Archer vert, L'
Titre original: Der grüne Bogenschütze
Genre: Comédie , Krimi
Année: 1961
Pays d'origine: Allemagne (RFA)
Réalisateur: Jürgen Roland
Casting:
Karin Dor, Gert Fröbe, Klausjürgen Wussow, Harry Wüstenhagen, Eddi Arent, Edith Teichman, Wolfgang Völz, Stanislav Ledinek...
Aka: The Green Archer
 

A "Castle Garre", château britannique appartenant au célèbre milliardaire américain Abel Bellamy, des visites sont organisées à l'intention des touristes des deux continents par Julius Savini, secrétaire et homme de confiance de Bellamy. Une confiance peut-être mal placée car ces lucratives visites ne se font qu'en l'absence du propriétaire et sans son accord. Invité pour l'occasion et dans le but d'en faire la publicité, le journaliste Spike Holland se montre dubitatif quant à l'intérêt de la visite. Celui-ci (d'intérêt) repose en effet principalement sur la légende médiévale de l'archer vert et de son fantôme, ce qui, pour Holland, ne saurait être matière à article. Mais l'un des visiteurs, individu louche s'étant écarté du groupe, est retrouvé mort, le corps transpercé par une flèche verte comme celle que l'archer de la légende était censé utiliser.
Pendant ce temps, la jeune et belle Valerie Howett vient de s'installer avec son père adoptif dans un manoir très proche de "Castle Garre" et semble beaucoup s'intéresser à la célèbre propriété voisine, ainsi qu'aux souterrains de sa nouvelle résidence, qui pourrait bien par ce biais communiquer avec le château.
Peu après, à sa descente de l'avion qui le ramène des USA, Abel Bellamy est assailli par des journalistes d'autant plus curieux de l'entendre s'expliquer quant au récent meurtre sur sa propriété anglaise que Bellamy est réputé très proche de la haute pègre de Chicago, voire d'en être un des membres les plus influents.

 

 

Dans de précédentes critiques "d'Edgar-Wallace-Filme" je m'étais arrêté sur la définition de ce qu'était un Krimi, et sur les vrais-faux, les faux-vrais et les vrais-vrais Krimis, classement qui en gros reposait sur l'origine littéraire et cinématographique du film, son génotype en quelque sorte. Mais il va de soi que ce n'est pas réellement important. Non, ce qui importe c'est ce qui fait le sel d'un Krimi, sa substantifique moelle, son phénotype en fait. Et ce phénotype repose sur un mélange plus ou moins subtil et plus ou moins bien dosé de suspense, d'action, d'enquête policière (dans le sens whodunit), d'humour (plus ou moins fin) et de romance, parfois saupoudré de fantastique (dans les limites du "mystery" des anglophones, c'est-à-dire sans intervention du surnaturel) voire d'érotisme à la fin de la série. Après, ces ingrédients peuvent être de plus ou moins bonne qualité et le cuisinier plus ou moins doué, et donc le résultat final plus ou moins réussi. Mais il n'y a pas eu tromperie sur la marchandise, on a bien le plat demandé, qu'il soit bon ou mauvais.
Ensuite, pour continuer dans la métaphore culinaire, il arrive qu'un des ingrédients manque, et on se dit : "Tiens (par exemple), il n'y a pas d'orange confite dans mon panettone, mais bon... ça reste un panettone tout de même". Enfin, il arrive qu'un des éléments occupe tellement de place qu'il en occulte tout le reste, comme si, reprenons un exemple simple, on commande un boudin aux pommes et on se retrouve avec de minuscules morceaux de boudin noyés dans la purée de pommes et là on se dit : "on s'est foutu de ma gueule, j'ai commandé un boudin aux pommes et je me retrouve avec de la compote".

 

 

"Mais où veut-il en venir avec son boudin ?" te demandes-tu ami lecteur. Rassure-toi d'ailleurs, le terme ami est ici, de même que le tutoiement et l'adresse au lecteur, une pure convention littéraire remontant à l'antiquité gréco-latine, et si je parle de boudin ce n'est pas parce que je connais ton épouse. Notons que grâce à l'évolution récente des lois de notre beau pays, la phrase précédente peut aussi fonctionner pour une lectrice et ne pas donner l'impression que je m'adresse exclusivement à un lectorat masculin.
Non, si je parle de boudin aux pommes c'est que je me mets à la place du spectateur tudesque du début des années 60 qui s'en vient voir un Edgar-Wallace-Filme la tête encore pleine de Scotland Yard contre le Masque et La grenouille attaque Scotland Yard et qui se retrouve devant une comédie policière à la Lemmy Caution, avec acteurs faisant des clins d'oeil à la caméra et haranguant directement la salle. Et là, ce spectateur allemand se dit "Teufel" (car, n'en déplaise à M. Mélanchon, les spectateurs allemands restent polis même dans leurs injures, y compris ceux qui ravagèrent la Pologne vingt ans plus tôt). "Teufel, si j'avais voulu voir un spectacle de clowns, je serais allé au cirque". Et, de fait, je ne sais pas si les cirques allemands firent le plein en ce début d'année 1961, mais ce qui est sûr c'est que L'archer vert fut (pour un Krimi Rialto) un échec au box-office.

 

 

Convenons que dans le genre comédie policière pas très fine, mais plutôt enlevée et dans l'ensemble bien interprétée, ce n'est pas si mal. Mais bon... j'aime bien Eddy Arent et je suis d'accord pour dire qu'un Krimi sans lui ce n'est pas tout à fait un Krimi. mais un Krimi où on peut se dire qu'il aurait pu interpréter facilement la moitié des rôles c'est encore moins un Krimi. Le casting est par ailleurs dominé par un Gert Froebe, tout en truculence dans le rôle du méchant, qui a l'air de bien s'amuser et qui arrive, parfois, à communiquer son amusement au spectateur. Quand je parle du méchant, je ne parle bien entendu pas de l'archer vert qui donne son titre au métrage, et dont le scénariste, le réalisateur et par conséquent le spectateur se tamponnent, d'ailleurs (attention "spoiler") : il y en a en fait deux et on s'en tamponne doublement.
Le couple de héros, seuls éléments non comiques du métrage, est lui un peu en marge. Si Karin Dor, grâce à son charisme hors norme, s'en sort relativement bien et reste en toutes circonstances la personnification du charme et de la classe même quand elle patauge en pyjama dans la boue, Klausjürgen Wussow est par contre complètement transparent. Il faut dire qu'il est totalement sacrifié, ce n'est d'ailleurs jamais lui qui sauve (d'un danger par ailleurs pas très redoutable, tant les "méchants" sont des éléments comiques) la belle héroïne, mais l'un des rigolos de service, soit le personnage incarné par Arent (Spike Holland, un nom prédestiné à la comédie bouffonne) ou son alter-ego escroc et fut-fut (Spike Sarko... euh non, Julius Savini) interprété par Harry Wüstenhagen, qui entame ici une longue série dans les Edgar-Wallace-Filme.

 

 

Pour Wussow ainsi que pour Jürgen Roland et son scénariste attitré Wolfgang Menge, L'archer vert marque par contre la fin de leur collaboration avec la Rialto, les deux derniers étant jugés coupables de ne pas avoir compris ou respecté l'esprit de la série dont Harald Reinl et Trygve Larsen (Egon Eis) avaient posé les bases "canoniques" dans La grenouille attaque Scotland Yard. Une accusation non sans fondement, Roland et Menge se permettant, même en plein coeur du film et par l'intermédiaire d'Arent, un clin d'oeil / private joke / auto-référencement à "Stahlnetz", la série policière allemande qui a fait leur notoriété. Notons que si un tel sommet n'a pas été atteint dès Scotland Yard contre Cercle rouge, c'est que le scénario d'origine d'Eis (modifié par Menge à la demande de Rolland) servit de garde-fou. Mais ici point de garde-fou, le script d'origine de Wolfgang Schnitzler ayant été (tout comme son travail pour Scotland Yard contre le Masque) jugé quasi inexploitable, Menge en roue libre put faire basculer le film vers la comédie bouffonne.

 

 

Quoiqu'il en soit, ce film marque aussi une fin de cycle, celle des débuts du Krimi, soit la période Preben Philipsen. Ce dernier ayant engagé Horst Wendlandt pour le placer à la tête de la branche allemande de la Rialto, et donc lui laisser le travail de production effective de tous les films germanophones. Si ce cycle s'achève sur un métrage des plus mineurs et atypique, au regard de ses prédécesseurs, le bilan est lui plus que positif et déjà l'influence des films de la Rialto se fait ressentir sur le cinéma allemand. En effet, outre le faux-vrai Krimi Le Vengeur défie Scotland Yard (vrai Edgar-Wallace-Filme mais faux Rialto), deux films directement inspirés des Edgar Wallace Filme sortiront fin 1960 : "Das Rätsel der grünen Spinne" mêlant Krimi et "musical", et "Fais ta valise Sherlock Holmes", en fait une adaptation d'une aventure du Père Brown de G.K. Chesterton (auteur de romans policiers anglais et contemporain d'Edgar Wallace) ; sans compter la réactivation par la CCC de la série des "Docteur Mabuse" (Dont Brauner possédait les droits depuis 1953), elle aussi conséquence directe du succès des Krimis Rialto.

 

 

Sigtuna

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