Attila, fléau de dieu
Titre original: Attila
Genre: Aventures , Peplum
Année: 1954
Pays d'origine: Italie / France
Réalisateur: Pietro Francisci
Casting:
Anthony Quinn, Sophia Loren, Henri Vidal, Ettore Manni, Colette Régis, Claude Laydu, Irène Papas, Christian Marquand...
 

Le roi des Huns, après avoir balayé différentes tribus et leurs alliés à travers les steppes d'Asie et des deux empires romains, lègue son trône à ses deux fils. Le premier, Bleda (Ettore Manni), las de la guerre et de voir son peuple souffrir de la faim à la suite de sanglantes campagnes, entend entretenir la paix avec Rome et devenir leur allié. Attila (Anthony Quinn), son frère, croit quant à lui à la puissance des armes et nourrit des ambitions plus expansionnistes.

Le général romain Aethius (Henri Vidal), qui a toujours entretenu une amitié avec Bleda et Attila suite à d'anciens échanges d'esclaves, est dépêché sur place par Valentinien afin de négocier la paix avec les deux chefs barbares. Il n'obtient pas de paix véritable mais parvient à obtenir une promesse fragile de la part d'Attila. Une promesse qui sera vue d'un très mauvais oeil à Rome par Valentinien César (Claude Laydu), être veule, sadique et lâche, ainsi que par l'impératrice Galla Placidia (Colette Régis), elle-même veuve d'un roi barbare. Cette dernière refuse les termes de la paix imposés par Attila et fait emprisonner Aetius qui refuse toujours de prendre le pouvoir avec Honoria (Sophia Loren), la soeur de Valentinien. La princesse ambitieuse et rusée offre bientôt sa main et l'empire en dot à Attila...

 

 

Produit par Dino De Laurentis en pleine vague péplum (même si le genre n'a pas encore atteint son âge d'or), Attila bénéficie d'un budget confortable, ce qui fera dire plus tard à Anthony Quinn qui, à la même époque tournait "La strada" en Italie, qu'il touchait pour Attila un cachet bien supérieur pour un résultat bien inférieur. La réalisation en est confiée à Pietro Francisci qui n'a pas encore tourné les réputés Les travaux d'Hercule ou Hercule et la reine de Lydie mais sort toutefois de plusieurs films d'aventures qui l'ont fait remarquer, dont, par exemple, "La reine Saba" avec Leonora Ruffo dans le rôle-titre. Le producteur Dinosaure, fort de l'expérience d'"Ulysse" qui engrangea en son temps de belles recettes tandis qu'il produisait aussi "La strada", toujours avec Anthony Quinn en tête d'affiche, lui propose une nouvelle collaboration.

En amont, le script est confié à Ennio De Concini qui s'était chargé du scénario d'"Ulysse" qu'il écrit alors avec un Primo Zeglio au sortir d'un "Néron et Messaline" comme réalisateur (et avec Yvonne Sanson dans le rôle de l'impératrice, ça ne s'invente pas !). Vient se joindre à eux un jeune homme d'à peine 24 ans qui traîne ses guêtres à Cinecitta et fera ses classes pour l'occasion avant de se rendre célèbre durant les années 70 avec "Point limite zéro" ou "Le convoi sauvage" : Richard C. Sarafian. Anthony Quinn, alors en Italie, accepte le rôle et le film se tourne en coproduction avec la France. On engage aussi Henri Vidal pour rejouer à peu de choses près son rôle dans "Fabiola", autre coproduction franco-italienne d'envergure dans laquelle on trouvait même Michel Simon dans un rôle important de sénateur (Fabius Severus Sancontaminus)...

 

 

Résultats des courses : Huns pour tous, tous pour Huns ! Le film lors de sa sortie dépasse toutes les espérances et atteint en à peine deux semaines les 2 millions de dollars de recette. Pourtant, malgré l'importance du projet, Attila est froidement accueilli par la critique. Au fil du temps celui-ci tombera petit à petit dans l'oubli, et les occasions de le voir se feront de plus en plus rares.

A le revoir aujourd'hui, celui-ci est aussi inégal que son casting et que son scénario. D'un côté, les aberrations historiques sont légions (romaines) mais de l'autre, Attila fléau de dieu a le mérite de coller à la réalité : ainsi peut-on y voir une tribu divisée en clans, cherchant une politique commune (tendant toujours vers l'expansionnisme à l'instar de Rome, que ce soit de façon belliqueuse ou pacifique) sans pour autant parvenir à trouver un accord, ainsi que les tributs que récoltaient les Huns des Romains avec lesquels, rappelons le, ils étaient alliés. Ailleurs, Romains et Huns s'affrontent dans une bataille sans merci alors qu'en réalité ceux-ci s'attelaient alors à combattre à deux endroits distincts, deux contingents venus de Germanie. Mais le pire viendra dans un final que même un Mel Brooks dans sa plus lourde parodie aurait renié : Attila, chef d'orchestre de massacres sans nom, se soumet d'un seul coup d'un seul à la volonté divine d'un dieu auquel il n'a jamais cru. Il suffit d'une rencontre avec un groupe de Chrétiens en chemises de nuit et de quelques paroles soi-disant sages (que personne hormis lui n'a pu entendre) pour que notre Attila file enfin droit et renonce à la guerre. Le film se retrouve alors à un niveau de propagande catholique confinant à une dantesque crétinerie et il paraît impossible, même 50 ans après de tolérer un discours aussi puant qu'un pet de Ron Hubbard. Mais ce n'est pas tout...

 

 

Rien à redire sur Anthony Quinn qui en impose en chef Hun : affublé de plumes de corbeau qui lui siéent bien, il parvient à transcender avec une belle santé un personnage aux contours de comics. Irène Papas est ici somptueuse dans un rôle en retrait, mais celle qui remporte haut la main la partie et qui n'a rien d'une quiche, c'est sans conteste Sophia Loren : à la fois garce, manipulatrice et lucide, sa présence relève le niveau à bien des égards et relance en même temps les enjeux d'un film en train de s'enliser. Ettore Manni, passe encore, mais le falot Henri Vidal est égal à lui-même dans un rôle falot. Et il y a pire ! Christian Marquand avec un chignon mongol, c'est déjà limite, Colette Régis (habituée aux rôles de parigote) en impératrice c'est n'importe quoi : imaginez une héroïne de "L'assommoir" de Zola téléportée dans une arène de gladiateurs et vous ne serez pas loin de ce à quoi on assiste. Mais celui qui fait franchir à Attila fléau de dieu la limite de l'acceptable (en même temps que celle du ridicule), c'est Claude Laydu, tout droit sorti de "Un journal d'un curé de campagne" de Robert Bresson et s'évertuant ici à imiter Peter Ustinov dans "Quo Vadis ?" version Zaza Napoli-Roma capricieuse. Ses apparitions, à l'exception de la décapitation d'une danseuse qui n'en avait pas tant demandé, sont calamiteuses. Il faut le voir pleurer sur le sort réservé à sa pauvre panthère qui, par vengeance, vient de se faire trucider... on lui eu donné un tapis entre les mains qu'il n'aurait pas été plus consternant.

 

 

Dommage donc que tant d'inégalités de traitement viennent ternir un spectacle par ailleurs pas forcément déshonorant. Le conflit entre les deux frères Huns se tient, le rythme, sur une durée courte avoisinant les 80 minutes ne faillit que rarement (même si l'on peut qualifier une bonne partie du film de bavard), et certaines séquences parviennent à posséder une sorte de souffle sauvage, une grandeur violente et sadique qui ne font pas de quartier. Idem pour les destins croisés mis en scène, lesquels rencontreront à l'unanimité leur fatalité (à l'exception de cette fin à renvoyer au Vatican avec demande de dommages et intérêts).

Dans l'ensemble, si l'on considère que le genre péplum, de par son style qui tient de l'imagerie populaire et ses intrigues fondées sur l'obligatoire trio : amours, aventures, et héroïsme, relaye directement l'univers des bandes dessinées et du roman-feuilleton, Attila fléau de dieu est un spectacle très honnête. Il est à regretter cependant, qu'une fois gardé le meilleur, le reste ne soit pas au niveau. Sans cela, l'entreprise aurait pu être une véritable réussite artistique en plus d'un antique succès public.

 

 

Mallox

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