
Titre original: Den brysomme mannen
Genre: Comédie , Fantastique
Année: 2006
Pays d'origine: Norvège
Réalisateur: Jens Lien
Casting:
Trond Fausa Aurvaag, Petronella Barker, Per Schaaning, Birgitte Larsen, Johannes Joner, Anders T. Andersen, Ellen Horn...
 

Sur un quai de gare, Andreas regarde un couple s'embrasser à pleine bouche. D'un air las, il finit par les quitter des yeux pour regarder fixement devant lui. Quand un train arrive, il se jette sur les voies...
Dans une vallée aride plantée d'immenses poteaux électriques, un homme accroche une banderole sur une petite station service désaffectée. Un bus avance sur une route non goudronnée et s'arrête. Andreas en descend mais, visiblement, du temps a passé depuis son suicide : il a les cheveux et la barbe en bataille, la tête coiffée d'une casquette, le visage un peu sale et le costume cravate couvert de poussière. Il se plante devant la station service et lit la banderole : Velkommen, bienvenue. L'homme qui l'avait accrochée la décroche alors et invite Andreas à monter dans sa voiture, un vieux modèle de chez Panhard. En quelques mots, il lui explique qu'il le conduit chez lui, à sa nouvelle adresse, puis lui donne les informations concernant son travail. Hagard, Andreas découvre son appartement, puis sa barbe dans le miroir de la salle de bains. Le lendemain, rasé de près, il va prendre ses fonctions et rencontrer ses nouveaux collègues.

 

 

Drôle de film que celui-ci où le héros, mort dans les premières secondes, fait connaissance avec une autre vie, dans une ville propre, calme, peuplée de gens dont les préoccupations premières sont la décoration de leur appartement et le bien-être matériel. Côté positif : le boulot est cool et le chef encore plus, on ne lui demande vraiment pas grand-chose à ce niveau. Par ailleurs, les rencontres sont faciles et Andreas se retrouve rapidement au lit avec Ann-Britt, belle brune qui se pique de design et avec laquelle il s'installe, se lançant dans l'aménagement intérieur à grands coups de cloisons abattues, d'enduits posés, de peintures et tout le bataclan. Côté négatif : l'alcool ne saoule pas et rien n'a de goût. Les odeurs ont aussi disparu et les émotions sont comme bannies au profit d'une représentation du bonheur parfait ressemblant à celui d'une publicité sur papier glacé.
Andreas flippe un peu et cherche le bonheur dans les bras d'Ingeborg, une jolie blonde qui s'est laissé séduire sans poser de difficultés. Mais c'est une musique qui va l'attirer chez un autre individu réfractaire à ce nouveau monde et les guider tous les deux vers une fente dans un mur. Une fente... A élargir, à pénétrer pour s'y installer, comme dans un cocon rocailleux mais doux comme le ventre d'une mère. A explorer pour en voir le bout, là-bas, d'où proviennent de la lumière et des odeurs... Une renaissance possible ?

 

 

Norway of Life est un film sur la mort ponctué d'un humour noir et réjouissant asséné par petites touches. Un film sur la vie qui est comme la mort : une vie purement matérielle et sans émotions, une vie vide de sens où les seuls enthousiasmes concernent le choix d'un nouveau canapé ou la couleur du papier peint et où les relations humaines se réduisent à des apparences ou des fictions de bonheur d'être ensemble. Un repas pris avec des convives où le vin n'a pas de goût, où les mets sont sans saveur, quel intérêt ? Des relations sexuelles purement mécaniques et fonctionnelles, pour quel plaisir ? C'est évidemment à une satire en règle du mode de vie occidental et plus particulièrement scandinave à laquelle se livre Jens Lien, le réalisateur : dans ce monde où tout n'est qu'apparence, où tout est lisse et propre, la venue d'un être qui ne s'y résout pas fait tâche. Il n'est pas tout à fait le seul d'ailleurs, même si chacun regarde ailleurs lorsqu'un type se suicide en sautant de son immeuble de bureau pour s'empaler sur les grilles un peu plus bas.
Mais est-il possible de mourir lorsqu'on est déjà mort ? Ou cela ne revient-il qu'à se faire un peu mal avant de reprendre à zéro, dans un éternel recommencement propice à la paranoïa. Peut-on d'ailleurs faire ce que l'on veut dans ce monde et chercher une autre voie, un retour à la vie, ou est-on prisonnier ici, où que ce soit ? "Le prisonnier", justement, voilà une série à laquelle on pense, sauf qu'ici il n'y a pas de numéros, que tout le monde a un nom mais que l'univers se borne à la ville comme celui du Numéro 6 se limitait à un village. Des hommes en gris dans des voitures grises et sans charme sont d'ailleurs là pour récupérer Andreas lorsqu'il dérape et pour le ramener chez lui. Une bonne occasion de rire, d'ailleurs, en voyant notre antihéros sanguinolent après avoir pris le train en marche (et surtout en pleine tronche) retrouver une femme absolument indifférente à son état et lui disant que "Norby a proposé d'aller faire du karting samedi", comme si de rien n'était.

 

 

Se satisfaire de son sort ou essayer de le changer, accepter un monde bien terne derrière ses apparences clinquantes ou le refuser, vivre dans la fadeur ou chercher le bonheur dans la fuite, les choix d'Andreas évolueront au cours du film, nous menant assez lentement le plus souvent, mais avec de belles accélérations parfois, vers une fin ouverte laissant le spectateur se démerder avec tous ces éléments. Belle réussite, en tout cas, d'un cinéaste norvégien s'attaquant au matérialisme de notre temps avec imagination, humour noir et beaucoup de talent. A cet égard, la prestation de Trond Fausa Arvaag est tout à fait convaincante, tant dans son désespoir initial que dans sa révolte ou dans ses moments d'hébétude. Norway of Life, c'est le parcours d'un homme gênant (titre initial norvégien) qui est mort et ne peut plus mourir mais ne se résigne pas à vivre sa vie de mort et emmerde donc le monde en bousculant les normes et les habitudes. Très chouette film, donc, fort justement récompensé par le grand prix et le prix de la critique à Gérardmer, en 2007, mais aussi à Cannes, en 2006, à la semaine internationale de la critique.

 

 

Bigbonn


En rapport avec le film :

# La fiche dvd Imagine Film de No(r)way of Life

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