Inconnus dans la ville, Les
Titre original: Violent Saturday
Genre: Drame , Film noir
Année: 1955
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Richard Fleischer
Casting:
Victor Mature, Stephen MacNally, Virginia Leith, Lee Marvin, J. Carrol Naish, Ernest Borgnine, Richard Egan, Sylvia Sidney...
Aka: Les tueurs dans la ville
 

A Bradenville, petite cité minière de l'Arizona, un étrange voyageur de commerce débarque à l'hôtel. Il s'agit en fait d'un redoutable braqueur de banques qui effectue des repérages en attendant l'arrivée de ses deux collègues. En apparence, rien ne semble lier le sort de ces trois gangsters à celui de l'épouse nymphomane de l'héritier de la riche mine de cuivre locale, et moins encore à celui de son ingénieur en chef, bon mari et bon père de famille, pas plus qu’à celui de ce fermier amish non violent ou celui de cette vieille fille bibliothécaire. Pourtant, le destin inexorable va tous les réunir dans quelques jours, un samedi sanglant…

 

 

Alors, n'y allons pas par quatre chemins, malgré ses couleurs éclatantes Les Inconnus dans la ville est un grand film noir. Peut-être pas un chef d'oeuvre, du fait de sa structure étrange pour un film policier, qui le place à mi-chemin entre le mélo et le polar ; mais là, c'est la (relative) allergie au mélodrame du rédacteur de ces lignes qui parle. Car il faut bien reconnaître que la construction scénaristique se montre d'une efficacité redoutable en imbriquant tous ces éléments disparates pour les réunir en un tout cohérent.

Ce métrage, qui fera plus tard les belles heures de la "dernière séance", n'eut pas un grand succès à sa sortie et n'a pas, dans la filmographie de son réalisateur, le renom de ses films de SF ou de "L'étrangleur de Boston" ; et pourtant il s'agit sans doute de son meilleur film. Mais je peux comprendre qu'au classicisme de Violent Saturday l'on puisse préférer "L'étrangleur de Boston", plus original dans la forme (j'allais écrire novateur, mais le split screen qu'il mit à la mode ayant fait long feu, ce serait exagéré). "Soleil vert" et son anticipation en pattes d’eph, coiffures afro et chemises à col mao a mal vieilli, "Le Voyage fantastique" a pour principal mérite (outre de nous montrer Raquel Welch en combinaison moulante) d'être à l’origine de l'hilarant "L'aventure intérieure" de Joe Dante. Et si ses films d'aventures des années 50 et 60 restent plaisants (sans atteindre le brio de ses polars), je m'abstiendrai par charité chrétienne d'évoquer la fin de carrière de Richard Fleischer.

 

 

Quoiqu'il en soit, Fleischer était en 1955 un technicien très doué (certains plans de ce film sont "à tomber") et un formidable directeur d'acteurs, il est vrai aidé ici par un casting trois étoiles. On ne saurait assez souligner le brio de sa mise en scène, en particulier l'utilisation grandiose des décors naturels de la mine de cuivre, et celle quasi "claustrophobique" de la petite ville enchâssée dans son écrin montagneux. Et si le casse lui-même n’a rien d'extraordinaire, la scène de l'affrontement Marvin / Mc Naly contre Mature / Borgnine dans la ferme amish est d'anthologie. Sa violence sèche et réaliste, à des années lumière des débordements sanglants en "CGI véritable" actuel, et qui paradoxalement renforce son impact fut, signe des temps, un des reproches fait au film par les critiques de l’époque.

Reste, malgré tout, que le côté mélodrame fait parfois un peu remplissage (en particulier l’intrigue entre le personnage de Richard Egan et sa femme). De même, l'épilogue affaiblit l'ensemble en faisant pencher la balance du côté mélo.
L'histoire, d'ailleurs, baigne dans une morale calviniste puritaine, typique d'un certain cinéma de l'âge d’or hollywoodien. Les protagonistes seront châtiés en fonction (et en proportion) de leurs péchés, et je ne parle pas ici du trio de bandits (même si, bien sûr, ils seront eux aussi punis) mais des habitants de la petite cité. A l'inverse, le vertueux (Mature) sera récompensé. L'arrivée des gangsters servant non pas de catharsis mais de deus ex machina. Mais la véritable morale du film est qu'il ne faut jamais venir faire chier un amish dans sa ferme, sauf si l'on veut se retrouver avec une fourche dans le cul ("et pis c’est tout"... me souffle une voix connue en ces lieux).

 

 

Je ne saurais terminer cette modeste notule sans évoquer le formidable casting des Inconnus dans la ville . En premier lieu Lee Marvin, impeccable comme toujours, dans le rôle d'une brute sadique traînant une addiction médicamenteuse qui en laisse deviner d'autres que la censure de l'époque n'aurait pas laissé passer frontalement. Le trio de gangsters est d'ailleurs remarquablement caractérisé, MacNally et son sourire carnassier est parfait et J. Carrol Naish, comme d'habitude grimé et méconnaissable, est pour une fois étonnement sobre et crédible. En "lead casting", Mature trouve là un de ses meilleurs rôles, celui du brave type qui, placé dans une situation dramatique, saura se montrer à la hauteur. Quelque part à mi-chemin entre Robert Mitchum et Dean Martin, avec un physique à la fois musculeux et veule et une désinvolture naturelle, Mature, première star du péplum biblique, abandonna très vite toute velléité artistique dans les "Cecil B. Demillerie" que la Fox lui fit tourner à la chaîne (d'où sa célèbre boutade : "Je ne suis pas un acteur, j'ai soixante films qui le prouvent") pour se montrer particulièrement exigeant sur les conditions de tournage, refusant d'exécuter la moindre cascade (l'ellipse lors de sa descente d'échelle les mains liées n'est sans doute pas un choix de mise en scène). Mais quand il le voulait, c'est-à-dire à chaque fois qu'il tournait dans un bon film, Mature devenait un interprète remarquable. Enfin, dans un rôle a priori improbable mais qu'il arrive à faire passer, Ernest Borgnine affronte ici pour la première fois l'autre dur de Hollywood, Lee Marvin.

 

 

Sigtuna

 

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