Lame infernale, La
Titre original: La polizia chiede aiuto
Genre: Giallo , Poliziesco , Drame
Année: 1974
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Massimo Dallamano
Casting:
Giovanna Ralli, Claudio Cassinelli, Mario Adorf, Franco Fabrizi, Farley Granger, Marina Berti, Paolo Turco, Corrado Gaipa, Micaela Pignatelli, Ferdinando Murolo...
Aka: L'âme infernale / What have they done to your daughters?
 

A Rome, une jeune lycéenne est retrouvée pendue nue dans une chambre fermée à clef de l'intérieur. La police pense de suite à un suicide jusqu'à ce que d'autres indices les dirigent vers le meurtre. Bientôt l'inspecteur Silvestri  (Claudio Cassinelli) aidé de Vittoria Stori (Giovanna Ralli), juge d'instruction mandatée pour l'enquête, vont découvrir que les jeunes filles entourant la défunte sont mêlées à un réseau de prostitution. Pendant ce temps un homme en habits de motard tente d'assassiner les enquêteurs et tous les témoins gênants qui vont de paire. L'inspecteur Silvestri, comme son adjoint l'inspecteur Valentini (Mario Adorf), vont petit à petit réussir à démêler la toile, mais remonterons jusqu'à des intérêts supérieurs de notables et hauts fonctionnaires. Et s'ils enquêtaient pour des picorettes ? Il y aura, quoi qu'il en soit, beaucoup de dépit au sein de forces policières motivées mais limitées dans leur action...

 

 

Mélange étonnant (et détonnant) de giallo, de Poliziotteschi et de Thriller politique, La polizia chiede aiuto, avec sa plongée au sein des mœurs de jeunes lycéennes, s'inscrit dans la droite lignée de son prédécesseur, l'envoûtant et vénéneux Mais qu'avez-vous fait à Solange. A nouveau les jeunes filles en fleur et déjà attirées au préalable par la perte de leur propre innocence, seront manipulées dans ce sens, jusqu'à servir des intérêts de vieux cochons dégueulasses. Drôle de film que celui de Dallamano qui une fois de plus semble regarder ses victimes par le petit bout de la lorgnette, mettant ainsi en exergue sa propre attirance, se posant en voyeur pour semble t-il mieux disséquer la situation de l'intérieur. Pourtant et paradoxalement ce qui le distingue et met cette âme infernale au dessus du lot, c'est l'écoeurement qui finit par découler et suinter de cette riche et belle oeuvre, via notamment ses personnages et leurs caractères mis à mal. Je pense bien évidemment à l'inspecteur Valentini campé par cet immense acteur qu'est Mario Adorf (En passant Aldo Lado disait de lui qu'il était le meilleur acteur avec qui il avait collaboré, comme quoi Lado n'a pas dit que des conneries) qui s'apercevra au cours de l'enquête où tout le monde perdra des plumes, que sa fille fait elle aussi partie du réseau qu'il tente de démanteler. Perte des illusions filiales, pertes des illusions professionnelles via les bâtons dans les roues mis par de plus hauts fonctionnaires dont l'intérêt n'est pas dans la vérité, et finalement ce personnage qui à priori semble le centre de la tragédie, ce motard qui d'attentats en tentatives d'assassinat foirées ou foireuses ne sera là que pour nous égarer, servir de lampiste au réalisateur en même temps que de servir des intérêts supérieurs.

 

 

On aura bien tendance à imputer au motard tueur ici présent pas mal de l'aspect giallo du film, mais il sera pourtant durant la première demi-heure complètement absent et Massimo Dallamano privilégiera une psychologie fouillée de ses personnages, en même temps qu'il posera le problème du meurtre de la jeune fille de façon quasi-clinique, offrant ainsi dans ce premier tiers un pur polar d'investigation qui reprendra du reste le dessus dans son dernier tiers, le tout mâtiné de pamphlet politique amer, rageur, et encore une fois désenchanté. Il est peu dire qu'il est bien entouré et les acteurs principaux y livrent une prestation de haute volée. Claudio Casinnelli y émerge alors en grand comédien et 1974 est une année tremplin pour lui. Après avoir tourné durant dix ans pour la télévision le voici qu'il tourne successivement La police a les mains liées de Luciano Ercoli et "The Tempter" de Damiano Damiani, la suite de sa carrière se fera souvent sous la tutelle de Sergio Martino, avec "Morte sospetta di una minorenne", "Le continent des hommes-poissons" ou encore "Le Grand Alligator", pour finir hélas, dans les pires livraisons de Lucio Fulci, 2072, les mercenaires du futur ou Murderock. Il est ici à son meilleur, ultra concerné et même (conta)miné par son enquête, il n'aura de cesse d'aller jusqu'au bout de celle-ci, et pourtant pessimiste, il foncera comme un bélier pour se retrouver dans une impasse. Il en fera les frais tout comme Giovanna Ralli, non moins convaincante en assistante du district attorney et tous les deux nous offriront de forts bons moments. Tâtonnant, hésitant, se plantant parfois, il restent constamment à échelle humaine et livrent des prestations touchantes et complémentaires. On reste aux antipodes de l'efficacité toute physique d'un Maurizio Merli par exemple ; mixé au contexte dérangeant de ce qui nous est suggéré, nos trois acteurs déjà cités ne cessent de lui donner crédibilité et ainsi de tirer le film vers le haut.

 

 

Pour revenir à la perversité de l'histoire mise en scène et au contexte sulfureux évoqué plus haut, Dallamano fait preuve d'une grande intelligence en se servant au maximum de cette investigation et ce qu'elle comporte de technique. Passé le préambule de ce cadavre retrouvé pendu (Soit le mannequin est un peu trop visible mais passons...), celui-ci ne recourra qu'à très peu de procédés visuels et parviendra par exemple avec des bandes enregistrées de conversations au sein du réseau, à distiller toute l'intensité nécessaire pour déranger et rendre le spectacle prenant. En parallèle, ce sont paradoxalement les tentatives de meurtres à coup de couteau ou de hachoir de cet homme mystérieux vêtu en motard, casque sur la tête, qui lui permettent de multiplier les pistes et les possibilités, en attirant pourtant l'attention sur cet unique danger. Ce à quoi accouchera l'enquête de nos inspecteurs dépités (Ralli), lessivés (Cassinelli) ou même déprimés et meurtris dans leur âme (Mario Adorf), n'en semblera que d'autant plus vaste et corrosif. Comme eux on ne saura pas tout et l'on sera empêché par des instances supérieures.

 

 

Au-delà de ce choix judicieux il faut également toucher deux mots de l'ambiance distillée par le réalisateur. De bout en bout, Dallamano réussit le tour de force de nous emmener dans une spirale infernale, avec un sentiment amer de dégoût dans la bouche, nous emmenant aux abords de la nausée. D'abord la découverte de ce réseau de prostitution bien dégueulasse, ensuite ces bandes aux dialogues d'un grand réalisme et qui font froid dans le dos d'autant q'elles convoquent d'avantage encore notre imagination puisque uniquement sonores. Et puis aussi par exemple, ce flash-back mettant en scène des notables perverses en train de droguer l'une des jeunes victimes pour de manière sadique et sans aucun état d'âme, abuser d'elle. Il y a beaucoup de talent dans la manière qu'a le metteur en scène de nous amener sournoisement dans la dépravation, de nous donner des indices dérangeants au coup par coup puis nous mettre d'un coup au bord du précipice avec un sentiment de vertige. On est pas très loin finalement d'un Folie meurtrière de Tonino Valerii, sauf que vient se greffer une dimension ouvertement politique peut-être plus cinglante. Je n'en dirai pas trop mais la fin du film fait penser au meilleur du cinéma d'Elio Pietri. Elle laisse sur le cul, le monde est ainsi fait, il est dégueulasse. La vision de l'être humain et du monde semble ici à la fois, misanthrope, sombre, grinçante et cynique, sans issue, et la résignation pour continuer à vivre avec ce que l'on sait, sera plus que jamais de circonstance. Magnifique fin.

 

 

Ailleurs il y a sans doute certainement quelques faiblesses et la partie action, jeu de cache-cache avec notre meurtrier en cuir noir est peut-être la partie la plus faible. Difficile sans doute de croire à tentatives d'assassinats successifs ratés, l'un de ses seuls trophées sera d'ailleurs une main d'un policier coupée. Et puis surtout le montage lorsque ce mystérieux personnage entre en scène se fait un peu plus mollasson, et le film plus impersonnel. Sans nul doute Dallamano se montre plus inspiré par le pendant sociopolitique et les mœurs de ses jeunes filles perverses et perverties que par l'action elle-même. Rajoutons néanmoins que si elle n'atteint pas l'excellence du reste, elle reste toutefois d'un niveau très honorable et est sans cesse relevé par la formidable partition de Stelvio Cipriani. Tour à tour rythmée et envoûtante, elle est totalement emballante et achève de conférer un véritable cachet à un film qui n'en manque déjà pas au préalable ne serait-ce de par les préoccupations sur l'innocence meurtrie déjà présente dans son film précédent. Pas de doute Dallamano creuse son sillon et marque le tout de sa patte vénéneuse. Sans doute plus décousu que Solange, il n'en demeure pas moins que La lame infernale est une véritable réussite en même temps qu'une œuvre très personnelle. A voir absolument.

 

Mallox

 

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