J'ai découvert il y a maintenant près d'un an Jack Ketchum avec son roman "
Une Fille comme les Autres" publié aux éditions Bragelonne. Avec ce livre bouleversant de cruauté, Ketchum était d'emblée entré dans mon panthéon des auteurs d'horreur. Véritable tour de force en un roman, me direz-vous ? Certes, mais quand vous aurez lu cet auteur, peut-être que ce constat ne vous semblera plus si improbable que cela. Enfin, bref, toujours est-il que lorsque j'ai appris que le tout premier roman de Jack Ketchum, Morte Saison, allait être publié par Bragelonne, j'ai aussitôt sauté dessus !
Et bien grand bien m'en a pris car ce roman est à la hauteur des espoirs que j'avais placés en lui. La quatrième de couverture, aussi alléchante qu'un brin racoleuse, nous rapporte les dires du Magazine Village Voice, qui aurait qualifié l'ouvrage à sa sortie de "violente pornographie", le tout agrémenté d'une mention en grosse ligne : "D'après un fait divers". Mouais me suis-je dit. Tout cela est aussi attirant qu'effrayant car parfois, plus le quatrième de couverture nous promet de frayeurs ultimes, plus le roman est mauvais.... Mais c'est c'est quand même avec grand enthousiasme que j'ai attaqué Morte saison. Premier constat, le roman se lit très vite. Second constat, le début n'a rien de transcendant... C'est même un peu long à démarrer, l'exposition des trois groupes de protagoniste se traînant un peu en longueur. Bon, on avance. Et cette mauvaise impression se dissipe bien vite car quand l'action se met en place et que le piège se referme subitement sur nos héros, c'est la grande claque. On est entraînés dans une spirale infernale d'horreur et pour le coup, c'est vraiment atroce et terrifiant. Ce roman est malsain, horrible, tout ce que vous voulez. Une vraie descente en enfer. Mais au-delà de cela, il est surtout très bon. Jack Ketchum est un maître de l'horreur du quotidien, un auteur de grand talent pour décrire la cruauté et les actes les plus barbares. Accrochez-vous si vous avez le coeur sensible...
Mais revenons-en un moment à l'histoire. Carla est écrivaine et elle décide de louer une petite maison à la campagne pour boucler l'ouvrage qu'elle doit bientôt rendre à son éditeur. Une maison perdue dans la lande, en morte-saison, dans une bourgade où les touristes et les étrangers ne sont pas vus d'un bon oeil. Toujours est-il que Carla est venu chercher le calme et l'inspiration et qu'avant de se mettre au travail, elle a invité cinq amis, deux couples et son petit ami actuel, à venir passer une semaine chez elle, dont sa soeur et son ex-petit ami. A côté de l'installation de Carla et de l'arrivée du groupe, nous suivons une tranche de vie routinière du Sheriff Peters et de son jeune adjoint ainsi que l'évocation de crimes horribles s'étant déroulés peu auparavant. Le lecteur fera bien entendu très rapidement le rapprochement avec l'ouverture du roman nous montrant la mise à mort d'une femme par une bande d'enfants en guenille, assoiffés de sang et faisant preuve d'une rare cruauté. Tous les éléments du drame se mettent en place, on sait que quelque chose d'horrible va bientôt se produire, et que tout va venir très très vite. Mais quand ?
Et bien croyez-moi, quand cela arrive, cela fait mal et vous auriez finalement bien aimé quelques petite pages de plus dans cette douce tranquillité entre amis. Car Morte saison va vous plonger dans l'horreur la plus noire. Incompréhension, haine, violence, cannibalisme, mutilations, meurtre, folie, barbarie, tout y passe. La maison va être assiégée par un groupe d'hommes, de femmes et d'enfants sauvages vivant en reclus sur la plage, sans que personne n'ai jamais eu connaissance de leur présence. Aucune pitié, aucun scrupule, aucune limite...
L'écriture de Jack Ketchum est intransigeante, violente, nerveuse et prête à tous les excès. Femme ou enfant, le résultat est le même, boucherie et violence. Et Morte saison prend rapidement la forme d'un "survival" qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler fortement le film d'Alexandre Aja La Colline à des yeux. Mais à la différence près, qu'ici il n'y a pas de règle du genre et les codes sont détournés pour tromper le lecteur dans ses attentes. L'héroïne ne l'est en réalité pas du tout et l'horreur est partout, même là ou vous l'attendez le moins. Morte saison est un roman d'une noirceur insondable où ne perce pas la plus petite once d'espoir. Ce roman est perturbant, troublant et très malsain. Un bijou dans le domaine de l'horreur qui vous prend aux tripes d'une manière viscérale, d'autant plus qu'aucun aspect fantastique ou surnaturel ne vient alléger la pression exercée sur votre coeur. Chez Ketchum, on est dans le réel, dans la vie de tous les jours et dans son lot d'horreur les plus folles. Comme dans une fille comme les autres, Ketchum nous propulse dans un quotidien qui bascule et nous confronte à la noirceur de l'âme humaine. Mais ici pas de rédemption possible, personne n'en sortira indemne, et surtout pas le lecteur...
Ames sensibles, méfiez-vous si vous ouvrez ce roman, amateurs d'horreur, régalez-vous, ce roman est une merveille du genre, une vraie réussite qui ne se contente pas d'accumuler des scènes gores et du sang. De tout cela il y en a, et pas qu'un peu, mais derrière tout cela, il y a l'ambiance, le message, l'écriture. Et c'est le mélange de tout cela, l'audace du cocktail et la noirceur générale qui vous glace le sang et vous fait frémir au plus profond de vous-même. Un seul mot, terrifiant...