Don César de Bazan
Titre original: Don Cesare di Bazan
Genre: Aventures , Cape et épées
Année: 1942
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Riccardo Freda
Casting:
Gino Cervi, Anneliese Uhlig, Enrico Glori, Paolo Stoppa, Enzo Biliotti, Giovanni Grasso, un couple de nains...
 

Barcelone, 1650 - Dans une vaste auberge de la ville, des officiers, de retour des Flandres, fêtent bruyamment l'un des leurs, Don César de Bazan (Gino Cervi) "le plus héroïque soldat d'Espagne". A l'étage de cette même auberge, dans une pièce privée, des conspirateurs préparent l'insurrection de la Catalogne. Leur chef, le Vicomte de Beaumont (Enrico Glori), ambassadeur de France en Espagne, leur annonce l'arrivée de poudre et d'armes fournies par la France, mais il leur propose aussi un plan plus subtil : enlever le roi d'Espagne, préalablement attiré hors de la Cour par un appât féminin qu'il leur présente (Anneliese Uhlig). Pendant ce temps, Don César provoque un esclandre avec des soldats de la garnison, en prenant la défense d'un jeune valet d'armes. Arrivé entretemps, Renée Duras (la jeune femme impliquée dans le complot), prend aussi la défense du garçon, mais l'intervention du Vicomte de Beaumont permet de ramener le calme. Don César reconnaît en ce dernier un valeureux adversaire lors de la campagne des Flandres, et le Vicomte lui apprend qu'en Espagne les duels sont désormais punis de mort. Le soir, Don César est rejoint par son valet (Paolo Stoppa) qui lui apprend qu'il a découvert par "inadvertance" que les barils de vin de Champagne, embarqués dans le navire qui les a ramenés des Flandres, contiennent en fait de la poudre à fusil...



"Don Cesare di Bazan" est le premier film de Riccardo Freda, et pour un coup d'essai c'est sans aucun doute un coup de maître, salué unanimement par la critique de l'époque qui s'étonna d'ailleurs que ce film fut le fait d'un débutant. Les détracteurs de Freda pourront d'ailleurs dire que le maître ne fit aucun progrès par la suite, car tout ce qui fait sa patte est là : des images superbes, avec une caméra statique mais un cadrage pensé en amont, pour faire ressortir la beauté plastique des scènes et des décors ; et, à l'inverse, une direction d'acteurs parfois en roue libre, ce qui pour ce film ne sera pas gênant car la distribution est expérimentée et talentueuse.
Tout cela n'est pas surprenant, car si Freda débutait alors dans la réalisation, cela faisait un moment qu'il oeuvrait dans le milieu cinématographique en tant que scénariste.
Quoique non crédité au générique, Freda participa d'ailleurs à l'adaptation de cette obscure pièce française du 19e inspirée du Ruy Blas de Victor Hugo ; il le fît au coté du futur scénariste "officiel" du néoréalisme : Cesare Zavattini.



Dans le rôle titre, la présence de Gino Cervi, grande vedette du cinéma italien d'alors, peut paraître assez surprenante tant son physique puissant, pour ne pas dire lourd, semble mal adapté au rôle d'un jeune premier de film d'action, à la fois bretteur et séducteur. Mais si au départ il peut paraître déguisé dans sa tenue de mousquetaire, sa truculence et sa présence naturelle finissent par emporter l'adhésion du spectateur.
Dans le rôle du méchant, raffiné mais perfide, Enrico Glori est excellent et porte la perruque blonde avec plus de naturel que Gino Cervi. Moins connu que ce dernier, il n'en eut pas moins une carrière bien remplie, partagée entre la France et l'Italie. Ses débuts au cinéma furent particulièrement atypiques : correspondant en France pour des journaux italiens, c'est par amitié pour le réalisateur français Pierre Chenal qu'il joua dans un film de ce dernier. Il n'arrêta alors plus de tourner jusqu'à sa mort, en France et dans son pays natal, se spécialisant dans les rôles de "méchants" issus d'un milieu social aisé. Il mourut en plein tournage d'une adaptation italienne de Maigret qu'il jouait au côté de son fils, et de Gino Cervi dans le rôle titre.
Premier rôle féminin de ce film, l'allemande Anneliese Uhlig, dont la beauté sévère est ici magnifiée par la caméra de Riccardo Freda, eut une carrière plus surprenante encore. Enfant de la balle, elle débuta sous les caméras de Carmine Gallone (réalisateur symbole du cinéma fasciste, qui commit dans les années 60 des épisodes de Don Camillo avec Gino Cervi) mais à Berlin, et en langue allemande. Elle devînt rapidement une vedette populaire, tournant essentiellement dans des films policiers et des films de propagande nazie. Popularité accrue par sa participation active dès le début du second conflit mondial aux tournées de soutien aux victorieuses troupes du Reich. Mais en 1942, Anneliese Uhlig entra en conflit avec Joseph Goebbels (comprendre : l'actrice refusa de devenir une de ses maîtresses) et dut s'exiler chez l'allié italien. Elle tourna alors, entre 1942 et 1944, essentiellement des films en costumes, et exerça parallèlement un travail d'interprète auprès de la famille de Benito Mussolini. De retour en Allemagne, après la seconde guerre mondiale, elle sut rebondir (comme tous les gens d'une grande élasticité morale et idéologique), malgré ce lourd passif, en entrant dans les services cinématographiques... de propagande américaine en langue allemande, pour lesquels elle produisit et réalisa des courts métrages. Elle épousa même, en secondes noces, un officier américain.



Mais plus que l'interprétation, c'est la beauté des images, et plus particulièrement des costumes et des décors, qui font de ce film une réussite. On a d'ailleurs peine à croire que les intérieurs de "Don Cesare di Bazan" furent entièrement réalisés en studio tellement ils sont réalistes. La référence plastique marquée du film est d'ailleurs la peinture de Velázquez, une référence sans doute un peu trop soulignée, avec la présence de nains tenant en laisse des Mastiffs, mais aussi d'un acteur jouant le rôle complètement superfétatoire du peintre.
On passera aisément sur ces défauts mineurs et sur la relative brièveté du métrage.
Vingt ans plus tard, Riccardo Freda réalisera ce qui sera son chant du signe, "Sept épées pour le Roi", à partir d'un pitch identique (mais pour un résultat totalement différent), avant de s'enfoncer dans la médiocrité.



Sigtuna

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