Quel lien peut-il exister entre le meurtre d'Archibald Jefferson, poignardé en plein cœur dans une chambre du Palace Hôtel de Londres, et celui, un peu plus tard, de Leila, danseuse de la troupe des Las Vegas Girls actuellement en représentation ? C'est ce que l'inspecteur Perkins tente de savoir, avec l'aide de son adjoint, le turbulent sergent Pepper, et sous la haute administration de Sir Arthur, directeur de Scotland Yard, plus réputé pour son addiction au sexe faible que pour son flair dans les enquêtes criminelles. Très vite, il s'avère que Leila était la maîtresse de Jefferson, que ce dernier a été tué par un couteau utilisé dans le milieu du cirque, et que... cela tombe bien, il se trouve que dans le show des Las Vegas Girls figure un lanceur de couteaux utilisant le même genre d'ustensiles. Un peu trop évident, peut-être ; et puis, que signifie cet oeil de verre trouvé dans la poche de Jefferson ?
N'empêche que dans ce théâtre plus d'une personne présente un comportement suspect, que ce soit le régisseur ou le ventriloque, sans oublier ce jeune lord, Bruce Sharingham, venant fureter dans les coulisses, et semblant partager un secret avec l'une des danseuses de la troupe. Oui, Perkins va avoir du pain sur la planche...
Et ce n'est pas cette nouvelle enquête, tirée une fois encore d'un roman d'Edgar Wallace, qui va perturber outre mesure l'inspecteur Perkins, alias Horst Tappert, reprenant le rôle qu'il tenait l'année précédente dans "Ape Creature". On retrouve d'ailleurs aussi le personnage toujours aussi farfelu du sergent Pepper, avec cette fois Stefan Behrens remplaçant au pied levé Uwe Friedrichsen. Il est l'incontournable élément comique de ce krimi, en alternance avec Sir John, interprété pour la troisième et dernière fois par Hubert von Meyerinck. Dernière apparition également pour Ilse Pagé, qui aura incarné la secrétaire (très particulière) de Sir John une bonne demi-douzaine de fois dans les krimis produits par la Rialto.
Au rang des acteurs, on notera aussi la présence de Rudolph Schündler, que l'on a pu voir dans "The College Girl Murders", "La dame rouge tua 7 fois", "Suspiria", "L'exorciste" mais aussi l'un de ses ersatz les plus "cochons" : "Magdalena, la sexorcisée".
L'ambiance ayant pour cadre une troupe de danseuses, il fallait donc quelques jolies filles, et Alfred Vohrer n'a pas manqué, pour la circonstance, de gratifier le spectateur de bien belles "plantes", parmi lesquelles Christiane Krüger ("Liz et Helen"), Iris Berben ("Companeros"), et Heidrun Hankammer (la seule à se dénuder dans le film, l'actrice se spécialisera d'ailleurs dans quelques productions érotiques, comme "Le château des messes noires" par exemple, et aussi "2069 : A Sex Odyssey"). Et puis, n'oublions pas la belle Ewa Strömberg, que tout fan de Jess Franco connaît forcément, l'actrice suédoise ayant joué dans "Vampyros Lesbos", "X312 - Flight to Hell", "The Devil Came from Akasava" et "Crimes dans l'extase", où figure d'ailleurs Horst Tappert concernant ces deux derniers titres.
Pour en finir avec le casting, "The Man with The Glass Eye" marque la rencontre du futur duo de "l'indémodable" feuilleton "Derrick", à savoir Horst Tappert et Fritz Wepper, ce dernier incarnant en effet Harry Klein, l'adjoint de Derrick, durant les 281 épisodes tournés entre 1974 et 1998 ! Dans le krimi de Vohrer, Wepper n'est autre que le mystérieux Lord Sharingham, jeune noble amoureux d'une danseuse, et vivant sous la coupe d'une mère hautaine. Est-il le mystérieux tueur au couteau ? Peut-être, mais peut-être que non... Tappert et Wepper s'étaient croisés préalablement sur un plateau de tournage en 1959, mais n'avaient pas de scènes ensemble (il s'agissait de "Der Engel, der seine Harfe versetzte", de Kurt Hoffmann).
Quoi qu'il en soit, le film remplit les conditions habituelles du krimi : un flic enquêtant en toute décontraction (Tappert poursuit la voie d'un Joachim Fuchsberger, dans ce sens), le personnage apportant la touche humoristique (du moins censée être drôle), des jeunes filles en danger, des méchants très méchants (sur fond de trafic de drogue et de traite des blanches, on reste dans le classique), et un tueur/vengeur mystérieux, accoutré dans une tenue peu orthodoxe rappelant cette fois le Fantôme de l'Opéra. Et donc des meurtres, forcément, toujours "soft", mais sortant parfois de l'ordinaire (comme le masque piégé, par exemple). Au niveau de la musique, c'est encore ce diable de Peter Thomas qui est aux manettes, et l'on est une fois de plus ravi d'écouter son rock jazzy très entrainant. Pour l'anecdote, "The Man with the Glass Eye" est le quatorzième et dernier film d'Alfred Vohrer réalisé pour la Rialto (sur trente trois).
On a au final un krimi bien ancré dans la tradition du genre, stéréotypé comme il se doit, avec des acteurs récitant leur partition à la perfection. Chacun est à sa place dans ce polar qui nous ménage quand même une belle surprise quant à la réelle identité du mystérieux tueur au couteau. Pour le reste, "The Man with the Glass Eye", sans être foncièrement original, n'en est pas moins un krimi divertissant, filmé qui plus y est par le spécialiste du genre, Alfred Vohrer. Quant à Horst Tappert, il deviendra ensuite une légende de la télévision allemande, comme on sait, mais il aura auparavant tourné dans un dernier krimi, "Der Todesrächer von Soho", réalisé en 1972 par ce bon vieux Jess Franco.
Note : 7/10
Flint