Un père, une mère, Laura et leurs deux enfants, Kevin et Mary quittent Los Angeles pour une maison à la campagne. La famille vient de subir une tragédie : la perte de la fille aînée Jennifer et ils ont l'espoir de poursuivre une nouvelle vie sans elle. Mais Mary commence à entendre la voix de sa soeur décédée. Celle-ci provient de sous son lit. Ensuite, le fantôme de Jennifer lui apparaît en secret : elle souhaite assassiner sa famille...
Tourné pour la télévision par Richard Lang, réalisateur-artisan le plus souvent au service de séries télé (16 épisodes pour "Kung Fu" en début de carrière, autant pour "Melrose Place" entre 1993 et 1997, ce avant de casser sa pipe), Don't Go to Sleep est avant tout le bébé du producteur Aaron Spelling, papa d'un kyrielle de séries entre 1973 et 2006 (année où son infirmière porta plainte pour harcèlement sexuel, ce avant de décéder lui aussi, laissant derrière lui moult feuilletons quasi historiques ("Starsky et Hutch", "Drôles de Dames", "La croisière s'amuse", "L'Île fantastique", "Dynastie", "Melrose Place" ...), parfois en collaboration avec justement Richard Lang, mais aussi bon nombre de films réalisés pour le petit écran dont nombreux sont portés disparus avec le temps. On citera en vrac et pour l'exemple "The Death of Me Yet" en 1971 avec Doug McClure, "Satan's School for Girls" en 1973 et dans lequel David Lowell Rich dirigeait Roy Thinnes, Kate Jackson et Pamela Franklin ou encore un "Death Sentence" avec Nick Nolte encore à ses débuts (même si aperçu dans Electra Glide in Blue bien que non crédité). Des téléfilms inégaux, dépendant forcément de leur script en amont ainsi que du talent du réalisateur auquel le projet était confié. Très prolifique et quoi qu'on pense de ses productions en batterie, Spelling eut au moins un mérite, celui de révéler de nombreux acteurs et actrices (Farrah Fawcett, Jessica Biel, c'est lui !) ainsi que de faire bosser des metteurs en scène qui pouvaient parfois saisir la perche pour révéler leur talent et personnalité. C'est le cas de Don't Go to Sleep, lequel n'a strictement rien à envier à la plupart des production horrifiques sortant sur grand écran au début des années 80, bien au contraire...
Pour revenir donc à cet Enfant de lumière (alias Un enfant diabolique, jadis diffusé en France sur feu la 5), il s'agit là d'une bien belle réussite en son genre. Réalisé la même année que le Poltergeist de Hooper/Spielberg, il entretient avec ce dernier quelques similitudes de base. Reste que le traitement réservé ici aux personnages et à la famille est beaucoup plus borderline. Un couple en pleine crise, une belle-mère dirigiste (excellente Ruth Gordon), une adolescente autrefois décédée, servant de fissure au présent entre les protagonistes, un père porté sur l'alcool depuis la perte de son enfant (Dennis Weaver, très sobre, sans jeu de mots), une mère névrosée (Valerie Harper) mais tentant de tenir la tête hors de l'eau ainsi que l'équilibre fragile d'une famille qui n'est pas loin de craquer, ainsi que deux enfants, qu'a priori l'on protège autant du passé que du présent. Las, deux événements suffiront pour rompre le peu d'harmonie restante dans une cellule familiale malmenée.
D'un côté, la grand-mère au tempérament peu enclin à garder sa langue dans sa poche est détentrice d'un secret : les circonstances de la mort de l'aînée autrefois, dont chacun a sa part de responsabilité ("Allez, un dernier pour la route ?!") ; de l'autre, Mary (Robin Ignico) qui se met à voir sa soeur revenue des morts, ce jusqu'à en devenir possédée ou pour le moins sous influence.
L'ensemble est cruel, doté d'une magnifique tension allant crescendo, et ressemble à un conte noir, vénéneux et funèbre. Sans rien vouloir déflorer ou presque, dans Un enfant de lumière aucun personnage n'est épargné ; il est même étonnant d'assister à une production pour la télévision aussi culottée et mal-aimable quant aux destins réservés à ses personnages. A ce titre, si des acteurs confirmés tels que Dennis Weaver ("Duel" bien sûr, mais aussi le bonnard "What's the Matter with Helen?" de Curtis Harrington), Valérie Harper ("Les anges gardiens"), Ruth Gordon ("Rosemary's Baby", "Harold et Maud") ou même l'excellent Robert Webber, ici dans un petit rôle de psychiatre, sont tous parfaits, que dire des prestations des deux enfants qui, sur le papier, s'annonçaient difficiles ? Dans le rôle de Kevin, ce n'est certainement pas un hasard de retrouver Oliver Robins, crédible de bout en bout et présent juste avant dans Poltergeist. La séquence du frisbee est à cet égard d'une intensité remarquable...
Mais celle qui achève de tirer le film vers le haut avec une interprétation assez sidérante, c'est Robin Ignico dans le rôle de Mary, la jeune enfant qui, petit à petit, à l'instar du caméléon présent dans la maison, devient l'instrument d'une vengeance, via l'identification à une grande soeur dont la disparition semble avoir signé la perte de ses repères et de son équilibre psychique.
Don't Go to Sleep, malgré des moyens plutôt modestes, offre une vraie plongée cauchemardesque au sein d'une famille qui se délabre, au sens propre comme au figuré (tout le contraire de l'approche d'un Spielberg), mais aussi dans la psyché d'une petite fille dont le déséquilibre du monde des adultes, plus occupés à se renvoyer les responsabilités qu'à assumer leurs propres erreurs, jusqu'à s'être englués dans une fuite en avant toute faite de non-dit et de faux-fuyants.
Ainsi Mary sert-elle de révélateur à faire revivre une grande soeur qui serait encore de ce monde si certains risques avaient été évités. La faire revivre, c'est compléter à nouveau cette famille qui jadis fut soudée et qui s'est perdue en chemin, mais c'est aussi une prise de conscience : celle d'un passage vers un âge adulte lui aussi, avec ce que cela contient de responsabilités et de peurs. Ces peurs qu'elle repousse par substitution, en renvoyant les aînés à leurs erreurs, et en leur faisant payer d'avance les frais une vie qu'on lui a d'ores et déjà déjà fissurée.
Ajoutons enfin, histoire de finir de louer cet excellent téléfilm, des réminiscences Hitchcokiennes, faisant évoluer Don't Go to Sleep non loin, par exemple, de La meurtrière diabolique de William Castle. A ce propos, on notera l'étrange similitude entre le titre secondaire (Un enfant diabolique) ainsi qu'un final qui lui ressemble énormément, ce en version enfantine. La musique signée Dominic Frontiere, dont a le sentiment qu'il refourgue ici (comme assez souvent) l'une de ses vieilles partitions, souligne parfaitement, en dépit de cette impression, les enjeux dramatiques et de frayeurs de cette bien belle réussite de l'épouvante élaborée pour le petit écran.
Mallox