Au XIXème Siècle, le Comte Frederic Regula est emprisonné puis condamné à mort par écartèlement pour avoir torturé et tué douze jeunes femmes dans son château. C'est grâce à la fuite inopinée d'un treizième victime, Béatrice de Brabant, que Regula a pu être confondu. Après avoir prononcé la sentence, le juge Richard de Montmarie ordonne au bourreau d'apposer un masque serti de pointes sur le visage du coupable. Puis, celui-ci est amené en place publique pour être écartelé devant la foule. Avant de mourir, le Comte jure de se venger...
Trente-cinq ans plus tard, Roger de Mont-Elise, avocat de son métier, reçoit de la part d'un unijambiste un étrange courrier le conviant à se rendre au château d'Andomai, où réside le Comte Regula, ce dernier ayant d'importantes révélations à lui faire sur ses origines. Car il s'avère que le nom de Mont-Elise n'est pas le sien, il lui a été donné et l'avocat ignore tout de ses origines, et qui étaient ses parents. Il décide de se rendre sur place, et doit faire face à la superstition locale afin de connaître la route qu'il doit emprunter. Finalement, un cocher accepte de le conduire dans la Vallée de la Sandre, où se trouve le château, un endroit réputé maudit. Mont-Elise effectue le voyage en compagnie d'un prêtre débonnaire mais au comportement curieux pour un homme d'église : Père Fabian. En chemin, les deux hommes portent secours à la Comtesse Lilian de Brabant, dont la diligence a été attaquée par de mystérieux cavaliers noirs. Lilian de Brabant, accompagnée de Babette, sa Dame de compagnie, a elle aussi une lettre similaire à celle de Mont-Elise, indiquant pour sa part qu'elle était conviée à toucher l'héritage de sa défunte mère.
Après être passés devant une auberge détruite par les flammes, avoir voyagé sous un brouillard épais et traversé une forêt aux arbres recouverts de corps démembrés, et aux branches ployant sous le nombre de pendus, les voyageurs arrivent au Château d'Andomai. Mais auparavant, la Comtesse et sa suivante auront été kidnappées par l'homme de main de Frederic Regula : Anathol, un ex-pendu ramené à la vie par son maître et qui, à son tour, va tout faire pour ressusciter le Comte.
Le repaire du Comte va s'avérer être un véritable labyrinthe truffé de pièges mortels et d'instruments de tortures sophistiqués. Frederic Regula doit revenir d'entre les morts afin d'accomplir ce qu'il n'a pu réaliser trente-cinq ans auparavant : sacrifier la treizième vierge afin de parachever l'oeuvre de toute son existence : l'élixir de la vie éternelle !
Le Vampire et le Sang des Vierges est l'un des rares démarquages réussis du cinéma gothique, qui possède à la fois l'esthétique de ses illustres prédécesseurs anglais et italiens, et la folie démesurée du cinéma bis comme on l'aime. Soi disant adapté d'une nouvelle d'Egar Poe, Harald Reinl n'a conservé que la fameuse scène du "Puits et du Pendule", elle même délirante à l'image de tout le film, qui ne met pas d'ailleurs en vedette un vampire, ni même des vierges. Le personnage de Frederic Regula, s'il craint le symbole de la Croix, est plus à considérer comme une sorte de nécromancien, alchimiste de surcroît, en passe de devenir immortel non pas par un statut de vampire, mais à la suite d'études scientifiques (et magiques). Et magique, le film l'est assurément, puisqu'il possède tout le charme du cinéma gothique sans les défauts inhérents à celui-ci, à savoir une tendance au classicisme, un cinéma à la beauté glacée mais figé dans des codes ayant tendance à rendre ce genre trop statique dans la forme.
Mais dans Le Vampire et le Sang des Vierges, le décalage est total, à commencer par la musique de Peter Thomas pour le moins étonnante. Le générique du film est en soi un véritable chef d'oeuvre, avec un Christopher Lee affublé du "Masque du démon", accompagné de ses juges et d'un bourreau torse nu gonflant des pectoraux, le visage caché sous une immense cagoule rouge. Tous déambulant dans de sombres couloirs interminables au son de cette musique incroyable, mêlant cuivres endiablés et synthés démentiels, que même un Charly Oleg sous acide n'aurait pas été en mesure de composer. Et le reste est du même acabit. Dès que nos héros auront pénétré dans le repaire du "méchant", il n'y aura pas une seconde de temps mort. Un coup de théâtre à la minute, des idées comme s'il en pleuvait, des situations toutes plus folles les unes que les autres. La logique est aux abonnés absents, et c'est tant mieux. On ne s'ennuie pas une seconde, et à suivre les pérégrinations des personnages dans le château d'Andomai, on a l'impression de retomber en enfance et de se balader dans un train fantôme, quand il se passait quelque chose d'inattendu à chaque virage amorcé par le wagonnet.
Bien sûr, le film pêche parfois par des effets spéciaux, des trucages plus qu'approximatifs, mais qu'importe, puisque l'ambiance qu'il se dégage de cette oeuvre compense largement ses quelques défauts. De plus, Le Vampire et le Sang des Vierges est esthétiquement réussi, aussi bien dans les décors extérieurs qu'à l'intérieur du château, avec notamment ces fresques gigantesques héritées de Jérôme Bosch. Si l'on excepte Christopher Lee, cantonné dans un second rôle et qui a dû se demander pourquoi il l'avait accepté, tous les autres acteurs, habitués pour la plupart des films de Reinl, semblent à y avoir pris du plaisir. A commencer par Lex Barker, le héros, le légendaire Tarzan des années 50, spécialiste des films d'aventures et qui a dû retrouver dans ce film l'esprit pulp, "serial" qu'il avait connu dans le passé en maintes occasions. A ses côtés, Karin Dor, avec qui il avait tourné l'un des segments du Carnaval des Barbouzes, l'année précédente. Notons enfin la présence de Christiane Rücker dans le rôle de Babette, qui a joué, sous le pseudo de Christiane Royce, dans "Le Château de Frankenstein", de Robert Oliver.
Cette perle du cinéma bis a donc été réalisée par Harald Reinl, metteur en scène d'origine autrichienne qui s'est illustré dans des adaptations de romans d'Edgar Wallace, deux adaptations du "Docteur Mabuse", une transposition de Siegfried et du mythe des Nibelungen (avec Terence Hill et... Karin Dor), sans oublier la série des Winnetou, dans laquelle on retrouve Lex Barker. Mais ce Vampire et le Sang des Vierges restera probablement comme son oeuvre la plus mythique, tout du moins pour les fans de cinéma de genre.
Flint