Ces "Confessions d'un Elfe fumeur de lotus" sont donc la quatrième aventures de l'elfe Sylvo Sylvain après "Rue farfadet", "Après le déluge" et la nouvelle "La Seconde Mort de Lucius Van Casper" publié dans l'anthologie "Elfes et Assassins". Dans ce nouveau volume, Raphaël Albert s'intéresse à la jeunesse de son héros et à ce qui l'a amené à Paris, du moins à vivre dans une ville plutôt que dans une forêt à l'instar de son peuple, un passé raconté à travers les volutes de la fumée de Lotus avec lequel le héros est en train de se droguer, de fuir ce monde.

L'histoire débute avec Sylvo Sylvain qui se rappelle son passé dans la forêt alors qu'il poursuit un autre elfe, coupable du meurtre d'un homme, l'un de ses amis d'enfance. Puis, il replonge plus loin avant sa naissance alors qu'il était une graine en gestation dans un arbre, apprenant le monde. Puis, il y aura sa seconde naissance, sa rencontre avec ses parents, ses grands-parents, puis avec son pillywiggin. Puis, il débutera son apprentissage auprès de ses aînés, apprenant la vie dans Toujours- Verte, la forêt que les elfes servent.
Puis, les drames vont arriver, transformant peu à peu l'elfe, son rapport avec les siens, avec les hommes, avec la forêt également. Ces confessions tiennent donc du récit initiatique, sauf que le destin de Sylvo Sylvain sera loin d'être héroïque, coincé entre ses devoirs et ses envies. Le futur détective doit donc affronter seul ses dilemmes, mais également d'autres dangers, d'autres menaces, celle qui auront fait de lui un héros ordinaire avant que la chute arrive et qu'il  se retrouve seul dans cette fumerie.
La force de ce récit est donc de nous annoncer le drame dès le début, que l'histoire utilisera le monomythe pour mieux en dévier. L'histoire nous plonge ensuite dans le monde des elfes, un monde merveilleux où l'on vit avec la forêt, pas uniquement à son contact, mais en harmonie avec elle, quoi de plus normal pour un peuple de nature végétale. Un monde qui est pourtant fait de règle, un monde aux lois parfois dures et aux coutumes intransigeantes. Derrière le côté merveilleux des elfes, on trouve aussi l'histoire d'un peuple en pleine disparition, où la féerie semble disparaître.
Pourtant le roman souffre de quelques défauts : notamment un passage épique à souhait et réussi, mais qui dénote complètement par rapport au reste de l'histoire, puis il y a aussi quelques facilités lorsque Sylvo, confronté à des enfants humains, reste circonspect vis-à-vis de la manière de vivre des hommes, très différentes de celle des elfes. Des petits défauts au regard de ce qui suit et précède, ce roman étant un drame magnifiquement écrit et situé dans un univers de féérie, jouant même avec les codes du genre en refusant à Sylvo Sylvain un statut de sauveur, bien au contraire.

Ces confessions sont donc passionnantes, utilisant le merveilleux pour rappeler la cruauté du monde à l'instar des contes, sauf que Sylvo sera responsable de sa propre déchéance dont il nous raconte ici l'origine. Ce roman nous montre donc l'histoire de son héros, depuis son enfance innocente jusqu'à son statut de drogué. La plume de Raphaël Albert nous raconte cette histoire avec de la tendresse, bien qu'elle soit extrêmement noire. Sous ses allures de fantasy elfique, ce roman nous propose donc un drame terriblement humain, d'une force incroyable.

Note : 9/10

 

Stegg

 

A propos de ce livre :

 

- Site de l'éditeur : http://www.mnemos.com/