Un homme erre dans les bois, la nuit. Au loin, un cri de femme retentit. Sa main est couverte de sang... On le retrouve un peu plus tard, au volant de sa voiture. Ses yeux perçants, tels ceux d'un chat, repèrent une silhouette au bord de la route, une autostoppeuse. Il la ramène jusqu'à chez elle. Elle lui propose de boire un verre dans un bar. A partir de là, la vie d'Octavien va basculer du rêve à la réalité, de la raison à la folie. Son existence semble liée à celle d'un tueur en série sévissant dans la cité. De jeunes femmes sont sauvagement assassinées. Octavien est-il l'assassin, ou est-il victime de son imagination ? A moins qu'il ne soit manipulé...
Conçu au départ pour être un court métrage d'une quinzaine de minutes, "Il gatto dal viso d'uomo" est devenu un moyen métrage de presque trois-quarts d'heure. Le titre fait évidemment référence aux premières oeuvres de Dario Argento, pour qui Marc Dray ne cache pas son admiration (du moins pour son travail durant les années 1970 jusqu'au début des années 80). Les clins d'œil à Argento ne manquent donc pas dans ce moyen métrage, le principal restant le meurtre d'une femme dans une résidence aux baies vitrées, inspiré de celui de Macha Méril dans "Les frissons de l'angoisse". Les hommages à Mario Bava sont également bien là, que ce soit dans les éclairages et l'utilisation de filtres de couleurs donnant une ambiance particulière aux décors, mais aussi dans le look du tueur, sortant tout droit de "Six femmes pour l'assassin" (vêtements et chapeau noirs, masque et arme blanche).
Mais dans un souci de s'éloigner autant que de s'approcher des codes habituels du giallo (entreprise louable mais périlleuse), Marc Dray s'est efforcé d'apporter une touche onirique, fantasmagorique à son film. En cela, il a rajouté dans son shaker le "cocktail lynchien", qui va transporter son histoire aux frontières de l'irrationnel, au risque de surprendre (mais aussi de décevoir) les fans inconditionnels de gialli. Le réalisateur est un fan de David Lynch, et cela se sent au travers de certains éléments de décor (le sofa rouge) et de quelques scènes (la conversation du début dans la voiture, le passage dans le bar avec le borgne). Le résultat, à l'écran, donne la forte impression que la patte "lynchienne" a laissé l'empreinte la plus marquée. Et si l'on excepte quelques situations, le look du tueur et les meurtres, l'ambiance dans "Il gatto dal viso d'uomo" lorgne beaucoup plus du côté de "Lost Highway" ou "Mulholland Drive" que de "L'oiseau au plumage de cristal". Les fans de Lynch (période post 1990) apprécieront, ceux de gialli "purs et durs" beaucoup moins.
A multiplier les références (car on peut rajouter aussi "4 mouches de velours gris", "Phantom of the Paradise"...), le réalisateur a certes voulu rendre un hommage appuyé à certains films et cinéastes l'ayant marqué, mais il en résulte un manque de cohésion dans l'intrigue et une certaine confusion au niveau du scénario. Pourquoi faire croire au spectateur que l'action se déroule en Italie (le tueur est surnommé "il gatto", les coupures de presse sont en italien) alors qu'elle se déroule de toute évidence en France (à Toulouse), ce que confirme l'autostoppeuse au début du film lorsqu'elle dit à Octavien : Je suis danseuse, je viens d'Italie. Pourquoi, également, ces miliciens arborant des bérets ridicules, dont l'utilité paraît fortement discutable.
Fort heureusement, malgré ces quelques imperfections, et une intrigue décousue, Marc Dray montre un réel talent de metteur en scène, parvenant à créer une ambiance, un climat à la lisière du fantastique, et faisant preuve d'un savoir faire autant dans l'exploitation des différents lieux de tournage, que dans l'utilisation de certains éléments du décor (visages se reflétant dans un verre, un miroir ou un rétroviseur). Mais surtout, le cinéaste s'est entouré d'un casting de qualité, une belle performance car il s'agit presque exclusivement d'acteurs non professionnels (seul Frédéric Aubry, vu notamment dans "L'arbalète" de Sergio Gobbi, est un acteur confirmé). Dans le rôle d'Octavien, Christophe Lafargue compose un personnage ambigu, trouble, névrosé parfaitement crédible. Un jeu tout en finesse, et en sobriété, que l'on retrouve chez la plupart des autres personnages, notamment Clémentine Decremps, qui campe l'autostoppeuse.
En prouvant qu'il sait tenir une caméra et diriger une équipe, Marc Dray est à rajouter dans la liste des jeunes metteurs en scènes français à suivre. Cela dit, après "Amer", et en attendant "Blackaria", le renouveau du giallo reste encore à démontrer. Néanmoins, le simple fait de se démarquer des courants à la mode (zombie, torture porn...) est déjà louable en soi, aussi espère-t-on que cette nouvelle vague française aura l'occasion d'exploiter un potentiel plutôt prometteur dans un avenir très proche.
Flint
En rapport avec le film :
# La fiche dvd de Oh My Gore ! du film "Il gatto dal viso d'uomo"