Quelque part en France, au début du XXème siècle – Une rafle de la police dans le bordel de Madame Loulou entraîne la fuite de deux des prostituées de l'établissement : Célestine (Lina Romay) et Jeannine. Poursuivies, elles se quittent précipitamment, Célestine finissant par échouer aux abords d'un château. Celui-ci appartient à une vieille famille aristocratique, les de la Bringuette. Une dynastie répartie sur trois générations avec le duc assumant le rôle du patriarche un peu sénile (Howard Vernon), son fils le comte Fernand (Olivier Mathot), marié à la frigide Hermonie (Nadine Pascal), et enfin la dernière génération, composée de Marc, le fils du comte, et de Martine (Pamela Stanford), cousine de ce dernier et particulièrement coincée.
Voilà pour la noblesse, passons à présent au personnel du château. Il y a Malou le majordome (Richard Bigotini), Mademoiselle Ursule (Monica Swinn), dame de compagnie, Sébastien le jardinier et sa femme qui travaille aux cuisines. Grâce à leur aide, Célestine se fait engager comme bonne. Très vite, cette dernière fait l'unanimité, aussi bien au sein de ses collègues que de ses employeurs. Il faut dire que Célestine, qui prône l'amour libre, n'hésite pas à effectuer des heures supplémentaires avec tous les hommes vivant au château (excepté le vieux duc, à qui elle fait la lecture... d'œuvres érotiques), mais aussi à Madame Ursule. Seules la femme du jardinier, jalouse, et la comtesse Hermonie, bigote, ne partagent pas la frénésie sexuelle qui règne désormais en ces lieux.
Célestine, bonne à tout faire est une libre adaptation d'un roman d'Octave Mirbeau (1848-1917) : Le journal d'une femme de chambre, publié en 1900. L'ouvrage sera notamment adapté au cinéma par Jean Renoir en 1946 et Luis Buñuel en 1964. Cette peinture au vitriol de la classe bourgeoise devient, sous la houlette de Jess Franco, une simple comédie érotique aux allures de vaudeville, de théâtre de boulevard. Si bien qu'à la vision de ce Célestine..., on pense plus à Feydeau ou Labiche qu'à Mirbeau (cela explique peut-être le fait que celui-ci ne soit pas crédité au générique). Produit de commande, à la demande de Robert de Nesle, Célestine, bonne à tout faire peut se voir avant tout comme une ode à l'amour libre, au sexe ludique et sans tabou.
On retrouve au sein du casting une bonne partie des acteurs attitrés du réalisateur, parmi lesquels Howard Vernon, qui en fait des tonnes dans la peau d'un vieux grabataire féru de littérature érotique, Olivier Mathot, Monica Swinn ou encore la sublime Pamela Stanford (de son vrai nom Monique Delaunay). On notera également la présence de Nadine Pascal, ici méconnaissable dans son interprétation de la comtesse frigide (mais qui se dévergondera par la suite, fort heureusement). Nadine Pascal jouera dans quelques films hard par la suite ainsi que dans plusieurs comédies érotiques d'Erwin C. Dietrich, notamment au côté de Brigitte Lahaie.
Et Lina Romay, dans tout cela ? Et bien, elle est tout simplement prodigieuse, à la fois d'un naturel déconcertant, impudique et sensuelle, drôle et sensible. Il s'agit là de l'une de ses plus belles prestations, d'un véritable premier rôle, comme dans "La comtesse noire", sauf que dans Célestine... ses dialogues sont beaucoup plus riches et sa palette artistique plus variée, passant du drame à la comédie avec une facilité qui force le respect. Elle n'aura pas toujours des rôles de cette envergure, dommage pour l'actrice espagnole qui nous a malheureusement quittés en février 2012 à la suite d'un cancer.
En résumé, Célestine, bonne à tout faire n'est probablement pas un film majeur de Jesus Franco. Cependant, cette comédie grivoise non exempte de quelques fautes de goût (certains dialogues, quelques gags un peu lourds, la musique trop répétitive du duo Toussaint/Senneville et le jeu limité de Ramon Ardid) se regarde avec plaisir. On appréciera sa belle photographie, et l'effort pour rendre crédible sa situation dans la France des années 1900, en partie grâce au travail effectué sur les costumes. Et puis, certaines scènes sont franchement réussies, comme celle de la messe en "latin de cuisine" rappelant la veillée mortuaire de Christina chez les morts-vivants, et surtout le passage voyant tous les amants de Célestine surgir les uns après les autres dans sa chambre, et devant se cacher tant bien que mal dans des endroits incongrus. Le trait est certes forcé, mais au final, et avec le recul, Célestine, bonne à tout faire reste un spectacle somme toute divertissant, et un cru honnête de la part du réalisateur.
Flint
En rapport avec le film :
# La fiche dvd Artus Films de Célestine, bonne à tout faire