Anna, une jeune fille de onze ans, vit dans un appartement bruyant en compagnie de sa mère. A cause des fréquentes absences de son père marin, Anna délaisse l'école et se replie sur elle-même. Un jour, elle dessine une maison biscornue dont elle se met à rêver après avoir été prise d'un malaise. A l'intérieur de cette étrange demeure, elle rencontre Mark, un jeune garçon privé de l'usage de ses jambes qui la somme de fuir. Malade, Anna est condamnée à rester au lit pour la semaine par une doctoresse qui lui parle de Mark, un de ses jeunes patients. Anna tente alors de faire intervenir son père dans ses rêves mais ce dernier, véritable croquemitaine, profère des menaces et essaie de pénétrer dans la maison, un marteau à la main. Anna échappe de peu à la mort et se retrouve à l'hôpital. Elle apprend que Mark va mourir et le revoit dans un dernier rêve, souriant et marchant près d'un phare.
Dans les années 80, le cinéma anglais traversa une crise importante. Si des films comme L'empire contre-attaque ou Superman (1 et 2) sont tournés à Pinewood ou "Ragtime" et "Elephant Man" à Shepperton, la production locale est en crise et le nombre de films anglais produit à l'époque est historiquement bas. Inutile de préciser que, dans un tel contexte, le jeune Bernard Rose (27 ans à l'époque) eut toutes les peines du monde pour financer son film dans une Angleterre "thatchérienne" qui rabote sur tous les budgets superflus et les subventions.
Pourtant, en ces années 80, la thématique du rêve était bien à la mode ("Dreamscape", "Les griffes de la nuit", Panic, "Dream Demon", "Dreamlover", Phantasm 2, "Brainstorm"). Cependant, les producteurs anglais de l'époque étaient plutôt frileux envers les films de genre, préférant les grosses productions (comme les films de David Lean ou Richard Attenborough) ou les drames sociaux.
Il faudra l'intervention d'une jeune société de production (Working Title) pour que l'oeuvre de Rose voit enfin le jour. Toutefois, si le film obtient d'excellentes critiques et fait la joie de nombreux festivals, ce voyage onirique d'une petite fille en passe de devenir une jeune femme est un film inclassable qui condamne l'oeuvre à un succès purement relatif, uniquement dû au bouche à oreille. Il ne sera jamais un succès commercial, ne trouvant pas son public. Par contre, il deviendra une véritable oeuvre culte encensée par un noyau d'irréductibles.
Contrairement aux autres productions de l'époque ayant le même thème, le film de Rose préfère s'appuyer sur une imagerie épurée. A la place d'effets spéciaux racoleurs, il préfère une certaine sobriété (décors naturels, perspective…). Cette simplicité et la manière naturelle de raconter son histoire évoquent plus le cinéma d'auteur que le pur film de genre. Une caractéristique qui ne jouera pas en faveur de l'oeuvre qui, à force de jouer sur l'aspect symbolique des choses, finit par s'aliéner une bonne partie de son public. Car si le film ne manque pas de qualités intéroceptives, il faut bien avouer qu'il m'a été assez difficile de me laisser "envoûter" par l'oeuvre de Rose, car j'ai eu la désagréable impression de me trouver en présence d'une expérimentation cinématographique, une sorte d'épreuve qui permettrait à son réalisateur d'accéder au Valhalla cinématographique (c'est-à-dire Hollywood). C'est le genre de film qui écume les festivals, ramasse les récompenses mais ne parvient jamais à trouver le succès, pour la simple et bonne raison que les personnes qui fréquentent les festivals (en tant que spectateurs) ne représenteront jamais un public lambda. Rappelons que lorsque le film fut présenté au festival du film fantastique d'Avoriaz en 1989, il avait en face de lui "Hellraiser 2", "Jeu d'enfant", Le Blob, "Faux semblants" (de Cronenberg), Incident de parcours (de Romero) ou "Invasion L.A." (de Carpenter), ce qui ne l'empêchera pas de rafler le "Grand prix de l'étrange" à "Baxter" qui héritera d'une mention spéciale ! Pour rappel, le Festival du film fantastique d'Avoriaz avait la particularité de choisir pour son jury des personnalités (surtout françaises) qui, pour la plupart, détestaient le genre !
Bernard Rose est un cinéaste anglais connu des amateurs de genre pour avoir réalisé en 1992 l'une des premières adaptations réussies d'un écrit de Clive Barker, "The Forbidden" alias "Candyman". A l'époque de Paperhouse, il avait acquis une petite réputation en réalisant le clip de "Relax", le succès du groupe "Frankie Goes To Hollywood". La jeune Charlotte Burke qui interprète Anna ne renouvellera pas l'expérience du cinéma ; Paperhouse sera son unique film. Son compagnon de "rêve" Mark, alias Elliot Spiers, décédera en 1989 des complications de la malaria, il venait de finir les prises de vue réelle de "Taxandria" qui, à cause d'une énorme post production, ne sortira qu'en 1994.
Dans le rôle du père, un visage connu : l'inénarrable Ben Cross, qui peut aussi bien interpréter un terroriste ("L'oeil de la veuve") qu'un prêtre ("The Unholy"), jouer dans une série télé ("Dark Shadows"), faire la guest star dans une grosse production comme le "Star Trek" de J.J. Abrams ou encore cachetonner dans une production "playboy" comme "Temptress". Sa partenaire Glenne Headly fut le docteur Abby Keaton dans la fameuse série "Urgences"
Décors naturels splendides où se mélangent onirisme et intelligence, voilà comment on pourrait résumer Paperhouse, film théoriquement envoûtant mais qui peine à me convaincre, la faute je dois l'avouer à "Candyman", l'autre film de Bernard Rose. Car si vous avez aimé l'adaptation de Barker, pas sûr que vous aimerez Paperhouse. A tel point que l'on finit par se demander, au vu du reste de la filmographie du réalisateur, quelle a été la réelle influence de Clive Barker sur la réalisation de "Candyman" !
Néanmoins, l'édition française du film n'ayant pas fait les choses à moitié, voilà enfin la possibilité de voir l'oeuvre de Rose dans des conditions optimales. Espérons qu'il trouve enfin un public !
The Omega Man
En rapport avec le film :
# La fiche dvd Metropolitan de Paperhouse