Gardiennes du pénitencier, Les
Titre original: Un Paradis pour les brutes, un enfer pour les femmes
Genre: Women In Prison
Année: 1979
Pays d'origine: France
Réalisateur: Alain Deruelle (Allan W. Steeve) et Jess Franco.
Casting:
Roger Darton, Pamela Stanford, Nadine Pascal, Michel Charrel, Monica Swinn, Lina Romay, Martine Stedil, Paul Müller...
Aka: Pénitencier de l'Enfer / Women behind Bars / Jailhouse Wardress / Frauengefängnis 2
 

Pendant le milieu des années 1970, un homme engage un individu pour tuer un ex-nazi qui s'est réfugié dans une petite île d'Amérique du Sud. Il se fait désormais appeler "le gouverneur" et dirige avec sa compagne Ingrid un pénitencier pour femmes. Dans ce lieu sordide, l'ancien officier S.S. et son amie poursuivent en toute impunité les exactions auxquelles ils s'adonnaient durant la seconde guerre mondiale. Les prisonnières subissent quotidiennement diverses humiliations de la part du couple, et même des gardes, parmi lesquels Nestor, le gardien-chef, s'avère le plus cruel d'entre tous. La plupart des détenues sont résignées, mais d'autres espèrent pouvoir s'évader. Jusqu'à risquer leur vie...
La genèse des "Gardiennes du pénitencier" est en fait bien plus complexe que la trame de son scénario. A l'origine, la démarche ressemble à celle de "Train spécial pour Hitler". Marius Lesoeur souhaite produire un WIP, et fait donc appel à Jess Franco, spécialiste du genre depuis son fameux "99 Women" réalisé six ans plus tôt. Il vient d'ailleurs de boucler "Des Diamants pour l'Enfer" pour Eurociné et commence alors le tournage des "Gardiennes du pénitencier" dans les mêmes lieux (la Côte d'Azur) et avec une partie du casting du précédent film. Malheureusement, le financement de la firme française est insuffisant, et le cinéaste espagnol est contraint d'aller récupérer des fonds supplémentaires à l'étranger. Il va trouver deux partenaires, en Italie, et surtout en Suisse, par le biais d'Erwin C. Dietrich.
Mais ce triumvirat imposé va sérieusement compliquer les choses. Dietrich, qui a investi le plus d'argent, devient le détenteur légal du film et l'unique producteur et, détail important, récupère le négatif original. Le film est alors rebaptisé "Frauengefängnis" : première collaboration entre Jess Franco et Erwin C. Dietrich, qui en amènera bien d'autres par la suite. Le film a pour interprètes principaux Lina Romay, Monica Swinn, Paul Müller et Martine Stedil, tous habitués des longs métrages du réalisateur, ainsi que Eric Falk, familier quant à lui des productions de Dietrich, et Roger Darton, acteur belge vu dans des productions Eurociné. Bien que n'aimant pas le travail effectué par le metteur en scène, le producteur suisse le distribue à contre coeur, et le succès est au rendez-vous.

 

 

Du coup, de producteur, Marius Lesoeur se retrouve simple distributeur pour ce film. Et distribuer le film uniquement en France ne l'intéresse évidemment pas, habitué qu'il est à vendre ses productions à bon nombre de pays étrangers. Le temps passe et il va alors tenter le pari impossible de faire appel à un autre metteur en scène pour filmer d'autres rushes ; ceci afin de les intégrer à certaines scènes de "Frauengefängnis", transformer l'histoire initiale, et être ainsi en mesure de le distribuer sous l'étiquette Eurociné en tant qu'oeuvre originale.
Le film de Franco est un WIP pur et dur. "Les Gardiennes du pénitencier" vont légèrement modifier la donne, avec le personnage de Milton Warren (interprété par Roger Darton) qui devient un ex-nazi recherché et dont le meurtre est commandité. Roger Darton va donc être sollicité à nouveau pour ces scènes additionnelles, ainsi qu'un duo de starlettes tournant régulièrement pour la firme française : Pamela Stanford (alias Monique Delaunay) et Nadine Pascal (ayant tourné préalablement sous le pseudonyme de Lynn Monteil). L'homme chargé de tenir la caméra est Alain Deruelle, connu pour être le réalisateur de films pornos sous le pseudo d'Alain Thierry.
Autant le dire tout de suite, le résultat est catastrophique. En fait de film, "Les Gardiennes du pénitencier" est un patchwork autant indigeste qu'incompréhensible, accumulant les bourdes et les erreurs scénaristiques. Sur les 84 minutes de pellicule, on a grosso modo trois quarts d'heure empruntés à "Frauengefängnis", et environ 35 minutes de scènes tournées par Alain Deruelle avec les trois acteurs cités plus haut accompagnés d'une poignée de figurants parmi lesquels Michel Charrel (cf interview dans "Train spécial pour Hitler"). Cerise sur le gâteau, le teaser montre des stock-shots de "Elsa Fräulein SS" et de "Train spécial pour Hitler" destinés à mettre en place le personnage de Roger Darton, seul dénominateur commun entre les deux films (quatre, si l'on compte les deux Payet). Le film se situant clairement dans les années 70 (le décor et les vêtements des personnages dans la maison du chasseur de nazis interprété par Charrel ne laissent aucun doute à ce sujet), on a donc un Roger Darton reprenant son costard de "Frauengefängnis", ce qui est logique, mais devenu par la grâce d'Eurociné un ancien officier nazi. En trente ans, l'homme n'a pas pris une ride, incroyable mais vrai !

 

 

Qui plus est, le personnage interprété par Darton est censé avoir fui en Amérique du Sud avec sa compagne Ingrid, ex-chanteuse de cabaret (Monica Swinn), le couple ayant changé d'identité pour prendre la direction du pénitencier. Mais lorsque l'on passe dans le film de Franco, il est évident que les deux personnages ne sont pas intimes, et ne vivent pas ensemble. Monica Swinn dit d'ailleurs à un moment, en voyant débarquer Darton : "Nous n'avons pas été prévenus de votre visite, Monsieur le Gouverneur". Et tout le reste est du même acabit. Pour ceux qui n'ont pas vu "Frauengefängnis" (également connu sous le nom "Barbed Wire Dolls"), il faut savoir que les scènes les plus trash en matière de tortures et les plus poussées niveau érotisme ne figurent pas dans "Les Gardiennes du pénitencier", qui reste donc très soft sur tous les plans.
Quant aux rajouts de Deruelle, avouons qu'il n'y a pas grand-chose à sauver. La palme de l'incongruité revient au personnage du gardien-chef Nestor qui ne ressemble absolument pas à l'autre Nestor du film de Jess Franco, incarné par Eric Falk. Oui, car dans "Les Gardiennes du pénitencier", on peut voir les deux Nestor différents, sans que cela soit censé choquer quiconque. Dans la série doublons, on a également droit à une histoire de lettre anonyme écrite par une détenue et adressée au gouverneur de l'île, dénonçant les mauvais traitements infligés aux prisonnières. Dans le film originel de Franco, Martine Stedil a écrit cette lettre, elle sera dénoncée et punie. Rebelote avec Deruelle ; cette fois c'est Nadine Pascal qui est l'auteur de la lettre anonyme, se fait attraper, et châtier. Bref, "Les Gardiennes du pénitencier", c'est un peu l'histoire du disque rayé, on pense avoir vu une scène, et paf ! On nous la refait avec d'autres acteurs.
De "Frauengefängnis", il ne reste plus grand-chose de compréhensible, et l'on se demande pourquoi telle détenue est folle, ou pourquoi un garde abat Nestor à la fin du film. Enfin, le personnage chauve chargé d'abattre l'ex-nazi reste plusieurs jours caché derrière des palmiers avec une paire de jumelles, à regarder on ne sait trop quoi, avant de donner des consignes à son collègue tireur d'élite qui n'a pas l'air plus doué. Bon, on pourrait encore en rajouter à propos de ce ratage intégral, comme les murs des cellules qui sont différents d'un film à l'autre, l'abus de flashbacks insipides servant à meubler la pseudo-intrigue, ou encore l'évasion grotesque de Nadine Pascal qui fait le tour de l'enceinte en courant plutôt que de fuir droit devant elle.

 

 

"Les Gardiennes du pénitencier", aussi mauvais soit-il, a néanmoins connu une sortie (tardive) dans les salles de cinéma françaises, et a été vendu à l'étranger. D'une façon ironique, il a été rebaptisé "Frauengefängnis 2" pour son exploitation dans certains pays. Il existe même un "Frauengefängnis 3", qui n'est autre que "Des Diamants pour l'Enfer" de Jess Franco (également appelé "Visa pour Mourir").

Bref, tout ceci peut paraître compliqué, mais une chose est sûre : si vous voulez regarder un WIP, rabattez-vous plutôt sur l'authentique "Frauengefängnis", vous y trouverez bien plus votre compte. Alain Deruelle, quant à lui, poursuivra sa carrière chez Eurociné avec l'indescriptible "Terreur cannibale", qui sonnera aussi le crépuscule de la carrière de Pamela Stanford, seule actrice ayant participé dans les cinq films édités par Artus.

 

Note : 2/10

 

Flint
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