Lucrezia Giovane
Genre: Drame , Historique
Année: 1974
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Luciano Ercoli
Casting:
Simonetta Stefanelli, Massimo Foschi, Ettore Manni, Anna Orso, Paolo Malco, Elizabeth Turner, Piero Lulli...
Aka: Die Sünden der Lucrezia Borgia / Die heissen Nächte der Lucrezia Borgia
 

Les dernières années du XVème siècle, en Italie. Les Borgia sont la famille la plus puissante du pays, avec à sa tête Rodrigo, plus connu sous le nom d'Alessandro VI, le pape. Il a eu avec Vannozza Cattanei trois enfants : une fille, Lucrezia, et deux fils, Cesare et Giovanni, qui occupent des postes-clé permettant au clan des Borgia de dominer ses rivaux. Afin d'accroître cette suprématie, Alessandro VI met tout en oeuvre pour annuler le mariage de Lucrezia avec Giovanni Sforza, duc de Pesaro. La famille Sforza ne sert plus les intérêts des Borgia, qui comptent obtenir une alliance avec les puissants Aragon. Afin de marier Lucrezia à Alfredo, Prince d'Aragon, les Borgia démontrent que Giovanni Sforza est impuissant et obtiennent l'annulation du mariage.

 

 

Le thème de Lucrèce Borgia a été source d'inspiration pour le cinéma, et ce dès l'époque du muet. Le premier "Lucrèce Borgia" notable au temps du parlant est celui d'Abel Gance en 1935, avec Edwige Feuillère dans le rôle titre. Plus tard, d'autres actrices endosseront ce rôle, parmi lesquelles Martine Carol dans le film de Christian-Jaque (1953) et Belinda Lee dans celui de Sergio Grieco (1960). On peut rajouter, dans une optique plus "bis", "Lucrèce, fille des Borgia" d'Osvaldo Civirani (1968) avec Olga Schoberova, et "Les nuits secrètes de Lucrèce Borgia" de Roberto Bianchi Montero (1982) avec Sirpa Lane.

Luciano Ercoli s'est fait connaître en tant que réalisateur par le biais de son triptyque giallesque, composé chronologiquement de "Photo interdite d'une bourgeoise", Nuits d'amour et d'épouvante et La mort caresse à minuit, films dans lesquels on retrouve à chaque fois l'actrice Nieves Navarro, aka Susan Scott, son épouse. Avec une précision de métronome, Ercoli aura tourné huit longs métrages sur une période de huit ans, s'achevant en 1977 avec "La bidonata". Il laisse également une belle trace dans le poliziottesco avec l'excellent La police a les mains liées. Lucrezia Giovane demeure son unique film "d'époque", pour lequel le metteur en scène a manifestement préféré livrer une œuvre ambitieuse plutôt qu'un film d'exploitation.

 

 

Pari réussi dans les grandes lignes. Lucrezia Giovane respecte en partie la véracité historique, qu'il s'agisse des personnages, du contexte de l'époque, et des traits de caractère des protagonistes principaux.
Ainsi, la vie dissolue de Lucrezia apparaît au grand jour, Luciano Ercoli insistant notamment sur les sentiments troubles de la jeune femme envers envers ses deux frères et son père. Une passion réciproque, d'ailleurs, allant peut-être jusqu'à l'inceste. L'épisode de l'annulation du mariage de Giovanni Sforza est également basé sur des faits historiques, le duc de Pesaro connut réellement l'humiliation lorsqu'il fut obligé de déclarer publiquement son impuissance lors d'un Conseil réunissant les deux familles, en 1497.
Cette même année, Cesare Borgia fit assassiner son frère Giovanni par ses hommes de main, encore un sombre épisode dans l'histoire des Borgia que Luciano Ercoli relate avec force efficacité.

 

 

Il faut reconnaître, qu'en dehors du talent du réalisateur, ce dernier s'est entouré d'un casting de premier choix, avec une mention spéciale pour Massimo Foschi qui incarne Cesare Borgia, et Ettore Manni impérial en pape Alessandro VI. On a pu voir Massimo Foschi dans Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon ou encore dans "Le dernier monde cannibale", démontrant toute l'étendue de son talent dans des registres différents. Ettore Manni est quant à lui une figure emblématique du cinéma de genre italie, il a écumé péplums, films d'aventures et westerns (jusqu'à Sella d'argento), et joua entre autres dans "Les chiens enragés", dernier film de Mario Bava.
Moins connue, Simonetta Stefanelli ("Homo Eroticus", "L'art d'aimer") compose une Lucrèce toute en beauté et subtilité, ambitieuse et cruelle au même titre que son père et que son frère Cesare. Rayon charme, elle rivalise de sensualité avec Elizabeth Turner (L'emmurée vivante, "Cannibal Apocalypse"), qui joue la maîtresse du pape. On achèvera ce tour d'horizon des acteurs en citant Piero Lulli, lui aussi grand artisan du cinéma-bis, vu dans moult péplums et westerns, ainsi que dans "Opération peur" et Folie meurtrière. Enfin, Paolo Malco, ici dans le rôle de Giovanni Borgia, s'est signalé dans deux oeuvres de Lucio Fulci, La maison près du cimetière et L'éventreur de New-York.

 

 

A la vision de Lucrezia Giovane, on constate que la reconstitution de l'Italie du XVème siècle a été particulièrement soignée, que ce soit au niveau des décors extérieurs ou intérieurs, des costumes et de la figuration, relativement conséquente et donnant vie à chaque scène du film. La musique de Franco Micalizzi est également remarquable, l'un des thèmes rappelant d'ailleurs fortement Ennio Morricone.


Malgré quelques scènes de nudité, toujours justifiées (le passage dans lequel Giovanni Sforza doit prouver sa virilité devant le Conseil est particulièrement efficace), Lucrezia Giovane n'est pas à ranger au sein des nombreux films d'exploitation qui étaient alors très fréquents en Italie. Avec ce film, Luciano Ercoli a signé une oeuvre de grande qualité et particulièrement soignée, décrivant avec réalisme les intrigues et les vices d'une des familles les plus célèbres de l'histoire de l'Italie (bien qu'originaire d'Espagne), celle des Borgia. Complots, alliances et trahisons constituent l'essence même de ce Lucrezia Giovane ; on ne sera pas étonné d'apprendre que Machiavel s'était inspiré de Cesare Borgia lorsqu'il écrivit "Le Prince".

 

 

Flint


En rapport avec le film :

# Lucrezia Giovane n'a jamais été distribué en France, que ce soit au cinéma, en vidéo ou en dvd. Outre l'Italie, le film fut exploité en Allemagne.

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