Un an après l'assassinat de Merrin, Ignatius se réveille avec une gueule de bois et des cornes. S'il croit d'abord à une hallucination, il se rend rapidement compte qu'elles sont bien là et qu'elles poussent les gens à se confier à lui, à lui dire tout ce qu'ils pensent. Lui qu'on a accusé à tort du meurtre de sa fiancée va découvrir le monde sous un nouveau jour et peut-être y trouver une occasion de découvrir le vrai coupable.

En utilisant un argument fantastique, Joe Hill attaque la société américaine, mais aussi européenne, dans ce qu'elle a de pire : son culte de l'apparence, son hypocrisie et ses mensonges. Dès ses premières rencontres, Ignatius va découvrir une infirmière rêvant de baffer un môme insupportable et sa mère, un flic amoureux de son collègue homophobe ou que son ancienne belle-mère se console dans les bras d'un révérend !
Les mensonges les plus douloureux, il va les pourtant les découvrir auprès de sa famille, de ceux qui l'ont soutenu et qui vont lui avouer bien malgré qu'en réalité, ils le détestent, qu'ils ont honte de ce qu'il a fait et a ruiné leurs images auprès de leurs amis. Ignatius va découvrir qu'ils ne l'ont aidé que pour sauver les apparences et qu'ils aimeraient mieux le voir disparaître. Et voilà donc que Joe Hill s'amuse à détruire la sacro-sainte famille américaine.
Pourtant, le mensonge a toujours fait partie de la vie d'Ignatius, qu'il en soit victime ou coupable, car pour séduire Merrin, il lui aura fait croire qu'il a réparé une croix lui appartenant alors que c'est l'oeuvre de son meilleur amis Lee Tourneau, un étrange ados qui vend des revues pour se faire un peu d'argent de poche et vivre dans un environnement pauvre. Du moins, c'est ce que pense Ig, d'après ce que ce dernier lui a raconté.
L'une des forces de ce roman est ses nombreux flash-backs et d'en profiter pour donner différent point de vue sur les événements qui ont précédé: celui d'Ig, de son frère et surtout de Lee Tourneau, personnage ambivalent et plus qu'inquiétant, le plus emblématique de l'hypocrisie dénoncée par Joe Hill dans ce roman. Et ces passages dans le passé permettre de plonger dans cette banlieue américaine et de nous faire découvrir son quotidien empreint de religion.
En évitant de se concentrer ainsi sur le présent de son héros, l'auteur rend le présent de son personnage plus fort, plus encore quand on connaît son ancienne vie et ses anciens espoirs, de ce qui a amené à la mort de son amour. A l'aspect fantastique, Joe Hill oppose ainsi une violence physique à celle malsaine provoquée par un homme ressemblant à un démon, en quête de vengeance.
En faisant de Ignatius une sosie du diable et de ses opposants de bons croyants, Joe Hill se joue de tous manichéisme, inverse les rôles pour bien montrer l'importance de l'apparence, une apparence forcément trompeuse qui n'est là que pour camoufler le pire de chacun des personnages, hypocrisie probablement nécessaire pour que la société existe et qu'elle se donne des valeurs, même si elle ne les respecte pas.

Au final, on a un roman fantastique et noir sortant des sentiers battus, mettant en scène une romance tragique et un roman noir, sombre à souhait. Joe Hill signe ici un roman qui met souvent mal à l'aise, même s'il y a aussi de la tendresse et un brin d'humour. Il signe une histoire fantastique où les pires monstres sont finalement les hommes, un cliché qui peut sembler éculé, mais qui prend tous son sens sous la plume de Joe Hill.

Note : 9/10

 

Stegg

 

A propos de ce livre :

 

- Site de l'auteur : http://joehillfiction.com/

- Site de l'éditeur : http://www.jailu.com/